MANAËL & PANDORE → Intrusion avec effraction, ça coûte cher aux yeux de la loi ? ♥

« Intrusion avec effraction, ça coûte cher aux yeux de la loi ? »

Je l’avais regardé s’éloigner de moi comme ça. Et moi, j’étais restée plantée là. Il m’avait prise de court, de bien trop court ; et sur le coup, je ne savais plus vraiment quoi faire. Si je tentais de le rattraper, j’allais passer pour une faible. Et ça, je lui avais déjà fait remarquer déjà bien trop de fois durant le début de la soirée.
Bien déterminée à ce que tout cela ne soit pas encore terminé, j’entrepris de le suivre, en laissant une grande marge d’espace entre nous deux. Heureusement pour moi, il avait décidé de faire sa route en marchant. J’avais l’habitude de me faufiler un peu partout ; c’était ça l’esprit de la chasse. Ce ne fut donc pas très compliqué pour moi de garder sa trace tout en étant assez distante. De temps à autres, je m’arrêtais, en me disant qu’il m’avait peut-être déjà remarquée et qu’il faisait semblant de continuer à marcher pour tenter de me semer. On a tous déjà fait ça au moins une fois dans notre vie. En voyant que cela faisait déjà vingt bonnes minutes que nous marchions, je commençais à le penser très fort. Combien de fois je m’étais dis qu’il fallait mieux que je rentre et que je me fasse couler un bon bain avant de reprendre mes courses nocturnes ? Un bon paquet.

Fantastique, je revisitais Pré-au-Lard au clair de Lune. Et difficile à croire mais même la nuit il y avait de l’agitation. Il s’agissait très certainement d’aurors effectuant leurs patrouilles. De marchands ambulants qui avaient très peu de goût pour la normalité. De sorciers rentrés d’une soirée plutôt bien arrosée. On croisait vraiment de tout. Et puis finalement, nous sortions de Pré-au-Lard. Londres, c’était autre chose. Il y avait les voitures, les passants. Le bruit. Les rires. Un tout autre spectacle. Alors apparemment, Manaël vivait sur Londres. Ce n’était pas vraiment quelque chose d’exceptionnel : moi-aussi je vis sur Londres. Mais c’était bon à savoir quand même.
De temps à autres, il discutait avec deux ou trois personnes qu’il croisait. Un simple signe de la main en guise de bonjour et quelques paroles échangées, c’était un tout. Il tournait de rue en rue. Et moi, plus le temps passait plus j’avais de mal à le suivre. Où m’emmenait-il ? Enfin, indirectement, puisque je croisais les doigts pour qu’il ne m’ait pas aperçue dès le premier instants. Je me disais qu’il avait peut-être l’habitude et que par conséquent il se doutait bien que je n’allais pas laisser tomber comme ça et rentrer bredouille chez moi. Allez savoir.

Surprise. Effarante surprise certes, mais surprise quand même. Il ne m’avait pas guidée jusque chez lui mais plutôt jusqu’un hôtel assez classieux dans le centre-ville même de Londres. Intéressant. Il entra. Moi, je restais sur le trottoir, au milieu de la foule. Je ne bougeai plus. Je réfléchissais. Est-ce que je devais entrer à mon tour ? Mais on m’aurait fichue dehors. D’un coup d’œil derrière moi, je trouvai l’entrée d’un parc, longé de banc. J’allais attendre. Ouais, très bonne idée.
Heureusement mes parents m’avaient faite patiente. Immobile sur mon banc, assise à compter les heures qui passaient, je scrutai chaque fenêtre du bâtiment, à la recherche de la silhouette de Manaël. Par chance, il s’était approché de l’une d’elle, et grâce à ce geste, je savais qu’elle était sa chambre… Je m’épate, quelques fois. Encore fallait-il que j’entre en toute discrétion. Et ça, c’est pas gagné. Surtout qu’il s’agissait du deuxième étage. Vous vous voyez escalader librement sur cinq mètres vous ? C’était risqué, mais ça valait le coup. Surtout, n’oublions pas que les façades de la bâtisse étaient par miracle ornées de sortes de barres blanches en béton qui donnaient à l’hôtel cet aspect victorien. Mais bon, c'était inévitable. Un gars assez louche, pensant très certainement que j'étais une prostituée attendant son prochain client, s'approcha de moi. Ce n'était pas vraiment le moment, il fallait vite que je trouve une parade pour l'éloigner. « Toi et moi c'est impossible. Dommage que tu ne sois pas une femme. » Bam ! Dans la gueule. Le pauvre, il n'osa pas avancer plus. Une fois débarrassée de cet énergumène, je pouvais enfin penser à ma grimpette. Et la discrétion était de mise…

