Un huit clos pas comme les autres [Fe]

Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit

Lorsque Ondine entra dans la chambre de Maxwell, elle adressa un bref sourire à Pepper qui avait eu le bon ton de partir. Beaucoup de choses avaient changé depuis quelques jours. La Gazette du Sorcier avait dû se passer de son directeur à cause de l'accident qui lui était arrivé à la fête d'anniversaire du père de Ondine. Cependant, le journal avait tenu le coup pendant ces dernières vingt-quatre heures, grâce à Pepper qui avait pris les choses en mains. Ondine s'était donc aperçue que cette dernière n'avait rien d'un rapace qui tournait autour du grand patron pour obtenir quelques faveurs, mais bien une femme d'action, une working girl, capable de maintenir la Gazette à flots en tant de crise. Même si elle entretenait pour elle une certaine méfiance, elle savait au moins qu'elle n'avait en aucun cas l'intention d'usurper sa place auprès de Maxwell, ce qui était une bonne chose.

S'avançant donc dans la petite pièce, elle remarqua un bouquet de fleurs dans un vase, et un plateau-repas posé sur la table de chevet, juste à côté d'une lampe qui grésillait. Elle posa enfin les yeux sur Maxwell, assis dans son lit avec plusieurs gros oreillers contre lesquels il était adossé, et eut un bref sourire en voyant ses cheveux tout ébouriffés. Un gros pansement avait été appliqué sur son crâne, le temps que la magie opère et que la blessure ne soit plus qu'un souvenir.

Ondine ramena une mèche de cheveux derrière son oreille et prit place au bord du lit, hésitant à prendre la main de Maxwell. Devait-elle lui dire à quel point elle avait eu peur pour lui ? Elle n'avait pas dormi de toute la nuit, se demandant s'il allait survivre. Non pas qu'elle s'inquiétait réellement de sa survie, mais si jamais il était venu à mourir, elle aurait peut-être perdu son travail ! Bon ok, elle avait quand même angoissé à mort, avait attendu dans le couloir de l'hôpital, abrutie de sommeil sur un banc, jusqu'à ce qu'un Médicomage vienne lui dire aux premières lueurs de l'aube qu'il était hors de danger. Elle avait alors poussé un énorme soupir de soulagement et avait éclaté d'un rire nerveux avant d'être secouée de sanglots. C'était particulièrement humiliant. Non, il valait mieux ne rien dire. Se taire et se contenter d'être là. Maxwell n'avait pas l'air d'apprécier les pleurnicheuses, et de toutes façons, Ondine n'aimait pas cela non plus. Elle préférait se convaincre qu'elle avait dormi chez elle la nuit dernière et qu'elle n'avait pas eu un sommeil agité.

"Vous avez l'air d'aller mieux." dit-elle enfin après un long silence. "Enfin... vous allez mieux que hier ! Quand vous êtes arrivés à Sainte Mangouste, vous étiez plus blanc que les murs ! C'était légèrement flippant..."

Elle eut un petit sourire un peu crispé, nouveau signe de nervosité, et pencha la tête pour observer la couverture rose pâle avec un intérêt accru. Franchement, cette couleur était immonde. Elle eut très envie de sortir sa baguette et de changer la couleur pour beau jaune poussin ou un vert acide. Ondine aimait les couleurs qui laissaient des paillettes dans les yeux bien après qu'on les ait regardées. Levant de nouveau les yeux vers Maxwell, elle déclara finalement d'un ton enjoué :

"Roy et Edmund n'ont rien. Je sais que vous vous en fichez mais c'est important de le dire. Vous avez beau les mépriser, ce sont mes pères, quand même ! La salle des fêtes a besoin de pas mal de réparations, par contre ! Tous ces sortilèges qui ont ricoché... Il y a eu quelques blessés, mais rien de grave. En fait, le plus grand blessé, c'était vous !"

Elle pouffa et décida finalement de lui prendre la main. Non mais c'est vrai, pourquoi faire tant de manières ? Si elle voulait lui prendre la main, elle lui prendrait, na ! Le contact chaud de sa peau contre la sienne la fit légèrement frémir, et elle se sentit subitement apaisée. Il était vivant. Vraiment vivant.

"Personne ne sait pourquoi les Rafleurs et les Mangemorts ont attaqué, pourquoi ils s'en sont pris à nous. Edmund a l'air de savoir, mais s'il en a parlé à mon père, ils n'ont rien voulu me dire. Enfin, tant que ça ne recommence pas, ça m'est égal !"

Elle haussa les épaules, caressant la main de Maxwell avec son pouce. Elle faillit se pencher pour l'embrasser mais à cet instant précis, le Médicomage qu'elle avait vu lorsqu'elle avait amené son patron à l'hôpital entra dans la chambre, son petit calepin à la main. Tout ce qu'elle lui avait dit, sous le coup de l'émotion, lui revint brusquement en mémoire, et elle écarquilla les yeux, priant pour qu'il ne cafte pas. Hélas, un Médicomage, c'est assez limité au niveau du cerveau.

