ZÉPHYR & PANDORE → apprendre à se débrouiller par soi-même. avec un peu d'aide. ♥

« Apprendre à se débrouiller par soi-même. Avec un peu d'aide. »

Un premier plantage de crocs bien décisif dans le cou, pour faire tomber ma première victime à la renverse, pour la laisser là, en agonie sur le sol, se tordant dans tous les sens, ce qui ne faisait qu‘aggraver l‘hémorragie. Le sang de celle-ci n’avait pas très bon goût. Pas assez de sucre, et malheureusement je ne me promène pas avec des petites sucrettes sur moi. A l’avenir j’y penserais ! Les autres - futures - victimes criaient, pleuraient, tentaient de s’enfuir mais étant totalement tétanisées, faire un pas devant l’autre - en courant qui plus est -, relevait du miracle. Surtout pour les personnes qui n’avaient jamais vécu ça, celles qui n‘ont jamais croisé de vampire de leur vie, ou qui n‘ont jamais du en fuir un. En général ce type de personne cela existe que très peu.
Je les décimais les unes après les autres, ne pensant qu’à leur sang ; bien que leurs cris d’agonie avaient le don de me filer la migraine. Malheureusement pour moi, à peine avais-je commencé mon festin que je reçus dans un premier temps un coup sur la tête, ce qui me stoppa net. Second round - le premier n’avait fait que me distraire -, je reçus une sorte de décharge électrique. Sans pouvoir réagir, ni même me poser la question "qu’est-ce qu’il m’arrive ?", j’en reçus une deuxième. Une troisième. La dernière fut radicale. D’un seul coup je me sentais toute bizarre, avec un gong qui sonnait dans ma tête. Tout ce vacarme m’acheva. Les gens qui m’avaient violentée devaient être plutôt surpris, dans un premier temps en voyant le carnage que j’avais fait plus tôt, et dans un second temps en remarquant qu’il m’aura fallu trois décharges pour me faire perdre connaissance, alors que cette arme avait été conçue pour en venir aux personnes dangereuses en un claquement de doigts. Sauf que moi, je suis plus résistante que ça.

Le réveil, c’était une toute autre affaire. J’avais un mal de crâne de chien, et je ne me sentais vraiment pas bien du tout. Toute faible, c’était ça. Mais c’était normal : cela faisait plus de vingt-quatre heures que je ne m’étais pas correctement nourrie. Il ne fallait pas que j’attende trop sinon j’allais y laisser ma peau. J’allais dire ma vie mais nous savons tous que je n’en ai plus vraiment, en réalité.
Tout en grimaçant, je me relevai. Une main sur mon front et l’autre soutenant mon bas du dos. Alors en plus de la migraine, j’avais un mal de dos qui s’était réveillé. Eh ben, ça c’est ce qu’on appelle un bon début de journée ! Ouais, c’était le jour. J’étais restée assommée toute la nuit, attention ça ne rigolais plus, à Londres. Une fois debout, je m’apprêtais à sortir lorsque je butai violemment contre quelque chose. De froid, et de dur. Je relevai la tête et, horrifiée, qu’est-ce que je découvrais ? De somptueux barreaux de prison. Fabuleux. J’étais enfermée. Et cela m’apprendra à marcher tête baissée. Maintenant j’allais avoir une belle bosse. Je commençais vraiment à bouillonner à l’intérieur de moi. Mais il fallait vraiment que je sorte d’ici, question de vie ou de mort. J’avais horriblement faim… Déterminée, je tentai une première fois d’écarter ces barreaux et d’en venir à bout, mais c’est eux qui en venaient à bout de moi, plutôt. Je n’avais plus aucune force, et encore, même en étant suralimentée je ne pense pas que j’aurais réussi à faire quoi que ce soit avec ce métal glacé. C’était foutu. Bel et bien foutu. La fin de Pandore, c’était aujourd’hui. Je n’aurais pas fait longtemps, comme ça. « Aaaah sortez-moi de là j’en peux plus. » De l’autre côté du mur je pouvais entendre des rires, des sirènes de police, des cris masculins. De tout. J’en déduis que j’étais dans un commissariat londonien. Mais d’où j’étais enfermée, je ne voyais rien. Et les petites policiers pensaient bien faire de m’isoler dans une cellule monoplace, mais c’était ça qui allait conduire à ma perte.
Et moi, je tournais en rond, je tapais ma tête contre le mur, je comptais les secondes, je faisais tout ce qui me permettait de ne pas penser à ma soif, mais malheureusement cette vilaine revenait toujours à la charge. « J’ai soif ! » L’un des leurs s’approcha de ma prison personnelle et y lança une bouteille d’eau. Je lançais un regard foudroyant à ce qui n’allait pas vraiment m’aider avant de la rejeter. « Pauvre idiot. » Seulement je n’avais pas pensé au fait qu’il allait me dévisager ; il se demandait sûrement pourquoi je repoussais l’eau alors que je venais de dire que j’avais soif. Il ne pouvait pas comprendre. Ces jeunes, ils ne comprennent rien à rien. Bien que je ne devais pas être bien plus vieille que lui.