Ce fut difficile de pénétrer à l’intérieur de la chambre. Même la partie d’escalade était plus aisée. D’un insistant regard je vérifiais qu’il n’y avait personne. Espérons qu’il était entrain de prendre sa douche ou je ne sais quelle activité ne lui permettant pas de passer par le séjour. Et là… déception, la fenêtre ne s’ouvre pas. Crotte ! Ce n’était pas vraiment mon genre, de faire des dégâts… Mais il le fallait. Fracturer la fenêtre ? C’était culotté. Mais réaliste. Un vampire qui entre par effraction dans un hôtel. Du jamais vu à Londres. Déjà qu’un vampire… Enfin bref. Ce fut tout de même un bruit assez perçant, mais personne ne semblait pointer le bout de son nez. J’en profitais alors pour me glisser à travers le verre cassé pour enfin me retrouver à l’intérieur. C’était vraiment, vraiment très classe. Mais ce n’était pas l’heure de la visite. Il fallait que je trouve Manaël. Sans qu’il ne me remarque. J’allais lui faire la surprise de ma présence un peu plus tard. Jouons à un jeu. Trouve celle qui a cassé ta gentille fenêtre. Par chance, le grand méchant loup était sous la douche. A moins qu’il ne s’agisse d’une de ses maîtresse, ou de sa compagne. Je n’allais tout de même pas rentrer pour vérifier, ah ça non ! Toutes les lumières étaient éteintes, j’en profitais pour m’asseoir sur le sofa. Je voulais absolument voir sa tête lorsqu’il allait m’apercevoir. Et puis ben, si par malheur cela allait être une autre personne… Mon repas serait fin prêt !

« Intrusion avec effraction, ça coûte cher aux yeux de la loi ? »

Un don ? Mais c’était quoi cette histoire. Il m’avait demandé, Manaël, dans son peignoir, lequel était le mien. Le mien, c’était de pouvoir me transformer en la reine d’Angleterre. Et puis quoi encore. Cela commençait à perdre un peu de crédibilité, tout de même. D’abord un personnage bien plus que mystérieux dont je ne savais quasiment rien, si ce n’était le nom et la provenance - ce qui ne m’avançait pas beaucoup - et ensuite une histoire de don. Je ne comprenais pas vraiment et ne savais que répondre. Je me contentais d’un regard assez perplexe. Regard à l’égard de Manaël, pas du mur.
Il planait dans l’atmosphère comme un semblant de gêne - éprouvée par moi-même - que je ne savais comment cacher, si ce n’était en laissant s’échapper un rire assez nerveux. « Un don ? Vous vous foutez de moi là, c’est ça ? Depuis le début c’était un coup monté pour la télévision ou je ne sais pas quoi, une émission du genre "Piégée à la télévision" ? » Moi, une imagination débordante ? Peut-être. Mais ce n’était rien d’être méfiante vis-à-vis des autres, surtout qu’en ce moment c’était en grande vogue, ce merdier à la télévision. Ce qui restait néanmoins marrant à regarder, c’était la tête des personnes lorsqu’elles découvraient qu’elles avaient été piégées. Tordant. C’était d’ailleurs pour cette même raison que je restais la plus neutre possible, même s’il ne s’agissait d’une simple fabulation. « Là vous allez m’assurer que 1+1 = 3 et me saouler avec ça jusqu’à ce que je dise ouais, et là, paf piégée. C’est ça ? » Ouais je vais loin, mais on s’en fout. Et peu importait comment allait réagir mon interlocuteur, mon piégeur, mon agresseur, enfin bon, quelque nom que ce soit, Manaël.

