Les Dessous de Vlad [Fe]

"Tu arrives à les entendre ? C'est comme si je pouvais les sentir, les toucher. Ils ne doivent plus être très loin. Je commence enfin à comprendre pourquoi je suis ici." (mission Les Dessous d'Aliénor)

Il existe un monde où les gens vivent heureux. Il existe un monde où la mort, la résurection n'existent pas. Ce monde, ce n'est pas mon monde. Mon monde est rempli de haine, de colère, de souffrances, de douleurs... De gens qui ne font pas toujours les bons choix, qui ne prennent pas toujours les bonnes décisions, et qui font souffrir plus de personnes qu'aucun être humain devrait être capable de faire souffrir. Mon monde est remplis de créatures plus sanguinaires les unes que les autres. Mon monde est remplis de gens comme moi, qui aiment certaines de ces créatures. On est pas si différent d'elles. On aime faire souffrir, on aime tuer, on est humain, juste humain, comme elles l'ont été jadis. C'était peut être cela notre plus grande faiblesse : notre humanité. Qu'est ce que ce mot voulait dire de nos jours ? Qu'est ce que mot avait pour sens quand il avait été prononcé pour la première fois ?

///"Ne vous approchez pas de lui, reculez. Vous ne savez pas de quoi il est capable."

C'était une Vampire, une buveuse de sang qui se tenait devant moi. Une créature de la nuit, une assassin. Une femme qui pourrait d'un simple regard vous emmener dans son monde à elle, mon monde à moi.

J'étais arrivé ce matin. Paris, une ville aux milles merveilles. Une ville qui pouvait vous surprendre. Une ville qui pouvait faire de vous quelqu'un de différent. Une ville aussi merveilleuse que dangereuse. J'aimais ce lieu plus que tout. La France. Son pain, son fromage, l'association des deux... J'en salivais encore. Vous n'avez pas idée de ce que les français pouvaient mettre sur leur pain. Mais c'était tellement bon. Paris était une ville remplie de magie. Une magie que même les plus grands sorciers de notre monde ne pouvait pas reproduire. Elle était à part, elle avait toujours été à part pour moi.

///"Tourne toi."

Il était temps de me laisser seul. J'avais demandé à Aleksei de s'en aller. Je n'avais plus besoin de transplaner, j'étais arrivé au dernier endroit où j'aurai voulu être ce soir. Mon commandant, mon ami, avait insisté pour rester, mais je lui avais demandé de partir. Il fallait que je sois seul. Je devais lui montrer que je ne la craignais pas, car je n'avais aucune raison de la craindre. Je devais lui prouver que j'étais à elle, et non elle à moi. J'avais mal agis, je le savais, et je devais regagner sa confiance, quel qu'en était le prix, et...

...Regardez ce ciel. Il était plus sombre qu'ordinaire. Il n'y avait pas la moindre étoile, il n'y avait pas la moindre lueur au loin, pas le moindre bruit. Cette ville... Ce pays... Ressemblait à cela... Il était mort.

Tout était mort autour de moi. Paris, la France... Ce lieu n'existait plus. Ce n'était qu'un rêve que j'avais voulu revivre, mais c'était impossible. Je ne devais pas rester plus longtemps. Il fallait que j'entre dans cette maison, que je la ramène vers moi et on quitterait cet endroit pour toujours. S'en était finis de Paris, de la France, depuis bien longtemps...

Je m'étais approché de la maison. Il y avait un froid inhabituel. Là où elle était, rien n'était réel. On sentait sa présence à des kilomètres. Je n'aurais peut être pas dû m'attacher à une telle créature, mais elle avait quelque chose de différent, quelque chose qui faisait d'elle une personne à part. J'avais levé le poing. Il me suffisait de frapper à cette porte pour la revoir. Je n'avais pas besoin d'autre chose ce soir, que de la revoir. Je voulais la sentir, sentir son odeur, caresser ses cheveux, gouter à ses lèvres. Je voulais... Je la désirais tellement. Je n'avais pas fait tout ce chemin pour m'en aller. Il fallait que je frappe à cette porte. J'allais frapper. J'aurai frappé. Mais cette nuit n'était pas comme les autres. Il n'y avait pas qu'elle qui émettait cette froideur dans ce lieu désert. Il y avait autre chose, quelque chose de bien plus douloureux, de bien plus fort, de bien plus...

"C'est pour toi que je fais ça. Pardonne ce pauvre fou qu'ils ont mis à la tête de l'Empire. Pardonne les tous, et admire. Je laisserai personne détruire ce en quoi nous croyant. Aliénor..." (mission Les Dessous d'Aliénor)

Il ne m'aurait jamais attaqué de dos. Ce n'était pas son genre. Il n'avait pas attendu tout ce temps, il n'avait pas guetté mon arrivé pour me tuer sans me regarder une dernière fois dans les yeux. Aliénor était une personne cruelle, dangereuse, un monstre comme dirait certains. Mais cette nuit, ce soir, ici, devant cette maison, ce n'était pas elle la plus dangereuse de toutes les créatures. Cet homme tenait une arbalète dans sa main. Quand j'avais frapper contre la porte de la demeure d'Aliénor, une flèche était venu se loger juste à côté de ma main. Il savait viser. Il était doué pour cela. Il avait fait exprès de me louper. Il voulait que je me tourne, que je le regarde. Il voulait voir celui qui l'avait tant fait souffrir, celui qui lui avait retiré tant de choses, la plus dangereuses de toutes les créatures au monde : moi.

Qu'exprime donc tes yeux ? Bien plus que tous les mots que j'ai lus dans ma vie, il me semble.

DU MOUVEMENT AU DEHORS, UNE ODEUR FAMILIERE... Aliénor baissa les paupières et s'imprégna de ce parfum qui embaumait l'air. Cette subtile odeur qui la faisait frémir. Elle fut tentée de s'enfuir pendant un court instant, mais elle abandonna vite cette idée tandis qu'une certaine excitation s'emparait d'elle. Rapidement, elle monta l'escalier menant à sa chambre et se changea, revêtant une robe plus élégante. En quelques mois, elle était devenue différente. Ses cheveux avaient pris la couleur des blés, elle avait abandonné ses lourdes toilettes du XVIème siècle pour des robes plus modernes, et si au départ elle avait ressenti une haine féroce à l'égard de Vladimir, elle n'éprouvait à présent pour lui qu'une petite animosité teintée de tendresse. Oui, avec Aliénor, tout était possible.

Elle se parfuma, releva ses cheveux en un chignon et retourna au rez-de-chaussée en entendant frapper à la porte. Au moins, il n'avait pas eu l'indélicatesse de transplaner sans se faire annoncer. Vladimir avait toujours été très gentleman. Un coup brusque et sonore se fit entendre une seconde plus tard, mais Aliénor ouvrit sa porte sans crainte, lançant un regard étonné à la flèche qui était fichée dans le bois. Elle posa les yeux sur Vladimir, sans aucune expression, et pencha légèrement la tête pour observer l'homme juste derrière lui qui pointait une arbalète dans son dos. L'empereur aurait tout de même pu prévenir qu'il amenait un ami avec lui !

"A mon avis, vous devriez lui obéir." dit-elle sans même un bonjour. "Il ne faut jamais contrarier quelqu'un avec une arbalète."

Elle eut l'ombre d'un sourire en voyant Vlad dans une telle situation, puis penchant de nouveau la tête vers l'inconnu, elle tendit la main :

"Nous n'avons pas été présenté. Aliénor de Maurpassant."

Elle se doutait que l'homme ne serait pas stupide au point de relâcher sa vigilance pour lui serrer la main, et elle haussa un sourcil en le voyant pointer un court instant la flèche de l'arbalète sur elle.

"Une vampire !" lâcha celui-ci dans un souffle. "Vous ne valez pas mieux que lui."

Aliénor ne cacha pas sa consternation et n'hésita pas une seconde avant de dire :

"Très délicat. Il n'est pas encore huit heures du matin et je me fais insulter sur le pas de ma porte. Cessez de pointer ce truc sur moi."