Pandore & Zephyr

Apprendre à se débrouiller par soi-même... avec un peu d'aide !

Ah, Londres ! Métropole grouillante de vie, toujours accueillante, emplie de bruit et de fureur. Comme Zephyr était heureux de retrouver sa mère patrie, cette ville qui l'avait vu naître, ces rues sales dans lesquelles il s'était forgé une identité, avait lutté pour un morceau de pain, ou s'était battu avec quelques garnements. Il s'en souvenait comme si c'était hier. La fin du XIXème siècle, la misère et la pauvreté, la solitude d'un petit garçon livré à lui-même. Puis, l'explosion du XXème siècle, la renaissance sublime et l'accès à l'immortalité. Londres...

Zephyr se sentait mieux accueilli nulle part ailleurs. C'était sa ville. Il y imposait ses règles du jeu. Bien entendu, il savait que la chasse aux vampires était devenue une sorte de sport national pour les sorciers, depuis quelques temps, mais jamais encore il ne s'était fait prendre. Il était bien trop malin pour cela.

"Respirant" à pleins poumons, il se promenait tranquillement lorsqu'il ressentit un violent creux dans l'estomac. Il avait faim. Il passa sa langue sur ses lèvres et plissa les yeux, à l'affût d'une victime potentielle. Il se trouvait dans une rue très passante, c'était tellement facile de se faire un petit resto improvisé... Il se mit à détailler chaque personne qui s'offrait à son regard, la main sur le menton dans une expression particulièrement inspirée.

"Non, trop chétive... Celui-là pas assez... Lui là-bas est chauve, les chauves n'ont pas un sang très goutu... Cette femme, oui... éventuellement... mais je n'aime pas sa façon de s'habiller... Le petit garçon ? Non, il va brailler, ça risque de m'énerver..."

Plusieurs passants, en entendant ses paroles, se retournèrent et le dévisagèrent avant d'accélérer l'allure. La mère du petit garçon lui prit la main et le tira si fort vers elle qu'il se mit à pleurer. Zephyr ne put s'empêcher de rouler des yeux. Finalement, quitte à entendre geindre, autant s'attaquer à lui, non ? En plus, il aurait la maman en dessert. Il en était là de ses réflexions lorsque son oeil fut attiré par un livreur de pizzas Hut qui sortait rapidement d'un véhicule de la même enseigne, tenant trois pizzas à bout de bras. Zephyr raffolait de l'odeur de la pizza, il lui arrivait même d'en mâcher simplement pour en sentir le goût, avant de la recracher puisque son organisme ne pouvait supporter les aliments solides.

Il se faufila entre les passants et tapota l'épaule du livreur qui se retourna, l'air maussade.

"Oui ? Dépêchez-vous, je dois livrer le commissariat de police et j'ai déjà une demi-heure de retard, la faute aux embouteillages."

Le visage de Zephyr s'illumina, mais le sourire qu'il décocha au livreur n'avait rien de sympathique.

...