Revenons-en à cette histoire de don. Je m’étais laissée quelques minutes de réflexion pour récapituler tout ce qui avait changé dans ma vie depuis que je m’étais transformée. Mais en réalité, il n’y avait pas grand-chose. Je me levai. Puis commençai à me diriger vers Manaël, qui était resté là, toujours en peignoir. « Ce qui a malheureusement changé dans ma vie depuis ma transformation, ce sont ces superbes canines 100% ivoire, aucune supercherie. » Pendant que je divaguais, je montrais du doigts. Elles étaient bien sorties, et la lumière plus ou moins tamisée de la pièce devait rendre le spectacle encore plus inquiétant. « Il y a aussi cette soif incommensurable de sang, qui me suit à chaque heure, chaque minutes, chaque seconde de la journée. » C’était d’ailleurs elle qui m’obligeait à tuer sans que ma conscience n’en ai vraiment envie. C’était cette soif qui faisait de moi une meurtrière sans foi ni loi. Sans compassion sans self-control. Sans rien. Juste avec du sang à la bouche. Du sang dans les yeux.
Je continuai ma petite liste, après m’être arrêtée à plus ou moins un mètre de l’hôte. « Il y a néanmoins ce petit reste d’humanité qui me permet de me contrôler quand aucune goutte de sang n’est à ma vue, mais cette part d’humanité sèchera bien vite. C’est elle qui me permet de ne pas vous sauter dessus et vous dévorer. » Ca au moins, c’était clair net et précis. Mais combien de temps cela allait-il durer ?
Tout ce qu’il fallait, c’était qu’il ne se blesse pas. Ce serait inutile de résister. C’était comme si on demandait à un assoiffé dans un désert de résister à une oasis : impossible. « Tant que vous restez entier, du moins. » Oui, autant le préciser. Cela donnait à la conversation un aspect tellement plus sérieux et apocalyptique, on en ressortait captivés. Moi, du moins. Après, lui, il pouvait soit me rire au nez, soit me trouver un tantinet insolente. Peu importe. Nous étions là, tous les deux ; moi dans sa chambre, et je savais pertinemment que la discussion n’allait pas s’arrêter là. Qu’il allait certainement pouvoir m’en apprendre plus sur moi-même, étant donné sa très grande connaissance en la matière. Et moi, j’espérais par la même occasion en savoir plus sur lui. Plus qu’un simple nom à coller sur un visage.

J’étais retournée m’asseoir sur mon canapé de départ. Prendre une position décontractée, jambes croisées, et bras de même. En fixant mon regard sur Manaël. « Je parlais de retenue, mais est-ce cela que vous appelez don ? Ou juste … volonté. Ce n’est pas la même chose. » Il y a en effet un fossé entre ces deux notions : la volonté est corruptible.