Plongeant son regard dans le sien, elle essaya de le persuader de rebrousser chemin, mais s'aperçut avec stupéfaction que son esprit était verrouillé, fermé à clé. Elle avait à faire à quelqu'un de fort, de très fort. Il eut un petit sourire, car il avait remarqué ce qu'elle avait voulu faire. Douchée par tant d'impertinence, Aliénor posa les yeux sur Vladimir et déclara, sur un ton de reproche :

"Vous venez accompagné d'un chasseur de vampires. Je me demande vraiment comment je dois le prendre... Vous n'avez donc rien trouvé de mieux pour me forcer à venir avec vous ?"

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Aliénor avait toujours le sens de l'humour, à n'importe quelle heure du jour comme de la nuit. Elle se tenait là, devant moi. Elle avait ouvert la porte, et elle avait pu remarquer la présence de cette flèche contre sa demeure. Elle avait également remarquée qu'il était là, derrière moi. Et la connaissant, elle l'aurait sans doute déjà tuée si elle le pouvait, mais je me doutais que ça ne serait pas si facile. En réalité, non. Je me doutais de rien, même pas qu'il serait là. Je ne savais pas s'il était encore vivant, je ne savais pas s'il m'attendait toujours. J'étais venu ici que pour elle, pas pour régler de vieilles querelles. Mais attendez voir... C'était quoi ça ?

"Blonde ? Tu es blonde ? Depuis quand ?"

Elle était blonde. Je l'avais tutoyée, ce qui m'arrivait de moins en moins souvent, et elle était blonde. Il allait me falloir quelques instants pour m'en remettre. C'était une information de taille, un changement majeur dans la vie d'une femme. Et c'était pas toujours facile à accepter les changements de ce genre. Mais en réalité, ça lui donnait un petit côté sexy, qu'elle avait déjà d'ordinaire, mais... Encore plus développé. Elle était blonde. C'était... Nouveau.

///"Ca suffit. Arrêtez de parler pour rien dire."

C'était simple à dire ça, mais pas facile à faire. L'homme semblait être exaspéré par notre discussion. C'était vrai que d'ordinaire, dans ce genre de situation, l'humour n'était pas censé être de la partie, mais ça faisait plusieurs mois qu'on ne s'était pas revu. Je n'allais tout de même pas commencer notre discussion par un : "tu peux dire au type derrière moi de baisser son arbalète" ? Ca ne se faisait pas. C'était hors de propos. Et puis... Elle était blonde ?

"Je suis désolé, je ne savais pas que j'étais suivi. Et désolé pour ta porte. Je te la rembourserai. Je vous la rembourserai."

Oui, revenons en au vouvoiement. A moins qu'elle préférait qu'on se tutoie ? C'était devenu très intime entre nous, et en dehors du Grand Nord, on pouvait peut être se permettre quelques écarts de politesse, non ?

///"Je ne suis pas un chasseur de vampires, je ne chasse qu'une seule sorte de créature, les monstres. Les monstres comme lui."

C'était méchant. Très méchant de dire ce genre de choses. Je m'étais tourné. Il était temps que je lui fasse face. Soudain, une douleur atroce m'avait touchée de plein fouet dans les omoplates. C'était pas possible. Il n'avait pas osé. Aiiie ! Je m'étais agenouillé par terre. Je n'allais pas le supplier d'arrêter, non, mais je n'arrivais plus à me tenir debout. C'était abominable comme douleur. Il m'avait tiré dessus ! Ce type m'avait tiré dessus ! C'était un malade ! Il avait peut être ses raisons, mais il n'avait même pas attendu que je lui dise quoi que ce soit, il avait tiré. Je le connaissais bien. Il ne voulait pas me tuer, il voulait m'entendre parler, et c'était pour cela qu'il ne m'avait pas de suite tuer.

///"Tu vas payer pour ce que tu as fait. Et vous, ne vous en mêlez pas. Je sais quel genre de créature vous êtes. Je sais comment vous tuer, comment bloquer mon esprit. Je sais tout sur vous, et sur lui. Alors, ne vous mêlez pas de tout ça, car je n'aurai aucun remord à vous tuer si c'est nécessaire."

Il est préférable de guérir l'offense plutôt que de la venger.
La vengeance prend beaucoup de temps, elle expose à bien des offenses.
Sénèque.

LE CERVEAU DES HOMMES EST BIEN CURIEUX. Il restait un mystère pour tous les scientifiques contemporains, mais également pour Aliénor qui observait Vladimir avec un mélange d'amusement et de consternation. Il avait une flèche pointée dans son dos, et tout ce qui le préoccupait présentement, c'était la couleur de ses cheveux. Oui, elle était devenue blonde. Etait-ce si étonnant ? Elle l'avait déjà été par le passé, mais à cette époque, il n'était pas encore né. Autre changement notable chez l'Empereur, il la tutoyait. Aliénor aurait pu être choquée par cet état de choses, mais elle savait très bien qu'il ne lui manquait pas de respect. Il était tout simplement surpris. Cela avait quelque chose d'attendrissant.

Apparemment, ces quelques paroles échangées énervaient l'homme à l'arbalète, car il montra son impatience en décochant une flèche entre les omoplates de Vladimir. Celui-ci, traversé par une douleur fulgurante, tomba à genoux sur le sol, et Aliénor aurait été ravi qu'il soit à ses pieds en d'autres circonstances.

"Tu vas payer pour ce que tu as fait. Et vous, ne vous en mêlez pas. Je sais quel genre de créature vous êtes. Je sais comment vous tuer, comment bloquer mon esprit. Je sais tout sur vous, et sur lui. Alors, ne vous mêlez pas de tout ça, car je n'aurai aucun remord à vous tuer si c'est nécessaire."

La vampire soutint le regard de l'homme sans ciller, puis, sans un état d'âme pour Vladimir, elle pivota sur ses talons et ferma la porte de sa demeure. Sentait-elle que l'homme à l'arbalète était bien trop fort ? Savait-elle qu'elle n'était pas de taille à l'affronter, surtout en plein jour ? Malgré tout cela, allait-elle laisser Vladimir affronter son funeste destin ? C'était fort probable. Les minutes s'éternisaient, et elle ne réapparaissait pas. Puis soudain, elle passa la tête par la fenêtre du premier étage qui donnait pile sous le pas de la porte, et sans laisser le temps à l'homme de remarquer sa présence, elle étendit le bras et pencha la théière qu'elle tenait dans sa main. L'eau bouillante coula sur le crâne de l'homme avec une précision étonnante, et convaincue par ses hurlements de douleur, elle laissa tomber la théière pour se précipiter au rez-de-chaussée, utilisant sa vitesse surhumaine pour rejoindre Vladimir. Elle ouvrit la porte à la volée, se saisit de l'Empereur et le tira violemment à l'intérieur, avant de fermer la porte. Elle avisa une lourde étagère dans le hall et la poussa jusque devant la porte d'entrée.

"Cela devrait le ralentir, mais il vaut mieux s'en aller car je n'ai pas le temps de clouer des planches aux fenêtres."

Se tournant vers Vladimir, elle remarqua qu'elle l'avait attrapé si brusquement qu'il était affaissé contre la rampe du large escalier.

"Je suis navrée, ça va faire mal."

Et avant même de lui expliquer ce qu'elle comptait faire, elle se saisit de l'extrémité de la flèche et la tourna à l'intérieur de sa chair pour l'extraire.

"Ne criez pas comme ça, vous me faites mal aux oreilles !" dit-elle en roulant des yeux.

Les hommes, de vrais bébés.

"Bon, êtes-vous capable de transplaner ?" demanda-t-elle une fois que Vladimir cessa de hurler.

Une flèche cassa une vitre et alla se ficher dans la rampe de l'escalier, sifflant à l'oreille d'Aliénor.

Je n'avais pas pu m'empêcher de penser, qu'elle avait pris du plaisir en m'enlevant cette flèche, qui était plantée entre mes omoplates. Elle avait un côté sadique très développé, et quand elle pouvait faire souffrir quelqu'un, de n'importe qu'elle manière, elle n'hésitait pas une seule seconde. C'était d'ailleurs ce qu'elle avait fait. Et maintenant, on nous tirait une nouvelle fois dessus. Il n'allait pas laisser passer l'affaire. Il fallait quitter cette maison, quitter cette ville, ce pays, et ne plus jamais remettre les pieds en France.

"Je... Je... Je ne suis pas en état..."