Quelques minutes plus tard, après avoir dégusté le livreur malpoli de pizza Hut derrière une poubelle, dans une rue déserte, Zephyr réapparut dans l'avenue, vêtu de la tenue du livreur. Il tenait les trois boites à pizzas fermement et souriait d'un air bienheureux. Le livreur, paix à son âme, avait parlé d'un commissariat, et aussitôt, le vampire avait eu envie de manger quelques poulets. Juste avant d'entrer, il ajusta sa casquette verte sur son crâne, eut un début de fou-rire en constatant que le badge sur son tee-shirt indiquait qu'il s'appelait "Herbert" (Franchement, qui s'appelait Herbert en cette fin de siècle ?) et poussa la porte du commissariat. Il vit aussitôt les visages rayonnants et émus des policiers, comme si les pizzas étaient les plus belles choses qu'ils n'avaient jamais vu. Un rien pouvait combler des poulets.

"La quatre saisons c'est pour moi !"
"Vous n'avez pas oublié les oignons sur la Peperonni ?"
"J'espère que vous ne nous avez pas mis une végétarienne, comme la dernière fois !"

Et ça caquetait, et ça caquetait... Zephyr ne se départit pas pour autant de son sourire de bon vendeur. Il s'approcha du comptoir derrière lequel les poulets étaient entassés, et posa les cartons à pizzas dessus, puis il sortit le ticket de caisse qu'il exposa à la vue de tous.

"ça fait trente-trois livres, messieurs !" annonça-t-il gaiement.

Eh oui, quitte à manger à l'oeil, autant se faire payer ! L'un des policiers lui donna l'argent qu'il mit dans la poche de son jean, puis songea qu'il était temps de passer à l'action. Il ne valait mieux pas attendre que les hommes aient fini de manger, car des poulets engraissés étaient nettement moins bons pour la santé. Zephyr perdit donc son sourire engageant, passant sa langue sur ses canines acérées, impatient de faire un joli massacre.

C'est alors qu'il entendit une jeune fille crier. Grogner était un terme plus exact. Surpris par cette voix qui venait d'une cellule, plus loin dans le couloir, il tendit l'oreille. Un policier prit une bouteille d'eau et sortit de son champ de vision. Les autres, trop occupés à dévorer leurs pizzas, ne prêtèrent pas attention à Zephyr qui glissa silencieusement jusqu'à la cellule, et baissa brusquement la tête pour éviter la bouteille qui fonçait droit sur lui. Apparemment, la fille n'en voulait pas. Le policier la dévisageait d'un air perplexe, puis il émit un espèce de son rauque et lui lança :

"N'essaie pas de mourir de soif ! ça ne te sauvera pas là où tu vas !"

Il eut un petit rire et se retourna, tombant nez à nez avec Zephyr.

"Qu'est-ce que tu fais là, toi ?"

Zephyr l'ignora, penchant la tête sur le côté pour mieux observer la jeune fille. Elle était assez petite, mince sans être maigre, et avait de grandes cernes violacées sous les yeux, signe qu'elle allait mal. Ses cheveux bruns aux reflets roux étaient emmêlés par un liquide sombre qui avait séché, et il n'eut aucun mal à identifier ce que c'était. Elle sentait le sang à plein nez. Et cette odeur... Zephyr n'y avait pas prêté attention tout d'abord, mais lorsqu'il fut parvenu non loin d'elle, elle emplit ses narines avec tant de force qu'il en frémit légèrement. Puis, il sourit, ce qui dut faire peur au policier puisqu'il déclara d'une voix mal assurée :

"Vous n'avez rien à faire ici !"

"Oui, je sais, je ne suis qu'un petit livreur de pizzas." répliqua Zephyr en roulant des yeux. "Tu sais quoi ? Fais dodo."

Il l'attrapa subitement à la gorge et fit pression avec ses doigts sur deux points précis. Le policier perdit aussitôt connaissance. Le vampire le laissa mollement tomber par terre et se précipita vers la cellule de sa démarche déguingandée.

"Salut !" fit-il à l'adresse de la jeune femme. "Qu'est-ce que vous faites là-dedans ?"

Et il passa une main à travers les barreaux pour qu'elle lui serre. Après tout, c'était comme ça que l'on faisait entre vampires bien élevés.

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