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Du moins pas tout de suite. La manière dont il avait collé ça à sa phrase de départ m’avait fait légèrement glousser. Je ne répondis rien. Un simple haussement d’épaule avait suffit à faire planer le doute. C’était ce qui rendait ça plus croustillant. Seulement, les petites rires furent bien vite stoppés net. En deux trois mouvements je m’étais retrouvée par terre, entraînée par Manaël. Je voulais lui gueuler dessus mais lorsque j’aperçus la flèche sur le canapé, je compris. Et là, l’envie de gueuler passa toute seule. C’était plutôt un merci qui devait sortir, mais nous n’avions pas le temps. Enfin c’était le prétexte que je m’étais donné pour ne pas avoir à le faire. Et puis il allait forcément comprendre : ce n’est pas un merci de plus ou de moins qui allait déclarer l’apocalypse ; pour finir nous en sommes plus à ça près.
Le bonhomme s’était faufilé par la fenêtre. On m’avait vue, alors ? Fort bien, Pandore, tu conduis toi-même à ta perte. Fabuleux ! Je me disais : un chasseur. De ceux que j’avais pu apercevoir ces derniers jours je n’en avais pas encore vu des solitaires. Ils devaient être plusieurs. Ca, c’était malheureusement la surprise. Je ne savais pas vraiment quoi faire. Voilà que Manaël en rajoute une couche… « Eh j’ai rien demandé moi ! » Quoi qu’il en soit, il fallait réagir. Je ne savais si il était d’enclin à avoir le même avis que moi, mais je n’allais certainement pas laisser ces boursouflures piétiner ma soirée. Ah ça nan. Bien décidée, je me levai et me dirigeai vers l’intrus, qui était entrain de se relever - passage par une fenêtre oblige -. L’attaquer, c’était la chose la plus naturelle qui me venait à l’esprit. Là, la part d’humanité s’était envolée. J’étais Pandore la méchante vampire assoiffée de sang 24/24. Celle qui allait charcuter celui qui aura osé s’en prendre à moi. Et à Manaël accessoirement mais ça ce n’est pas bien grave. « Ca, de nos jours, ce n’est pas permis ! Il n’y avait que moi qui avait le droit de casser la fenêtre et d’entrer sans qu’on m’y autorise ici. Mais toi, t’es pas le bienvenu. » Tout en le menaçant, je retroussais mes manches et marchant ; pour ensuite piquer un petit sprint jusqu’à l’incrusté. Parade quasiment imparable, je lui sautai dessus tel un chien rageux pour planter mes crocs à l’intérieur de son cou. En deux minutes il allait y laisser sa peau, mais ce n’était pas vraiment une bonne chose. Je pouvais déjà renifler l’odeur du sang tout chaud qui jaillissait ; c’était mauvaise chose, car j’allais être distraite si je.. m’y mettais sans pouvoir rien y faire. Finalement j’aurais peut-être du réfléchir à deux fois avant de lui sauter dessus.

Je me retournais, un filet de sang s’échappant de la commissure de mes lèvres. Poings fermés. Mon instinct de chasseuse s’était promptement éveillé, et si je ne me canalisais pas, cela allait bien partir en live, en cacahuète, en tout ce que vous voulez tant qu’il y a du sang. « Mauvaise idée… » Le corps s’était bien vite retrouvé sur le sol, totalement sans vie. « Là je le sens très mal, très très mal. » Je m’étais pressée de courir jusqu’à la salle de bain ou je m’enfermais à double-tour. Je plaçai tous les meubles qui me venaient en main pour barricader la porte. Je le faisais avant que je ne perde vraiment mes esprits et que je ne puisse plus rien pour le pauvre Manaël, qui lui était resté de l’autre côté. Aussi difficile qu’il était que ça de le croire, mais j’avais agi en pensant d’abord à sa personne, comme pour la sauver. Ce qui était un peu le cas, mais il n’y avait pas vraiment de quoi êtes fière. Et rien n’était encore fini. Je m’adossais à la commode qui servait de barrage en soufflant et en fermant les yeux. « Foutue soif… » J’espérais juste que de l’autre côté il ne se passait rien de bien affolant, qu’il n’y en avait aucun autre, que Manaël n’était pas mort, qu’il ne s’était pas pris de flèche ou de je ne sais quoi d’autre. Comme si de rien était, je me permettais d’établir un constat. Mais avant, je voulais être sûre. « Était-ce un chasseur ? Était-il venu pour vous ou pour moi ? Il était seul d’après vous ? » Oula je m’embarquais un trop vite là, mais beaucoup de questions jouaient à pile ou face dans ma tête pour sortir la première. Encore heureux j’avais réussi à en faire des choses compréhensibles. Parce que dans ces situations-là, vous avez bien vite fait de vous emmêler les pinceaux.