Je ne pouvais pas lui dire que je n'avais pas ma baguette sur moi. Je lui avais bien trop souvent fait ce coup là. Lui faire croire que je n'étais pas en état, ce qui était réellement le cas, ça serait bien mieux. Mais sans transplaner, ça risquait d'être dur de fuir, surtout qu'elle ne pourrait pas me porter, et que je n'étais pas capable de tenir très longtemps debout. Une autre flèche était entrée dans la maison, et voilà que la fenêtre volait en éclat, et qu'une jambe passait en travers. Il essayait d'entrer. On aurait pas dû rester au rez de chaussée. C'était une erreur de débutant. D'un côté, elle attendait quoi ? Même s'il pouvait fermer son esprit, Aliénor restait la plus forte. Ce n'était qu'un humain, et il n'était même pas un sorcier.

"Il faut monter... Il faut aller à l'étage..."

Non, c'était trop tard. Voilà qu'il était intégralement passé par la fenêtre, et il avait ce qu'on pouvait appeler une salle tête. Il s'était prit quelque chose de très chaud sur le crâne, et comme il n'avait pas beaucoup de cheveux pour amortir le choc, tout était directement allé sur sa peau. C'était rouge, mais il semblait ne pas vouloir s'arrêter pour autant.

///"Pourquoi faites vous ça ? Pourquoi vous le protégez ??? Laissez nous ! Laissez le moi !"

C'était vraiment très tentant de se retrouver seul avec lui, et ça aurait fait plaisir à Aleksei, mais c'était une très mauvaise idée. Il ne fallait pas qu'elle parte. Elle n'allait tout de même pas partir ? Oh mais attendez... Oui, on pouvait quitter cet endroit. J'avais plongé la main dans la poche arrière de mon pantalon. Je titubais, j'avais un mal fou à rester debout. J'essayais de m'appuyer contre le meuble le plus proche, tout en sortant une petite pochette en cuir de ma poche. J'étais sur le point de poser mes doigts sur le petit objet en bois, quand une balle était venue se loger dans ma main. J'avais émis un grand cri, laissant tomber la pochette par terre. Si j'avais regardé notre agresseur, j'aurai pu voir, qu'il avait décoché une flèche en direction d'Aliénor, avant de jeter à terre son arbalète et de sortir un révolver. C'était avec lui qu'il m'avait touché à la main. C'était horrible, ça saignait. Il m'avait fait un trou dans la main. C'était un malade ! Un grand malade ! Il fallait des Aurors, il fallait mes Aurors. J'étais à deux doigts de tomber par terre. Aliénor avait sans doute évitée la flèche, mais j'étais incapable de regarder dans sa direction. Je ne pouvais plus trop bouger, ni même tourner la tête.

///"Tu ne t'enfuiras pas cette fois ci ! Je t'ai attendu tout ce temps ! Je ne te laisserai pas partir ! Tu vas payer ! Tu vas payer pour tout ce que tu as fait ! Et... Oh..."

Il avait regardé en direction de Aliénor, en émettant un petit sourire. Il pensait quoi ? Qu'il pouvait la tuer ? La faire souffrir pour me faire souffrir ? Il était stupide s'il pensait cela. Elle était une Vampire. Elle ne craignait pas la mort, et il n'avait aucune chance de pouvoir l'atteindre. Elle était plus rapide que lui, plus rusée, plus douée, et elle n'avait juste pas encore jugé utile de nous sortir de ce traquenard. Pourquoi diable attendait elle encore ?

///"Je vois... C'est amusant... Vraiment très amusant..."

Il avait baissé son arme. C'était un malade, il n'y avait plus de doute. Il s'était avancé dans ma direction, restant à une distance convenable, et il avait jeté un regard discret vers Aliénor. Sans doute pour vérifier qu'elle n'était pas en train de lui sauter à la gorge, et qu'elle se contentait de l'écouter.

///"Elle sait ? Montre lui..."

Il s'était approché encore plus près de moi, à telle distance qu'il pouvait désormais me toucher. Puis, il avait pris ma main, celle où il avait tiré. J'étais trop faible pour en profiter et l'attaquer. Il l'avait tournée, pour la montrer à Aliénor et j'avais émis un petit cri. Mais que faisait elle bon sang ?

///"Vous voyez ? Ca va très vite guérir. Il n'y a pas à s'inquiéter. Ca guéris toujours vite avec lui."

Il m'avait lâché la main et avais repris son pistolet, le pointant sur ma tempe.

///"Mais un jour, ça ne guérira plus..."

Je ne me souvenais plus trop de ce qui avait suivi...

La douleur des uns fait le bonheur des autres.

LE PETIT DRAGON SCULPTE AVAIT GLISSE SUR LE SOL. Puis, il s'était immobilisé, juste à côté de quelques éclaboussures de sang. Aliénor savait à quoi il servait. Il était leur échappatoire. Cependant, à mesure que l'homme parlait, elle n'était plus très sûre de vouloir s'enfuir. Oh, elle partirait avec Vladimir le moment voulu, mais tout d'abord, elle voulait savoir. L'homme avait éveillé son intérêt. Depuis qu'elle était partie de la Cité Rouge, l'obsession de savoir qui était réellement Vladimir ne l'avait plus quittée, la poussant au seuil de la folie. Elle avait cherché n'importe quel indice, n'importe quelle preuve, en vain. Et voilà que cet inconnu prétendait connaître quelque chose sur lui ! Il lui prouva qu'il ne mentait pas en se saisissant de la main de Vladimir. Elle était ouverte en son centre, et le sang affluait de cette plaie comme un torrent. Aliénor résista à l'envie de goûter à ce liquide rougeoyant, et fronça les sourcils en s'apercevant que le sang s'amenuisait. Soudain, il s'arrêta de couler, et en s'approchant, la vampire se rendit compte que la plaie ne paraissait plus aussi grave. Etait-ce l'effet de son imagination ?

Perplexe, Aliénor lança un regard à Vladimir, et ne réagit pas lorsque l'inconnu colla la gueule du pistolet contre la tempe de son cher et tendre. Avait-il pu la berner à ce point ? Comment ne s'était-elle pas rendue compte qu'il était un être supérieur ? Un ange ? Un démon ? Un sorcier plus puissant que les autres ? Non, ce n'était pas de la magie. C'était autre chose.

Plongée dans un abîme de réflexions, elle retrouva tout de même ses esprits pour éviter que Vlad ne finisse avec un trou dans la tête. Elle attrapa brusquement l'inconnu par le col de sa veste, posa une main sur son crâne à vif, et l'envoya valser six mètres plus loin. Il alla heurter une haute armoire qui se fracassa sous le choc. Oups, elle était très ancienne. Aliénor en avait fait l'acquisition au XVIIIème siècle et la perdre de cette façon la rendit assez irritable. Prestement, elle se pencha pour se saisir du petit dragon en bois et retourna vers Vladimir pour lui prendre la main (celle qui était encore entière).

Le dragon les fit disparaître et les emmena dans le bureau de Vladimir, à la Cité Rouge. Aliénor resta une seconde immobile, à l'affût du moindre danger, puis se redressa souplement sans aider Vlad. Elle caressa la table de bureau, observa le paysage hivernal au dehors, puis l'intégralité de la pièce. Rien n'avait changé. Soudain, elle déclara :

"J'espère que vous avez une bonne explication à me donner, car j'ai un inconnu chez moi qui a saccagé mon armoire préférée. En plus, je ne vais plus pouvoir retourner dans mon manoir en France sans craindre qu'il revienne m'ennuyer. Je pourrais le calmer en quelques minutes, mais c'est le principe de ne plus me sentir chez moi qui me gêne."

Elle se tourna vers Vlad, et posa un regard insistant sur sa main ensanglantée.

"Alors ? Comment justifiez-vous la guérison pratiquement instantanée de votre main ?"

C'était allé très vite, et tout était devenu très noir. Le pistolet était venu se loger tout contre moi, Aliénor l'avait dégagée en même temps que le type qui avait détruit la fenêtre de la demeure de ma charmante hôte, et on avait transplané. C'était là que tout était devenu plus flou pour moi. Quand j'avais réouvert les yeux, je me trouvais dans mon lit. Il y avait Aleksei qui se tenait debout devant, et j'avais pu entrevoir un Médicomage qui quittait la pièce. Mes omoplates me faisaient encore mal. Le coup aurait pu m'être fatal. Il n'y était pas allé de mains douces, même s'il savait très bien ce qu'il faisait. Il voulait me blesser, pas me tuer. Ou du moins pas avant de m'avoir fait souffrir comme je l'avais fait souffrir. Ca aurait été trop rapide s'il avait appuyé sur la gachette. Peut être qu'il avait même prévu le coup, qu'Aliénor me protégerait. Peut être qu'en réalité, il voulait justement savoir si elle le ferait ou non. Le connaissant, ça ne faisait que commencer.