"Oh, Miss Akeller ! Bonjour ! Je vois que vous rendez visite à votre petit ami, je repasserai tout à l'heure dans ce cas !"

Et, après avoir lancé un clin d'oeil particulièrement lourd, il pivota sur ses talons et s'en alla. Pauvre type. Ondine fixait la porte avec consternation, et sauta subitement sur ses pieds, lâchant du même coup la main de Maxwell.

"Tss... Franchement, il a des conclusions un peu hâtives, celui-là !" dit-elle d'une voix tendue, avec un sourire faussement jovial. "Il croit que... Non mais je... C'est pas parce que je viens te voir à l'hôpital que je suis ta... Enfin c'est dingue, quoi !"

Elle s'était mis à gigoter en tous sens tout en essayant de s'expliquer, ce qui n'était guère concluant et surtout, donnait l'impression qu'elle était tout sauf détendue.

Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit

Il lui faisait légèrement peur. Pourquoi s'inspectait-il comme ça sous la couverture ? Il cherchait son cerveau ? Elle lui jeta un regard perplexe, et il esquissa alors un sourire étrange... Elle ne préférait pas savoir ce qui se passait dans sa tête.

Elle se tordait les mains, mal à l'aise face à la brève intervention du Médicomage, mais Maxwell continua de la mettre au supplice lorsqu'il lui apprit qu'il savait qu'elle avait passé la nuit à l'hôpital. Satanée Pepper ! Elle était au courant de tout ! Remarquez, c'était plutôt bien vu qu'elle était journaliste. Mais bon, elle n'était pas obligée de TOUT savoir sur tout le monde ! Maxwell ajouta ensuite une phrase des plus étranges : il lui proposait d'aller se reposer dans SON manoir. Son manoir à lui ! Genre elle allait se promener dans son salon, manger dans sa cuisine, et peut-être même dormir dans son lit (lit qu'il avait dû partager avec ses soixante ex-femmes...). Cette perspective ne la réjouissait guère, surtout que ça faisait vraiment trop "couple" à son goût. Dans sa vie, elle s'était appliquée à ne jamais développer une relation amoureuse au-delà d'une nuit, deux si cela avait été sympa, trois si cela avait été génial. Parfois, elle allait jusqu'à une semaine, mais elle évitait ces trop longues périodes car les hommes avaient tendance à s'enflammer, à croire qu'elle était sous leur charme et qu'ils pouvaient lui demander de rencontrer ses parents. Elle évitait ce genre de confrontations dans la limite du possible. Bon, c'est vrai que Maxwell avait déjà rencontré ses pères, mais ce n'était pas de son fait. C'était un coup de malchance. Et cela ne voulait pas dire qu'ils avaient fait un pas en avant dans leur relation puisqu'ils ne vivaient AUCUNE sorte de relation !

"Non, je suis en pleine forme !" s'écria-t-elle d'un ton précipité. "Vraiment... j'ai la pêche ! Même la poire et la pomme..."

Mais qu'est-ce qu'elle était en train de raconter ??? O_o C'était dingue comme elle perdait ses mots et son sens de la rhétorique depuis quelques temps... Peut-être que Maxwell n'avait pas tort : elle avait besoin de sommeil. Depuis le début de la matinée, elle carburait au café pour se maintenir éveillée, mais cela n'avait rien de très concluant car elle s'était assoupie plusieurs fois. Elle avait même failli s'endormir pendant qu'elle transplanait. Elle ne préférait pas imaginer le résultat si jamais pareille chose arrivait...

Pour masquer ses traits tirés et ses cernes, elle s'était maquillée le contour des yeux de façon discrète, même si ses pupilles injectées de sang la faisaient ressembler à une psychopathe en cavale.

Elle fut sortie de ses pensées par l'arrivée d'une infirmière, armée d'une piqûre. Elle en fut heureuse, car cela lui donnait le temps de se ressaisir, mais elle sursauta en entendant Maxwell parler comme un dément. Surprise, elle le regarda renverser le vase par terre et le tenir d'un air menaçant au-dessus de sa tête, visant la pauvre infirmière qui ne savait plus que faire. Ondine resta parfaitement de marbre, se mordant les lèvres en frissonnant lorsque l'eau glacée du vase tomba sur ses sandales. Gelée des pieds à la tête, elle lança un regard meurtrier à Maxwell. Elle allait se le faire ! Oh oui, et pas de la façon que vous pensez tous !

Manquant de glisser sur le sol mouillée, elle rejoignit l'infirmière en deux enjambées et la congédia avec un sourire confiant après lui avoir pris la seringue des mains. Puis, elle se tourna vers Maxwell avec un grand sourire sadique.