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Des hommes étaient passés. Ils étaient venus pour je ne sais quelle raison et la seule chose qui fut audible à mes oreilles, ce fut un "Tout va bien ?". C’était alors que j’avais décidé de pointer le bout de mon nez - me le pinçant au passage et fermant les yeux pour ne pas voir ni sentir le sang - en dehors de la salle de bain. Les deux hommes avaient retourné les talons et s’en étaient allés sans faire trop d’histoires. Tant mieux, d’un côté, cela nous aura évité quelques meurtres en plus.
Je me rappelai la petite remarque qu’il m’avait faite quant à ma réaction de tout à l’heure, lorsque je m’étais enfermée dans la salle de bains. Sur le coup j’avais un petit peu rigolé car, l’ayant fait dans son propre intérêt, je trouvais cela un peu dégueulasse de sa part d’essayer de tourner ça en humour. « Je peux éventuellement en finir avec vous tout de suite si vous préférez. Comme ça au moins nous serons fixés. » C’était un peu méchamment dit mais s’il ne m’avait pas cherchée, je l’aurais dit autrement. Il ne faut pas non plus me prendre pour une prune.

Me reposer sur le lit. C’était une bien gentille proposition de sa part, mais je pensais que c’était une meilleure idée si je rentrais chez moi. Après tout, je ne le connaissais que depuis quelques heures. Et encore, connaître était un trop bien grand mot. Mais lorsque j’aperçus l’armoire dans laquelle se trouvait toutes ses affaires, j’étais subjuguée. Toutes ces armes… C’était plutôt intéressant. Mais cela n’attisait vraiment pas mon envie de savoir qui était réellement ce fameux Manaël. « C’est pour quoi, toutes ces armes, au juste ? Oh, et le canapé je pense que ça me suffira. » Mais alors quoi, je restais ou je ne restais pas ? Il faut dire, j’étais assez fatiguée. Et le soleil allait se lever dans pas très longtemps alors cela allait me blaser encore plus.
Sur ces mots j’avais laissé Manaël à ses petites affaires, la préparation de sa couche et tout ça, pendant que moi je me dirigeai vers le canapé. Avant d’y prendre place, je n’avais pas oublié de décroché la flèche qui avait tenté de tuer Manaël. Pour enfin la jeter sur le sol. Lui donner un bon coup de pied. Ce qui l’expédia au fond de la salle. Ceci fait, je me jetai sur mon futur lit. En me demandant si cela valait le coup de rester. « Dîtes-moi, vous ne pensez pas qu’il serait plus judicieux que chacun retourne chez lui ? Je vois que vous avez vraiment envie de dormir alors je n’en saurais pas plus ce soir. Dormir dans votre chambre comme ça ça fait… trop intime je pense. Heureusement d’ailleurs qu’il y a un canapé ! » Je rigolais. C’était vraiment une remarque des plus stupides. Peu de temps après, je me reprenais, avec un simple « Ahem. » Je m’étais allongée sur le dos, les yeux rivés au plafond. J’avais les mains posées sur mon ventre, et les pieds croisés sur l’accoudoir du canapé. C’était plutôt confortable, surtout comparé à ce qui avait pu me servir de lit auparavant. C’est pour dire ! Il y avait eu bien pire.