Il y a deux mondes là où je vie. Le monde des moldus, celui que tout le monde connait, et celui des sorciers. Ces derniers pouvaient se promener dans les deux mondes, mais les moldus n'avaient pas cette chance. C'était pour cette raison qu'il était plus facile de trouver la trace d'un moldu, que celle d'un sorcier. Je n'étais plus retourné en France, et il pensait peut être que j'y avais toujours séjourné. C'était là bas que tout c'était passé. Il avait dû me chercher durant toutes ces années, espérant qu'un jour je quitterai le monde des sorciers pour revenir dans le monde des moldus. Il ignorait pratiquement tout de mes origines russes. Je ne portais pas le même nom à cette époque, je n'étais pas la même personne. Et il ne se doutait sans doute pas que j'étais à la tête de tout un Empire de la magie. Maintenant, grâce à Aliénor, il avait un indice supplémentaire sur moi. Il savait qui m'était chers, qui j'étais venu voir, et où la trouver. Un Vampire vivait plus souvent dans le monde des moldus que des sorciers, et ils étaient plus faciles à traquer. Ca allait être un jeu d'enfant pour lui.

Je pouvais difficilement parler, j'avais la bouche sèche. Aliénor était toujours présente dans la pièce. Je l'avais remarquée, tapis dans l'ombre. Son odeur se reconnaissait entre mille. Aleksei m'avait apporté de l'eau. J'avais bu une gorgée, puis je m'étais redressé dans le but de me lever. J'avais mal, très mal même, et un bandage avait été déposé sur ma main, mais il fallait que je me lève. J'avais des choses à faire désormais. Une fois totalement debout, même si Aleksei avait tenté de m'en empêcher, je m'étais appuyé contre la table pour être sûr de garder l'équilibre.

"Vous êtes allé sur place ?"

///"Oui, monsieur. Il n'y avait plus personne. Il n'a laissé aucune trace, aucune empreinte. C'est quelqu'un de rusé et je suppose que son coup était prémédité."

Ca je le savais. Quand à Aleksei, lui, il ignorait tout. Il avait fait son boulot. On lui avait rapporté les faits, et il s'était déplacé avec des Aurors vérifiait si le mec était toujours là. Mais il n'était pas là. Il était partit depuis bien longtemps. Son but n'était pas de se faire prendre, à moins que ça lui permettrait de m'atteindre plus facilement. J'avais mal au crâne. C'était une des pires matinées que j'avais passé. Il n'était pas encore midi quand je m'étais assis à mon bureau, faisant un signe de la main à Aleksei pour qu'on nous laisse seul. Elle avait vue quoi au juste ? Qu'est ce qu'elle avait entendu ? Mon sang ? Ca c'était arrêté ? Et alors ? C'était de la magie... Simplement de la magie. J'étais Empereur de la Magie, voilà pourquoi mon fouttu sang c'était arrêté de couler ! Voilà pourquoi cette fichue plaie c'était aussi rapidement refermée, même si le processus n'était pas allé jusqu'au bout. On me touchait, et je saignais. On me blessais, et la blessure cicatrisait plus vite que chez un sorcier ordinaire. C'était tout ce qu'elle avait vue ? Elle avait dû en voir d'autres, non ? Elle pouvait surmonter cela, sans poser d'avantages de questions.

"J'ai rien à vous dire."

J'avais fait une pause. Je sentais son regard posé sur moi. Elle attendait quelque chose. Elle voulait que je lui dise ce qu'elle aurait fini par lui demander si elle l'avait gardée sous la main. Mais je n'avais rien à lui dire.

"J'ai absolument rien à te dire, Aliénor."

Et c'était vrai. Elle savait qu'en m'emmenant ici, elle perdrait son pouvoir de persuation. Elle savait que... Il était par terre... Un petit détail, mais un détail tout de même. Il était par terre, là, à quelques mètres de moi. Elle ne l'avait pas utilisée. J'étais assis. Je tentais de me libéré, c'était pour ça que j'avais aussi mal quand j'essayais de me relever que quand j'étais allongé ou assis. Elle était allée jusque là ? Et lui aussi était là. Assis sur cette chaise, ficelé, et encore dans les vapes. Elle l'avait fait. Elle avait profité que j'étais blessé pour me blesser d'avantage.

"J'ai... Ne fais pas ça... Laisse le partir... Rentrons..."

Je sentais cette douleur aussi bien dans mon corps que dans mon crâne. Mais celle de mon crâne disparaissais au fur et à mesure que la pièce reprenait forme sous mes yeux.

Je voudrais perdre la mémoire pour ne plus changer de trottoir quand je croise mes souvenirs.
Georges Moustaki

ELLE AVAIT PROFITE DE SA FAIBLESSE. C'était mal, mais elle était une vampire, non ? Elle n'avait en conséquence aucune raison de se repentir. L'occasion se présentait, pourquoi se serait-elle retenu de faire ce dont elle rêvait depuis qu'elle connaissait Vladimir ? Entrer dans son esprit, lire ses souvenirs. La porte était ouverte, elle l'avait simplement poussée et avait plongé dans l'abîme de sa mémoire. Bien entendu, pour qu'il ne se rende compte de rien, elle lui avait fait croire qu'ils avaient transplané et qu'ils étaient en sécurité à la Cité Rouge. Il devait être en confiance pour lui dévoiler tout ce qu'elle rêvait de savoir. Elle focalisa donc la recherche de ses souvenirs sur l'homme à l'arbalète, pour garder un lien avec le moment présent et ainsi, mieux le berner.

Le décor de la pièce s'estompa alors, et elle vit l'homme à l'arbalète assis dans un fauteuil, tournant et retournant un objet dans sa main. Il devait avoir vingt-cinq ans mais un air soucieux creusait une ride sur son front, le vieillissant avant l'âge. Son crâne était déjà dégarni. Soudain, il leva la tête et aperçut Vladimir par la fenêtre. Aliénor fronça les sourcils, car le souvenir possédait une incohérence : le Ministre semblait avoir le même âge que maintenant, alors que l'autre était nettement plus jeune.

Un autre souvenir se superposa au premier. Elle y vit Vladimir courir à travers les bois, essoufflé. Lorsqu'il fit une pause pour reprendre sa respiration, une flèche vint se ficher dans l'arbre juste derrière lui. Il reprit alors sa course et disparut derrière un chêne. Le troisième souvenir était parfaitement inutile, mais la mémoire est capricieuse et nébuleuse : certaines choses sans aucun lien entre elles ont une finalité commune, parfois. Aliénor vit Vladimir, émerveillé, prendre le petit dragon en bois des mains d'une personne dont elle ne put voir le visage. C'était certainement le jour où on lui avait offert le Portoloin.

Le décor disparut et le premier souvenir refit surface, avec l'homme à l'arbalète qui tournait le petit dragon entre ses doigts. Puis, tout se dissipa, à mesure que Vladimir se rendait compte de la supercherie. Le charme était rompu.

Ils étaient de nouveau dans le hall d'entrée, avec l'homme à l'arbalète ligoté sur une chaise, l'arbalète fracassée contre le mur, et Vladimir toujours adossé contre la rampe de l'escalier. Aliénor, entre les deux, hésita un long moment avant de faire un pas vers l'Empereur. Elle jeta un coup d'oeil à l'inconnu qui commençait à reprendre connaissance, et s'agenouilla en face de Vlad.

"Vous n'êtes pas en mesure de marchander." lui murmura-t-elle à l'oreille. "Soit vous me dites quelque chose que j'ignore, soit je vous laisse ici avec lui. Et ne croyez pas que je pourrais ressentir de la pitié à votre égard. Après tout, je l'ai déjà laissé vous tirer dessus à deux reprises."

Elle étendit la main et ramassa le petit dragon sculpté qu'elle agita devant les yeux de Vlad.

"Apparemment, cet homme vous en veut, et quelque chose me dit que c'est lié à cet objet. La question est : pourquoi ?"