"Vous auriez dû la laisser faire..." dit-elle d'une voix amusée. "Je ne suis pas réputée pour ma douceur. D'un côté, vous le savez déjà !"

Sans se laisser impressionner par le vase, elle s'approcha de l'homme, s'installa sur le côté du lit, et reprit en secouant légèrement la tête devant son air paniqué :

"Ne vous en faites pas, je sais faire les piqûres."

Elle se mordit quelque peu les lèvres pour s'empêcher de rire et ajouta devant son air déconfit :

"... j'étais pote avec une bande de junkies, pendant un court moment. Je les aidais à se piquer quand ils étaient trop défoncés pour trouver leurs veines eux-mêmes. On va voir si c'est comme le vélo, si ça s'oublie ou pas !"

Sans lui laisser le temps de réagir, elle tira brutalement la couverture, lui attrapa le bras énergiquement, libéra les bulles d'air contenues dans la seringue, et enfonça l'aiguille d'un coup sec dans le creux du coude.

"Et voilà ! C'est fini ! Des fois, je m'épate !"

C'est vrai quoi ! Elle savait tout faire ! Un vrai rêve cette fille...

Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit

L'infirmière lui avait fait une sacrée frayeur. Bah d'un côté, du moment que la piqûre était faite, peu importait l'endroit où elle avait piqué. Elle ressentit quand même une certaine anxiété, et adressa un petit sourire à Maxwell pour répondre à son regard noir. Heureusement, Pepper entra dans la chambre après le départ de l'infirmière, tenant un journal à la main. C'était la première fois que Ondine était contente de la voir. Elle venait de lui sauver la vie ! Du moins, de la sauver de la fureur de son patron ! Elle ne le craignait pas en tant qu'homme, même s'il savait se battre (elle aussi connaissait l'art du combat, la danse classique, ça aidait.), mais en tant qu'employeur. Qui sait ce qu'il aurait été capable de faire sous le coup de la fureur ? La renvoyer ? Alors qu'elle faisait le premier véritable travail intéressant de sa vie ! Non, c'était impensable !

Elle suivit leur échange, très intéressée. Il était question du Ministre de la Magie du Grand Nord qui démissionnait de ses fonctions pour devenir... Empereur ? C'était possible, ça ? Apparemment, oui. Et elle n'en était pas la première surprise. Maxwell et Pepper semblaient abasourdis tous les deux, mais en bons journalistes, ils réagirent de suite. Il fallait couvrir l'actu au plus vite. Ondine sentit des fourmillements d'excitation la parcourir toute entière. Elle aurait tellement voulu être de la partie ! Mais non, bien sûr, elle était trop inexpérimentée pour cela. Maxwell allait prendre Pepper avec lui. Le tour d'Ondine viendrait... Oh, comme ça allait être dur de ronger son frein en s'empêchant d'imaginer les pires scénarios à l'idée que son patron parte en "vacances" avec sa secrétaire. Qui sait ce qui pouvait se passer ? Non, décidément, elle ne pouvait pas accorder sa confiance en Pepper ! Elle restait une femme, et à moins qu'elle soit lesbienne, elle ne pourrait pas résister longtemps aux multiples charmes de son patron. Qui aurait pu y parvenir ?

Elle sursauta en s'apercevant que Maxwell lui parlait. Avec des mots. Des mots surprenants et incroyables qui faillirent la faire glisser de plus belle sur le sol mouillé tandis qu'elle se redressait d'un bond.

"Moi, monsieur ?" s'étonna-t-elle, retrouvant subitement un ton purement professionnel qui sonnait faux étant donné tout ce qui s'était passé entre eux.

Elle ignora le regard exaspéré de Pepper et reprit d'une voix plus posée :

"Je ne fais rien de particulier. Je suis totalement disponible !"

Sa dernière phrase était-elle à double sens ? Non, il valait mieux penser qu'elle était ce qu'elle voulait qu'elle soit, c'est-à-dire quelques mots banals pour prouver son dévouement pour... la Gazette du Sorcier.

Pourquoi avait-elle envie de sauter au cou de son patron, en cet instant ?

C'est juste parce que je suis super contente qu'il m'ait choisie.

Oui c'est ça, mon oeil. Aussitôt pensé, aussitôt fait : sous le regard surpris de Pepper, la jeune femme abandonna toute conduite décente. Elle ouvrit grand les bras et serra Maxwell dans une étreinte si fougueuse qu'il fut projeté contre ses oreillers duveteux.

Au creux de son oreille, elle murmura alors :

"A mon avis, on n'aura pas besoin de chauffage..."

Cette petite virée au Pôle Nord promettait d'être inoubliable. Attendez... Ils allaient bien au Pôle Nord ? Enfin au Grand Nord ! C'était pareil, de toutes façons. Il y aurait de la neige et des anoraks, et dieu sait combien Ondine appréciait les hommes couverts jusqu'au menton... C'était bien plus amusant à déshabiller...