Pendant ces minutes je n’avais même pas accordé un seul regard à Manaël. Je ne savais pas s’il s’était couché, s’il faisait quelque chose d’autres. Il pouvait nettoyer ses armes, compter ses chemises, son argent, lire… Il y avait tellement de choses que les humains aimaient faire avant d’éteindre leur lumière de chevet. Personnellement, moi, je ne faisais rien. Mis à part penser. Penser à ce que j’avais fait dans la journée et à ce que j’allais bien pouvoir faire dans celle qui allait suivre. Il m’arrivait également de penser à des personnes ; des personnes que j’ai croisée ou qui m’ont parlé ; des personnes qui m’ont aidée ou qu’au contraire j’ai tué. Je voyais leur visage rempli d’effroi à la vue de mes canines. Tout les soirs je repensais à mon ancienne vie, celle où j’étais une sorcière normale, en mettant à part mon accent russe. Ce soir-là, je cogitais enfin. Je me disais que ouais, ce que j’étais c’était mauvais. En prenant une grande inspiration, je tournais ma tête en direction de son lit. « Vous en avez croisé beaucoup, des vampires, dans votre vie ? » Même une fois couchée je voulais continuer mon interrogatoire. « Qu’êtes-vous donc pour ne point vouloir me chasser… » Bonne question.

« Intrusion avec effraction, ça coûte cher aux yeux de la loi ? »

Je soupirais. « Non, je ne le connaissais pas. Pour ne rien vous cacher, il m’avait proposé son aide, pour m’en sortir. Voyez où est-ce que cela l’a mené. J’espère pour vous que ce ne sera pas pareil. Peut-être que je porte malheur, hein, qui sait ? » C’est vrai, tous les gens qui m’ont approchée, qui m’ont parlé ou même regardée sont morts. Je devais porter sur moi une sorte de malédiction en plus de celle d’être devenue vampire. Quelqu’un là-haut ne m’aimait vraiment pas. « Lui et moi sommes tombés par hasard sur eux, pendant qu’il m’apprenait à voyager sur les toits. Seulement nous avions choisi le mauvais toit. Ils étaient là, peinards, entrain de regarder les étoiles je pense. Ils se sont mis à sa poursuite. Moi ils m’ont vue, mais je me suis tout de suite cachée. Peut-être qu’ils n’aiment pas laisser des survivants et qu’ils me traqueront jusqu’à ce que mort s’en suive. » Je me faisais peur, à moi-même. Un frisson parcourra tout mon corps. Un autre frisson pointa le bout de son nez lorsque je mettais mise à cogiter. Alors finalement ils étaient bel et bien venus pour moi. … Même ici je ne pensais pas vraiment être en sécurité dans ce cas-là. Malgré cet horrible sentiment d’insécurité je me décidai à ne pas bouger. Mais à tout de même rester sur mes gardes. Quitte à ne pas fermer l’œil de la nuit.

Et il en remettait une couche… Je savais que j’allais devoir faire ça toute ma vie, mais je restais persuadée qu’il y avait un moyen pour ne pas avoir à tuer. Des innocents. Encore, s’il s’agissait de Mangemorts, cela ne me dérangeait pas, mais de pauvres innocents… C’était bien trop cruel pour moi. Du moins, pour mon petit reste d’humanité comme nous avions dit. « Je ne regrette pas ma vie d’avant. Je ne saurai dire pourquoi. Mais tout ce que je sais, c’est que jamais je ne la regretterai. Le jour où tuer pour rien me prendra vraiment trop la tête, je mettrais fin à mes jours et puis voilà. » Ca au moins c’était clair. Mais c’était exactement ce que je pensais. J’allais pouvoir faire tout ce que je n’eus pas l’occasion de faire de mon vivant. Même si tout ce qui était plus ou moins social était perdu d’avance… Mais rien n’était dit ! « Enfin bon, je pense que vous avez besoin de dormir. Même moi je suis fatiguée… » Entre deux bâillements je m’étais levée pour aller éteindre la lumière - chez certaines personnes c’est la guerre pour désigner le malchanceux qui devra éteindre la lumière et rejoindre son lit dans le noir - chez moi ce fut un automatisme. Et puis bon, je n’ai pas tant de mal que cela dans le noir, moi, autant en profiter ! « Bonne nuit, monsieur ! » J’avais insisté sur le monsieur pour montrer que c’était quelque chose d’exagéré. Puis j’étais allée retrouvé mon canapé au fond de la salle. A l’autre bout, c’était le lit de Manaël.
J’avais du mal à trouver le sommeil. Je bougeai dans toutes les positions, je gémissais de désespoir. Tout ce qu’il s’était passé m’empêchait de faire le vide dans mon esprit. J’étais trop concentrée. Et trop distraite à la fois. Dans ma tête c’était toutes les images des combats, des discussions qui défilaient. Comme un cinéma. Et puis bien évidemment il y avait les dialogues qui résonnaient. C’était une horrible sensation. J’ouvrais les yeux. Curieuse de savoir si l’autre locataire de la chambre dormait, je me redressai pour m’appuyer sur mon bras. Ouais, il dormait déjà. Mais bon, il avait du s’écouler au moins une bonne heure entre mon bonne nuit et l’instant présent. Tout passait tellement plus vite de mon point de vue. Déçue, je me rallongeai. En fermant les yeux. Me décidant à ne pas les rouvrir tant que je n’avais pas dormi.