Elle se tut quelques instants, pensive, et reprit :

"Il vaudrait mieux que vous répondiez, car je risque de poser les questions à l'autre, et je suis sûre qu'il sera beaucoup plus enclin à me dire ce que je veux savoir, mais d'une façon qui risque fort de salir votre personne. Pour éviter que vous ne baissiez dans mon estime, je vous conseille de me répondre. Après tout, j'ai sûrement dû faire pire que vos misérables petits péchés. Pourquoi craindre ma réaction ?"

Elle eut un petit rictus en songeant à toutes ses mauvaises actions, puis son visage retrouva son expression implacable.

Il était là, devant moi, assis dans ce qui avait été son fauteuil durant tellement d'années. Il était là, le regard perdu dans le vide, l'esprit ailleurs. Il s'amusait avec ce petit objet que je lui avais donné quelques années auparavant. Il était là, et il sentait ce vide qui l'entourait, ce mal qui rongeait son être tout entier. Il était là, et il avait levé les yeux, me voyant derrière la vitre, et il savait que ça serait la dernière fois qu'il me verrait. La dernière fois qu'il verrait celui qui l'a mis là. Celui qui a fait de lui ce qu'il était devenu. Pour lui, j'étais mort ce jour là. Pour lui, plus rien d'autre ne comptait aujourd'hui, et plus rien d'autre ne compterait jusqu'à la fin de sa vie. Il ne vivait plus, il était juste là, car il n'avait nulle part ailleurs où aller.

Je m'étais enfouis, je courrais. Je tentais de lui échapper. Ca n'aurait pas dû se passer ainsi. Il n'aurait pas dû me trouver aussi vite. Je m'étais arrêté quelques instants pour reprendre mon souffle, ma main posée contre un arbre. Une flèche était venue se loger entre mes doigts et m'avait épargné. Il ne voulait pas me tuer. Je n'étais qu'une proie pour lui, et il aimait s'amuser avec ses proies. Ce n'était plus l'homme que j'avais connu. S'en était fini de lui. Il n'était plus rien, il n'avait plus rien à perdre, et il m'avait enfin à sa merci. Je m'étais éloigné, je m'étais remis à courir, et j'avais disparu derrière un chêne. J'avais disparu comme je disparaissais toujours, et il savait quel objet j'avais utilisé. Au fond de lui, il le détestait plus que tout, alors que c'était sans doute la dernière chose qu'il convoitait.

///"Prend le, il te portera chance."

C'était un rêve. Ca ne pouvait pas être réel. Ce décor... Cette scène... Ca ne pouvait pas être réel. J'avais mis une croix dessus, et je savais que c'était définitif. Ca ne pouvait pas être réel. Je le revoyais assis contre son arbre, à faire tourner le petit dragon dans sa main. Puis, il était là, assis devant moi, attaché. Aliénor avait abusé de mon esprit.

"J'ai... Ne fais pas ça... Laisse le partir... Rentrons..."

Elle voulait le torturer. Elle voulait le faire parler. Elle pensait que j'avais commis des péchés, et qu'il était là pour me punir, mais elle se trompait. Elle se trompait sur un point. Ce qu'elle a fait, durant toute son existence, ne pouvait pas se comparer à ce que j'avais fait, moi. Je ne craignais pas sa réaction, je ne voulais simplement plus penser à tout ça. Chaque jour, chaque minute, il n'y avait pas une seule seconde de mon existence, où je ne devais pas luter pour ne plus y penser. C'était devenu une partie de moi, une partie que j'avais enterré au plus profond de mon être, une partie qui...

///"Dit lui..."

Il s'était réveillé. Il parlait difficilement, et il était salement amoché, mais il était réveillé. Et il parlait... Il parlait... Et il me regardait, un sourire victorieux illuminait son visage. Il allait peut être enfin pouvoir me faire souffrir comme il avait souffert.

///"Vous l'avez vue..."

Il souriait. Il souriait à en faire peur.

///"C'est une technique à vous... Les Vampires... De lire ce qu'on a dans notre tête."

Il avait accompagné le geste à la parole, en s'indiquant sa tête de sa main encore valide.

///"Et maintenant vous savez, mais vous ne pouvez pas l'admettre... Vous savez, j'ai longtemps tenter de le retrouver, de mettre la main sur lui. C'était censé être chose facile, vue qu'il n'avait pas changé de visage pendant toutes ces années. Mais non... Votre monde, son monde m'étais interdit. Il s'y cachait. Il avait honte de revenir ici. Il avait peur de ce qu'il pourrait y voir. Il se cachait... Lâche... Il s'est servis de vous. Je ne sais pas dans quel but, mais il s'est servis de vous. Il vous a dit ce qu'il voulait bien vous dire, mais il a caché ce qui pourrait jouer contre lui."

"Ca suffit..."

///"C'EST MOI QUI DIT QUAND CA SUFFIT !"

Il avait crié, et postilloné. Il savourait sa victoire, mais il perdait également son sang froid.

"Ne l'écoute pas... Il dit ça pour me faire du mal... Partons, je t'en supplie, Aliénor, partons..."

///"Aliénor... Où est votre place dans tout ça ? Vous l'aidez en quoi ? Laissez moi vous dire une chose... Il va continuer à s'occuper de vous, à vous faire croire de belles choses, tant que vous aurez encore un intérêt à ses yeux. Et une fois que vous l'aurez mené très haut, il vous remettra à votre place. Dans le néant... Il vous abandonnera, et vous mourrez... Mais lui, non. Non... Et vous le savez... Dites moi... Ca vous fait quoi de coucher dans le même lit que le diable ?"

Je voudrais perdre la mémoire pour ne plus changer de trottoir quand je croise mes souvenirs.
Georges Moustaki

OU ETAIT LA VERITE ? OU SE CACHAIT-ELLE ? Derrière le sourire victorieux de l'homme ou derrière le masque de sincérité de Vladimir ? Elle ne parvenait plus à croire en lui. Il lui avait tant de fois menti. Il avait tant de fois éludé la vérité... Aliénor secoua lentement la tête, fermant les yeux pour tenter d'éclaircir ses pensées. Il lui fallait du calme, un coin de plénitude pour réfléchir...

"SILENCE !"

Sa voix claire, décuplée par la rage et l'égarement, se perdit en écho contre les murs du hall. Un hurlement s'était échappé de sa gorge. Sauvage. Elle en avait assez d'être malmenée comme une poupée de chiffon, assez d'être agitée comme une marionnette. L'homme avait dit vrai : Vladimir s'était servi d'elle. Elle en avait eu la preuve lorsqu'il était devenu Empereur. Il n'avait pas partagé son pouvoir. Dès lors, elle avait plus tendance à croire l'homme chauve plutôt que celui à qui elle aurait confié sa "vie". Etrange révélation.

Elle porta les mains à ses tempes et les massa du bout de l'index tout en jetant des coups d'oeil furieux à Vlad et à l'autre homme.

"Et si je vous tuais tous les deux ? Ainsi, je n'aurais plus aucun problème !" s'écria-t-elle avec un sourire dément.

Non vraiment, ces hommes allaient finir par la rendre folle. Elle n'aurait pas dû s'en encombrer. Si elle n'avait jamais connu Vlad, elle aurait été en train de faire du shopping, à l'heure qu'il est ! Ou savourer un excellent repas en Angleterre ou en Inde ! Non, tout compte fait, pas en Inde. Les habitants de là- bas mangeaient bien trop épicés.

Aliénor se décida enfin à faire quelque chose. Sans un mot, elle se dirigea d'un pas décidé vers la cuisine et disparut quelques instants. On entendit des tiroirs coulisser puis se refermer, et la vampire réapparut avec un chiffon à carreaux à la main. Elle se dirigea alors vers Vlad et... le bâillonna. Elle attacha solidement le torchon autour de sa tête, le plaquant contre sa bouche, puis se tourna vers l'autre homme.

"Voilà. A présent, nous pouvons discuter."

Jetant un regard par-dessus son épaule, elle ajouta à l'adresse de Vlad :

"Désolée, mais votre voix me déconcentre bien trop pour mener un interrogatoire dans les règles de l'art. Vous êtes très sexy comme ça."

La dernière phrase lui avait échappé, mais elle n'avait pu se retenir de penser qu'il était très alléchant ainsi bâillonné. Il faudrait y songer par la suite, tout du moins si leur relation se poursuivait. Tout dépendait de ce que l'homme allait lui révéler. Apparemment, il en savait énormément sur l'Empereur, et n'avait pas l'intention de tenir sa langue.

"Alors monsieur, dites-moi tout ce que vous savez sur le diable !" dit-elle en se retenant de rire au dernier mot.

Vlad avait certes des choses à cacher, mais il n'avait rien à voir avec Satan ! L'homme chauve savait-il ce qu'Aliénor avait fait durant tous ces siècles ? Toutes ces vies anéanties, ces familles décimées, ces souffrances infligées... Mettait-il Vladimir sur le même pied d'égalité ? Elle ne pouvait y croire et quand bien même, cette idée la grisait. S'il était un démon tout droit sorti des enfers, elle ne l'aimerait que davantage. Elle serait même impressionnée. Fière, peut-être. Enfin, ne brûlons pas les étapes.

Toute excitée par les révélations à venir, Aliénor ne tenait pratiquement plus en place, observant l'homme chauve d'un air avide, les yeux écarquillés.

Elle le regardait avec son air avide, les yeux écarquillés. Je l'avais rarement vue autant fascinée par quelqu'un. Si j'étais satan, cet homme était dieu. Et une damnée était tombée en admiration devant lui. Mais il n'avait rien d'un dieux. C'était un simple mortel. Une personne qui tout comme elle se posait des questions, et qui la regardait avec un air triste. Car oui, pour la première fois de cette soirée, il avait un air triste et appeuré sur le visage. Non, il n'avait pas peur qu'elle le tue, ou qu'elle le torture. Il avait simplement peur qu'elle lui en demande plus sur moi, car il avait tant espéré. Il avait tant attendu... Il...

///"Vous ne savez pas ?"

Il en avait les larmes aux yeux. Elle ne savait pas. Elle ne pourrait pas répondre à la question qu'il s'était si souvent posé. J'étais un sorcier, et il le savait. J'avais fait une chose horrible, et il le savait. Mais il y avait d'autres sorciers dans le monde, et peu étaient ceux qui avaient fait quelque chose d'aussi horrible à ses yeux. Les sorciers n'étaient pas des diables, et pour lui j'étais plus qu'un simple sorcier. Il avait fait toutes les recherches possibles sur notre monde. Il connaissait bien mieux nos créatures magiques, que moi même, alors que j'avais dirigé ce département dans mon monde. Il les avait toutes rencontrées au moins une fois, mettant plusieurs fois sa vie en danger. Il voulait absolument savoir à laquelle je ressemblais. Savoir comment me tuer, savoir ce qui pouvait me faire souffrir. Et aujourd'hui, après toutes ces années, il ne savait toujours pas. Il avait sans doute espéré qu'elle le lui dirait.

///"Je sais rien de plus... Je pensais que vous, vous sauriez... Je pensais qu'en vous disant tout ça, quelque chose viendrait à votre esprit. Une illumination, une réponse... Ca avait servi à rien..."

Il s'était mis en danger, il était prêt à mourir pour avoir sa réponse, et il allait se faire tuer par une Vampire en restant dans l'ignorance. Le chiffon qu'Aliénor avait mis dans ma bouche avait disparu. Mes liens s'étaient défaits. J'étais resté assis sur cette chaise. Je savais que tout ceci n'était pas réel. Elle avait touchée mon dragon, elle avait touchée mon portoloin et pourtant, elle était toujours là, devant moi. Elle n'avait pas quittée mon esprit. Elle ne m'avait pas attachée. Ce qu'il avait dit était vrai, car elle était entrée dans son esprit aussi, mais ce qu'elle me faisait ne l'était pas. Il était toujours là, assis sur cette chaise. Il venait sans doute lui aussi de comprendre ce qu'elle avait fait. Et j'étais tout comme lui, assis en face. Elle avait mis un bandage sur ma plaie. Sans doute pour que je ne me vide pas de mon sang. Mais de toute façon, ça ne serait pas arrivé. Elle avait jonglée entre nos deux esprits. Elle avait sans doute finie par voir ce qu'elle voulait y voir.

J'étais enfin libéré ? Pour de bon cette fois ci ?

~~~~
///"Prend le, il te portera chance.

J'avais pris le petit dragon sculté dans le bois, et je l'avais contemplé quelques minutes. Un grand sourire était apparu sur mon visage, ce qui avait illuminé celui de la jeune femme qui se tenait devant moi. Dans le ciel, des lumières de toutes les couleurs jaillissaient de partout. On avait une très belle vue de cette grande plaine qui surmontait la ville.

///"Ne t'éloigne pas trop Charles."

Je lui avais souris, voyant le petit Charles s'éloigner de nous pour regarder les lumières dans le ciel. On était la veille d'un quatorze juillet, celui de l'année 1954.

///"Il t'aime beaucoup, tu sais... Tu es un peu comme un père pour lui..."

J'avais regardé une nouvelle fois le petit objet qu'elle m'avait offert. Ça faisait tout juste un an, ce n'était pas une soirée comme les autres. Elle s'était approchée de moi, et avait déposée un doux baiser sur mes lèvres. Je n'avais jamais était aussi bien de toute ma vie.

"Je t'aime...
~~~~

"...Aliénor... Je suis désolé..."

Souvenirs, souvenirs...

Les souvenirs s'étaient dissipés, subsistant dans la vapeur de la pensée. Aliénor avait le regard vague, les yeux fixes, la bouche entrouverte. Les minutes s'écoulèrent lentement. Elle sentait son esprit s'éloigner de celui des deux hommes, comme un fil ténu qui s'étire pour se couper brusquement. La réalité était revenue, mais elle ne pouvait oublier ce qu'elle venait de voir. Elle se tourna vers le dénommé Charles, qui était désormais un homme chauve au crâne brûlé à vif, puis s'approcha de Vlad. Là, elle s'agenouilla à ses côtés, et leva la main pour la poser sur la sienne, qui était blessée. Elle avait appliqué un bandage sur la plaie, pansement qui était à présent ensanglanté. La vampire observa l'Empereur à travers ses cils, et sans prévenir, serra très fort sa main, lui arrachant un cri de douleur. Impassible, elle le regarda souffrir, puis le lâcha quelques instants plus tard. Elle voulait qu'il ressente la douleur cuisante de la trahison. Et encore, elle avait été gentille. Elle aurait pu ne pas se contrôler et lui arracher carrément le bras, juste pour voir s'il repousserait.

Aliénor fixait Vlad d'un oeil noir. Pourquoi n'avait-il jamais mentionné ce détail ? Croyait-il qu'elle ne serait pas compréhensive sur le fait qu'il ne vieillissait pas ? Elle était une vampire, bon sang ! Elle savait ce que c'était de garder à tout jamais la même apparence ! Mais lui, qu'était-il ? Aucun sorcier ne pouvait arrêter le vieillissement, à moins qu'il ne possédât la Pierre Philosophale. Mais elle avait entendu dire qu'un groupe d'élèves avait mis la main dessus et l'avait détruite, enfin elle n'avait pas suivi toute l'histoire. La vérité était difficile à accepter : Vlad lui avait menti. Par omission, mais c'était tout de même un péché. Un autre souvenir lui revint brusquement en mémoire tandis qu'elle le contemplait. Elle le vit nettement plus jeune, les cheveux mi-longs, l'observer dans un port, en France. Elle était alors accompagnée d'Ezechiel, et cela se passait au XVIIIème siècle. Tout d'abord, elle n'avait pas pris cet élément au sérieux car elle pensait que c'était juste une fourberie destinée à lui embrouiller l'esprit, mais maintenant qu'elle faisait le rapprochement avec l'histoire de Charles, tout s'enchaînait parfaitement. Vlad était âgé d'au moins 200 ans, et vieillissait beaucoup plus lentement que le commun des mortels.

Autre détail troublant, il avait aimé. Cette perspective n'enchantait guère la vampire. Ces mots qu'il ne lui avait jamais dit, il les avait déclaré à une autre. Une humaine. Dès lors, elle s'interrogeait sur la véritable raison qui la liait à lui. Que pensait-il réellement d'elle ? Qu'était-elle pour lui, au fond ? Une aventure qui s'éternisait ? Une remplaçante à son grand amour, faute de mieux ? Aliénor, blessée dans son orgueil, redressa la tête avec dédain et jeta un regard méprisant à l'Empereur avant de lui tourner le dos. Elle observa un court instant la paume de sa main qui contenait un peu de son sang, puis serra le poing et s'avança vers Charles. Qu'allait-elle faire de lui ? Il était inutile, une pièce manquante d'un puzzle complexe. Il ne savait rien d'intéressant. L'envie de se défouler sur quelqu'un était si forte qu'elle se surprit à diriger ses ongles coupant comme du verre en direction de sa gorge, mais elle s'arrêta en chemin, lui lançant un regard perdu. Non, il devait rester en vie. Lui aussi cherchait à savoir qui était vraiment Vlad, il pourrait lui être utile par la suite, si jamais il poursuivait ses recherches...