Je me réveillais. Manaël, lui, dormait toujours. Comme un enfant. Il était mignon. Mais lui, il avait eu le droit à la couette. Moi j’étais encore toute habillée, dans mes vêtements quasiment tout sale, et je n’avais rien pour me servir de couverture. En bâillant, et en marchant sur la pointe des pieds, je me dirigeai vers la jolie penderie - celle de l’hôtel, pas celle de Manaël - et enfilait une chemise blanche. Mes vêtements sales, je les déposais dans un coin. Cette chemise-là, elle allait me servir de pyjama. Mais bon, il fallait que je fasse attention, parce que j’étais tout de même en sous-vêtements en-dessous. Toujours dans le noir - mais observant tout de même quelques fins rayons de soleil qui se montraient, ce qui présageait l’aube - j’allais m’installer dans le lit de Manaël, à côté de lui, en prenant quand même des distances. Là, je n’eus vraiment aucun mal à retrouver le sommeil. A peine avais-je fermé les yeux que déjà je me retrouvais propulsée au pays des rêves. Espérons juste que je me réveillerais avant lui… Ou pas.

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Dès que j’entendis le moindre petit bruit, j’ouvrais les yeux. J’étais paisiblement entrain de dormir - comme je n’avais pas fait depuis longtemps - et voilà que Manaël ouvrit sa grande bouche. Grrr… Vampire ou pas vampire, il ne faut jamais réveiller quelqu’un comme ça. D’une simple constatation. Oui je savais que j’étais censée dormir sur le canapé. Cela aurait toujours convenu si seulement il avait pensé me proposer une couverture ou quelque chose du genre. Mais non au lieu de ça il s’était juste allongé sur son lit à lui et endormi. Me laissant me débrouiller par moi-même. Peut-être croyait-il que j’allais me servir toute seule ? Non, désolée mais ce n’est pas trop mon genre. Déjà que d’entrer par effraction chez quelqu’un n’est pas une chose que je soutiens beaucoup, mais alors jouer les petites pickpocket à trois balles et demi pendant la nuit, c’était plus du ridicule que de l’absurde. Je soupirais, levant les yeux au ciel et m’enrubannant totalement dans la couette, pour ne pas avoir à dégager de là. Tout de suite après, je refermais les yeux.
Je pouvais entendre ces pas dans la chambre ; une cadence plutôt décontractée. Puis un jet d’eau. Il était dans la salle de bain. Et ce bougre, il voulait me montrer comment il se brossait les dents ou quoi ? Toujours les yeux fermés, je ricanais doucement à travers les draps. « Oui je vous ai violé toute la nuit sans que vous ne vous en rendiez compte. D’ailleurs, vous n’êtes pas un très bon coup au lit. Un peu précoce, aussi. Mais ça se soigne vous inquiétez pas. » J’espérais qu’il comprendrait que c’était de l’humour - bizarre - et qu’il ne fallait pas me prendre au sérieux. Pour peu qu’il le fasse et qu’il me mette dehors alors que je suis à moitié nue. Malgré tout, je renchérissais. « C’est même vous qui m’avez prêté cette chemise. » Tout de suite après, je m’étais relevée. Au même moment, ce qu’il avait commandé quelques minutes auparavant venait d’arriver. Je le laissai regarder tout cela pendant que je m’amusais à compter les moutons. Ceci fait, la conversation pouvait reprendre. « Disons que… vous avez beaucoup pensé à vous, dans votre lit vous étiez super bien, et moi, dans mon petit canapé toute seule, c’était pas la fête. Mal installée, etc… En y réfléchissant bien j’aurais du prendre le lit dès le départ, mais avouez, vous n’auriez pas vraiment aimé avoir à dormir dans le canapé parce qu’une vampire vous a prit votre lit. On est d’accord ? Donc ça revient un peu au même. » Je souriais. Avec un très grand sourire comme on en fait pas le matin. De quoi égayer votre début de journée.