Retournant auprès de Vlad, elle se pencha une nouvelle fois sur lui, leva la main et caressa ses cheveux. Plus de violence pour l'instant. Ils étaient des personnes civilisées, non ? Pendant un court moment, elle eut l'idée de le garder ici afin de le torturer pour l'éternité et de découvrir, dans le tourment de ses souvenirs, qui il était vraiment, mais elle oublia vite cette éventualité en songeant qu'il en ressortirait nettement diminué. Jamais personne n'avait résisté à ses séances de torture, aussi bien mentalement que physiquement. Cela aurait été du gâchis, car même si elle avait encore du mal à se l'avouer, elle ne pouvait imaginer continuer à vivre sans sentir la caresse de ses doigts sur sa peau, la chaleur de ses lèvres contre la glace de sa bouche, la douceur de ses mains...

Aliénor ferma brièvement les yeux, le temps de se remémorer ces quelques souvenirs, et soulevant les paupières, elle prit la main de Vlad -cette fois-ci avec délicatesse- et saisit le Portoloin qui était sur le sol. Ils disparurent aussitôt, laissant Charles ligoté sur le fauteuil. Ils réapparurent dans le bureau de Vladimir, au Grand Nord. Aliénor tiqua, car elle aurait préféré un autre endroit, mais comme elle ne pouvait choisir la destination, elle garda sa rancune pour elle. Elle entoura Vladimir de ses bras pour l'aider à s'asseoir sur la chaise, face à la table, puis s'éloigna pour dire d'un ton froid :

"Voilà, je vous ai sauvé la vie. Ne me remerciez pas, cela restera entre nous. Après tout, un secret de plus ou de moins..."

Elle se dirigea à grands pas vers la porte, et au moment de poser la main sur la poignée, elle se ravisa, et se retourna.

"Vous auriez pu tout de même me préciser que je n'étais qu'une aventure de passage ! A moins que vous vous soyez rabattu sur les vampires lorsque votre dernière femme en date est morte ? Vous vous êtes dit que seule une vampire pouvait avoir une aussi grande longévité que vous ?"

La colère contenue dans sa voix faisait trembler celle-ci. Elle ne lui en voulait pas d'avoir au moins 200 ans, elle se sentait simplement trahie par tous ces mystères inutiles qu'il avait entretenu pendant toutes ces années.

"Si j'ai bien compris, jamais la mort ne me débarrassera de vous ?" lança-t-elle d'une voix qu'elle voulait moqueuse. "Je vais donc vous trouver sur le pas de ma porte tous les mois en me suppliant de revenir vers vous ? Vous testez mes résistances jusqu'à ce que je craque ? Eh bien, ça ne fonctionnera pas, Monsieur ! Vous êtes peut-être une erreur de la nature, mais vous n'avez qu'à choisir une autre proie ! Vous n'avez qu'à faire votre choix aux Carpates !"

Lui seul était capable de la mettre dans un tel état de rage. Pourtant, elle avait décidé de ne plus lui en vouloir pour le fait qu'il ne lui avait pas offert la couronne de l'impératrice, et voilà qu'il ajoutait autre chose à sa liste d'inconvenances ! Aliénor aurait vraiment aimé s'enfuir très loin et le laisser avec ses mystères, mais elle ne pouvait détacher ses yeux de lui. Quelque chose continuait à l'intriguer chez cet homme. La curiosité.

A présent, elle savait qu'ils étaient liés pour l'éternité. Elle se sentait étrangement grisée par cette révélation. Elle ne pouvait le perdre, même si, en cet instant, elle aurait aimé le tuer de ses propres mains ! Ah, Vladimir... Il inspirait tant de haine et d'amour en seulement quelques secondes.

On était de retour à la Cité Rouge, dans mon bureau, au calme, en paix, dans la tranquillité. Il n'y avait plus que nous. Ma Vampire... Ma compagne ? Mon amie ? Je n'avais jamais vraiment su ce qu'elle représentait à mes yeux, et surtout, ce que je pouvais ressentir à ses yeux. On s'était rencontré il y avait cinq ans, en février, au château des Carpates. Cette nuit avait été magique. On s'était revu quelques jours après. J'avais dû lui envoyer une invitation, car elle ne serait pas revenue sinon. Cette fois ci, c'était à la Cité Rouge, chez moi. Elle avait été la toute première vampire de l'histoire de notre grand Empire, à être invitée à venir à la Cité Rouge. Même les Grands Maîtres n'avaient pas eu cette chance. Pour cela qu'on avait construit le château dans les Carpates. C'était le Ministre de la Magie qui se déplaçait chez eux, et non l'inverse. La Cité était un lieu de paix, et de tranquillité, les Vampires n'y étaient pas les bienvenue. Notre histoire avait continuée, encore et encore, jusqu'à aujourd'hui.

Et maintenant ? On faisait quoi ? Elle aurait dû me faire chanter... Elle aurait pu me manipuler pour obtenir ce qu'elle voulait. Mais non... Elle était juste outrée. Outrée de quoi ? Outrée de n'avoir été qu'une aventure de passage. Je ne comprenais pas bien ce qu'elle voulait dire par là, ou alors trop bien. Elle ne voulait pas être que celle qui remplaçait la précédente, celle qui faisait passer le temps en attendant la suivante. Elle voulait être la seule, c'était tout ce qui lui importait. C'était tout ce qu'elle espérait avoir. Mais c'était une Vampire. Elle ne pouvait pas demander de telles choses. Elle ne pouvait rien demander, car personne était en mesure de lui donner quoi que ce soit. C'était une créature de la nuit, une assassin, quelqu'un de différent. Elle le resterait toute sa vie.

"Aliénor..."

Elle s'emportait. Elle allait trop loin, tellement loin qu'elle s'était totalement perdue. Elle ne savait plus si elle devait fuir, si elle devait rester, si elle devait m'écouter, me donner une chance de m'expliquer, ou si elle devait tout simplement m'oublier. Je ne voulais pas qu'elle m'oublie. Je ne voulais pas qu'elle parte. Je ne pouvais pas la perdre. Pas maintenant, plus maintenant.

"Je..."

Je m'étais approché tant bien que mal de mon armoire. Elle ne m'avait pas aidée, et je ne lui avais pas demandé son aide. Je voulais y arriver seul. Je voulais ouvrir cette armoire, et prendre l'une des fioles qui se trouvait dedans. Il y avait de nombreuses choses dans mon bureau. L'une de ces choses, c'était ces fioles. Elle redonnait des forces, elles permettaient de se sentir bien quelques temps, juste le temps de prononcer quelques paroles, et c'était ce que je voulais. Boire l'une de ces fioles. Et c'était ce que j'avais fait. Je me sentais déjà mieux, mais mes plais étaient encore là. Je finirais sans doute à l'hôpital pour quelques jours, mais il fallait qu'on ait cette conversation, ici, et maintenant. Il fallait qu'elle sache pourquoi elle ne devait pas franchir cette porte, pourquoi elle ne devait pas partir.

Je m'étais approché d'elle. Elle se tenait toujours debout, au centre de la pièce, bien décidée à savoir le fin mot de cette histoire. C'est fou à quel point cette couleur lui allait bien. Je n'aurai pas du songer à cela en un tel moment, mais je ne pouvais m'empêcher de regarder ses cheveux. J'avais envie de glisser mes doigts dedans. J'avais envie de lui dire à quel point ses cheveux étaient magnifiques. A quel point j'aimais ses cheveux. Mais ce n'était pas le bon moment pour ça. Ses yeux... Si bleu... Si à part. Ils étaient beaucoup plus mis en valeur avec sa nouvelle couleur. Ils ressortaient mieux. Je voulais l'embrasser. Je n'avais qu'une envie, c'était de l'embrasser. On avait quitté la France, on était revenu ici, à l'abri. Si je pouvais affronter un Empire, si je pouvais affronter un Vampire, un loup garou ou autre, je ne pouvais pas, je ne voulais plus affronter ce qui m'attendait là bas, en France. C'était loin. Dans quelques années, il ne sera plus là, je n'aurai plus besoin de fuir ce pays, mais je continuerai à le fuir. Car c'était fini la France et moi. C'était trop de lointain et mauvais souvenirs, et mon avenir était ici, au Grand Nord. J'avais de grands projets, et je voulais les réaliser... C'était... Oui... Il fallait que je lui dévoile ça...

Je la regardais toujours, mais pendant quelques secondes, mon regard avait été attiré par autre chose. Une chose qui se trouvait derrière elle. Je devais le lui montrer. C'était ce qu'il fallait faire. C'était la seule façon de la garder à mes côtés. Lui dire qui j'étais. Si elle savait que la réponse était dans cette pièce, elle ne me pardonnerait pas de ne pas la lui dévoiler. Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas lui dire tout ce qui me concernait. Néanmoins, je ne pouvais pas tout lui cacher. Une chose importante devait lui être révélé sur moi, et il fallait que je le fasse maintenant. C'était le moment idéal. Je le regardais toujours dans les yeux.

"Je ne suis pas immortel, Aliénor... Je n'ai simplement pas encore trouvé le moyen de mourir. Tout comme je n'ai pas encore trouvé le moyen de vous dire que..." J'avais fait une pause. Je ne savais pas exactement ce que je devais dire, ni comment. "Nous deux, c'est finis."

J'avais baissé les yeux. Je n'étais plus capable de la regarder en face. Elle avait fait quelque chose que je ne pensais pas qu'elle ferait. Elle était entrée dans mon esprit, elle avait vue des choses qui n'étaient qu'à moi. Elle avait agis comme son frère avait agis. Elle ne valait pas mieux que lui. C'était peut être de famille. S'en était finis... Jamais plus je pourrai lui faire confiance. Je m'étais avancé en direction de la porte, et je l'avais ouverte. Je ne m'étais pas tourné vers elle, même pas une dernière fois. Non, la dernière fois était déjà passée depuis longtemps. J'étais retourné vers elle, et aujourd'hui je le regrettai. Elle ne valait pas mieux qu'eux. Elle ne valait mieux que personne. Elle n'était qu'une erreur dans ma vie, une erreur et rien de plus. Et comme à chaque fois, je pouvais réparer mes erreurs, et c'était ce que je venais de faire en refermant la porte derrière moi.

Souvenirs, souvenirs...

ALIENOR RESTA FIGÉE. Elle ne pouvait croire à ce qu'elle avait entendu. Encore plus blême que d'habitude, elle garda une attitude digne tandis que Vlad sortait de la pièce. Elle entendit la porte se refermer sur lui. Puis, plus rien. Le silence, le vide.

Le traître. Il ne pouvait s'empêcher de faire de sa vie un enfer. Aliénor serra les poings, se mordant les lèvres jusqu'au sang. Il avait mis un terme à leur histoire. IL AVAIT OSE ! Alors qu'elle venait de lui sauver la vie ! La colère monta en elle, tel un ouragan qui détruisait tout sur son passage... et elle la laissa exploser. Elle se mit à saccager le bureau, renversant les chaises, éventrant les fauteuils, arrachant les rideaux. Elle donna un grand coup de pied dans une commode qui heurta la large baie vitrée avant de tomber dans le vide. Le vent du Nord s'engouffra par la fenêtre explosée, piquant la peau déjà glacée d'Aliénor. Elle se calma quelques secondes pour observer la pièce sans dessus dessous, puis poursuivit son oeuvre. Elle voulait détruire chaque objet qui appartenait à Vlad. Il fallait qu'il paye son ultime trahison. Elle voulait lui prouver qu'on ne pouvait pas se débarrasser aussi facilement d'elle. Elle ne partait jamais seule.

Se dirigeant vers la bibliothèque, elle tendit le bras pour attraper quelques livres et les lacérer de ses ongles, mais un volume attira alors son attention. Il était légèrement en avant par rapport aux autres sur le rayonnage, et des lettres d'or scintillaient sur la tranche.

OLAFF MANOKOVA

Aliénor sentit son coeur battre à tout rompre. Ce nom banni de toutes les bouches pour une obscure raison s'étalait devant ses yeux. La réponse à toutes ses questions était certainement à l'intérieur de ce grimoire. Il lui suffisait de tendre la main...

Elle prit le vieux livre relié de cuir et l'ouvrit, posant ses doigts fébriles sur les pages jaunies. On y parlait d'un Empereur, le dernier Empereur de la Magie au XVème siècle. Il s'agissait d'un journal intime dans lequel il notait tout ce qui avait à trait à sa fonction, mais il y ajoutait quelques éléments personnels. Aliénor sentit brusquement le sang se geler dans ses veines. Perplexe, elle fixait quelques mots écrits à l'encre, quelques mots qui venaient de changer sa vision des choses...

... mon fils poursuit la juste lignée de notre famille. Aujourd'hui est né Vladimir, héritier de l'Empire. Les feux d'artifice explosent encore dans le ciel. Le peuple est en liesse. Nous fêtons la naissance du futur Empereur de la Magie.

Aliénor baissa les yeux sur la date, et lut 13 Octobre 1485. C'était impossible. Il y avait erreur sur la personne. Se pouvait-il que ce Vladimir soit celui dont elle était tombée amoureuse ? Se pouvait-il qu'il s'agisse du même homme de chair et de sang qu'elle connaissait depuis plus de cinq ans ?

Bouleversée et impatiente, elle poursuivit sa lecture avec assiduité. Elle apprit diverses autres choses, plus ou moins importantes, mais ce qui confirma qu'il s'agissait du même Vladimir, ce furent ses propres mots écrits à la suite du livre de son grand-père. C'était incroyable. Il poursuivait l'oeuvre familiale. Dès lors, Aliénor se posa une question très troublante : était-ce grâce à elle qu'il avait accédé au poste d'Empereur, ou avait-il tout mis en place pour récupérer ce trône qui lui revenait de droit ? Certes, rien n'était clair dans son esprit. Ces quelques révélations l'embrouillaient davantage, mais elle se sentait comblée. Oui, comblée. Vladimir venait de lui offrir quelques réponses. Il avait voulu qu'elle lise ces pages. Il ne souhaitait pas rompre, il lui laissa simplement le choix de le rejoindre ou non.

Elle referma le livre avec un claquement sec et le reposa là où elle l'avait trouvé. Tournant alors la tête vers la baie vitrée, elle s'aperçut que le soleil était en train de se coucher. Elle avait lu pendant plusieurs heures. A présent, il était temps d'agir. Il fallait prendre une décision. La tête haute, elle sortit du bureau et se dirigea vers les appartements privés de Vladimir. Il ne pouvait être que là-bas. Elle savait qu'il l'attendait.

Elle le trouva debout face à une fenêtre, dans le salon. Il contemplait le coucher du soleil, immobile et pâle comme le paysage devant lui. Des Médicomages avaient changé le bandage de sa main et sûrement celui dans son dos. Aliénor glissa sans bruit jusqu'à lui, et posa une main entre ses omoplates, cherchant l'endroit où la flèche avait déchiré la chair. Elle caressa un moment son dos, effleurant à peine sa chemise et murmura à son oreille :

"Dois-je vous montrer davantage de respect à présent que je sais que vous êtes mon aîné ?"

Elle eut un petit sourire et posa les mains sur ses épaules avec une douceur inattendue pour qu'il se tourne vers elle. Là, elle le détailla du regard, et reprit avec un sourire en coin :

"Non, je ne vois pas pourquoi je changerais d'attitude. Je vous ai toujours respecté. Sauf les fois où je vous ai fait mal, mais d'un autre côté, vous ne vous êtes jamais plaint..."

Elle eut un petit rire cristallin.

"Nous aurions pu être si bien ensemble. Deux immortels régnant sur le monde. Mais vous ne voulez plus de moi. Tant pis ! Qui sait ce que je pourrais révéler sur vous..."

Etait-ce une menace ? Un petit chantage pour qu'il revienne vers elle ? Non, cela n'aurait pas été très fair-play. De toutes façons, Aliénor savait très bien qu'il était à elle, tout comme elle était à lui.

Pour toujours.