En bâillant, je me levai. Enfin, je me levai en vitesse ralenti. J’étais toujours en chemise, mais cela ne me dérangeait pas tant que cela. Et puis, il s’est réveillé avant moi ? Qui me dit qu’il n’avait pas profité de la vue.
Arrivée à sa hauteur il me tendit une petite fiole remplie d’un liquide rouge que je dévorais des yeux. L’air affamée. Pourtant, toute l’adrénaline redescendit lorsqu’il m’avoua que ce n’était pas du sang humain. Mais je me demandais bien ce que cela pouvait être ? Tout en regardant Manaël j’approchai l’embout de la fiole à mes lèvres, pour finalement la boire cul-sec. Seulement… j’eus une petite surprise. Cela avait un goût de mélasse périmée horrible. Malgré ma retenue je ne parvins pas à m’empêcher de tout recracher. Quelques particules étaient même arrivée sur Manaël. Tout son torse - très masculin - se retrouvait maculé de nombreuses gouttelettes de sang goût salive. Ce qui le dégoûta un peu. Et moi aussi. Je tirais une belle gueule de dégoût, même. Je n’arrivais pas à enlever ce répugnant goût de ma bouche. C’était vraiment… affreux. « Mais c’est quoi cette merde ? Du sang que tu as trouvé dans un marché aux puces ?! » Je parlais plutôt sous la colère, mais aussi la surprise ; moi qui m’attendait à quelque chose de plus… raffiné.
Manaël, lui, ne bougeai pas. Quand je remarquai les dégâts, je m’empressais de prendre le premier bout de tissu qui se présentait à ma main - c’était une serviette blanche - et j’essuyais le sang avant qu’il ne sèche. La serviette allait être foutue, mais peu importe. « Je suis vraiment désolée ! Vraiment vraiment désolée… » Je répétais ça à chaque fois qu’une tâche était essuyée. A force, il allait certainement me dire que c’était bon, je n’avais pas à m’inquiéter, ça allait aller. Seulement il ne l’avait pas encore dit. Et peut-être ne comptait-il même pas me le dire : peut-être que si, c’était grave. C’était dégueulasse. Répugnant. Peut-être qu’il allait vouloir que je reprenne mes affaires, lui rende sa chemise et rentre chez moi. Avant même qu’il ne me le demande je l’avais fait, de toute façon. Une fois son torse plus ou moins nettoyé je m’empressais de récupérer mes affaires que j’avais la veille déposées dans un coin de la chambre, puis je me retournais. J’enlevai la chemise bouton par bouton. Rapidement, je me retrouvais en sous-vêtements, tournant le dos à Manaël. En regardant l’état de mes fringues, je me stoppais net. « Hum… Avant de partir je peux juste prendre une petite douche ? » Question de propreté.