La Gueule de Bois du Lundi Matin [FE]

Je t'embrasse pas, j'ai la gueule de bois, je vais te flanquer des échardes

Café... Pitié, café...!

Ces paroles d'agonie, si elles avaient été prononcées, auraient pu être dites par un insomniaque privé de sommeil depuis des mois, mais dans ce cas précis, il ne s'agissait que de Ondine, et elle avait juste besoin d'un bon remontant pour se regonfler à bloc. Elle n'avait pratiquement pas dormi ces trois dernières nuits. Le vendredi soir avait eu lieu l'expérience la plus humiliante de son existence : ses pères s'étaient trouvés dans le même restaurant qu'elle alors qu'elle avait rendez-vous avec son petit-ami... enfin son coup d'un soir... son... compagnon de nuit... Bref, le souci, c'est qu'il était également son patron. Elle avait donc passé le week-end à stresser pour la semaine à venir, à réfléchir à une solution efficace pour se sortir de ce pétrin. Elle avait noirci des pages entières, puis avait tout chiffonné pour ensuite le brûler avec un Incendio. Elle faisait ça quand elle voulait effacer une partie de son passé. Cette fois-là, elle avait carrément supprimé le dénommé Maxwell Weaving de sa vie. Il n'était plus qu'un tas de cendres dans sa corbeille à papier. Mais ce n'était pas pour autant une solution sur du long terme. Enfermée dans sa chambre, elle avait cherché un moyen de le sortir définitivement de sa vie TOUT en conservant son job.

Croyez-le ou non, elle ne trouva aucune solution. Coucher avec un collègue de travail, c'est facile, ça se passe tout le temps dans les séries télé Moldues (à croire qu'ils ne vont bosser que pour ça, remarquez, ça motive.). Quand on rompt, on est toujours gêné lorsqu'on se croise dans les couloirs, puis l'atmosphère se fait plus lègère, et le collègue/coup d'un soir devient souvent le meilleur ami de l'héroïne. Par contre, coucher avec son supérieur, c'est légèrement plus délicat. Premièrement, si vous décidez de rompre, il y a une chance sur deux qu'il vous vire (bien entendu, dans le cas où c'est un salaud, ce qui est facilement identifiable dans ce cas). Deuxièmement, s'il est vraiment ignoble, il peut vous faire une telle réputation que plus personne d'autre ne vous engagera dans la même branche. Cette hypothèse n'était absolument pas envisageable pour Ondine. Elle kiffait son job. Plus que ça, elle l'adorait. Bon, cela ne faisait qu'une journée qu'elle avait travaillé mais elle savait qu'elle était faite pour ça.

Finalement, elle avait opté pour la technique de l'esquive : elle ne rompait pas, mais elle ne l'autoriserait plus à l'approcher à moins de un mètre et s'arrangerait pour qu'ils ne soient plus jamais seuls tous les deux. De cette manière, son patron ne pourrait plus rien tenté de faire et elle, de son côté, ne serait plus tentée d'une quelconque façon...

Tout un week end pour trouver cette solution évidente ! Elle était passée pro dans la technique de l'esquive, ses ex pouvaient témoigner !

Lorsqu'elle sortit de l'ascenceur, elle bifurqua directement à droite, salua rapidement Brenda et attrapa le thermos de café pour s'en servir une tasse. Elle la but cul sec en se brûlant la bouche, puis l'oesophage, et crut alors mourir. Elle avait tout prévu, absolument tout prévu, hormis la triste fatalité : tous les journalistes emmenaient leurs articles à Maxwell, dès leur arrivée le matin, et Ondine venait de se rendre compte qu'elle devrait en passer par là, elle aussi. Serrant son article tout contre elle, elle fixa la porte de son patron avec une angoisse non dissimulée, et Brenda dut croire qu'elle était portophobe car elle prit la peine de l'ouvrir pour elle. Trop sympa Brenda, vraiment...

Déglutissant avec peine, priant pour qu'il y ait quelqu'un d'autre avec Maxwell lorsqu'elle entrerait, elle s'avança et pénétra dans l'atmosphère débordante de testostérone du bureau. Son supérieur était assis à sa table, penché sur un article, et oh misère, il était seul !

Ondine appliqua aussi la tactique de Sonic : elle se mit en mode supervitesse, se précipita vers la table, balança son article et fit volte-face pour sortir. Bien sûr, il fallut qu'elle se prenne les pieds dans un porte-manteau et qu'elle s'étale de tout son long sur la moquette qui -étrangement- sentait l'after-shave de Maxwell. La jeune femme se sentit fondre aussitôt comme glace au soleil.

"Bonchour Monchieur Max... euh... Monchieur Weaving." dit-elle d'une voix étouffée, la bouche collée contre la moquette.

Vu dans quel état elle s'affichait, autant ne pas bouger davantage.

J'ai une gueule de bois qui intéresserait un sculpteur

Pour se donner du courage face au lundi matin, Ondine avait enfilé un short en jean avant de partir, avec une chemise à carreaux et un débardeur. De cette façon, elle était certaine de ne pas paraître trop sexy tout en restant féminine. Elle avait bien calculé son coup : comme elle ne verrait Maxwell que pour lui remettre son article, et qu'il serait logiquement assis à son bureau, il ne verrait que le haut de son corps, et pas ses jambes nues. Ce n'était absolument pas pour lui qu'elle s'était vêtue de la sorte. Hélas, son plan tomba à l'eau lorsqu'elle chuta sur le sol. A présent, étendue de tout son long, son patron pouvait regarder ses jambes tout à loisir. La poisse ! Toute courbaturée, elle mit plusieurs secondes à réagir à ses paroles, surtout qu'elle ne semblait pas être concernée.

"Logan Davenpoort, joueur de Quidditch... Interview rapide... Il a une nouvelle petite amie... Techniques de bases... Match à venir avec l'équipe de Russie... Présence du Chancelier d'Hylawen... Interview de la petite amie... D'accord ! Première page ! Allez voir Brenda mon ami, et demandez lui de changer la première page. Ca doit partir de suite. Ne perdez pas de temps ou vous êtes viré !"

Attendez une minute... mais c'était ELLE qui avait interviewé ce Logan Davenport ! Maxwell venait-il vraiment de lui offrir la première page ? Perplexe, elle se renversa sur le dos, se redressant sur les coudes pour lui jeter un regard agréablement surpris. Elle le vit se lever et l'observer par-dessus sa table de bureau, apparemment aussi étonné qu'elle. Okay... il avait cru avoir à faire à quelqu'un d'autre, mais maintenant qu'il savait que l'article avait été rédigé par ses soins, il allait s'empresser de la recaler... Ondine sentit la déception piquer et dégonfler le ballon d'allégresse qui s'était gonflé dans sa poitrine, et afficha une moue boudeuse tout en se relevant. Elle épousseta son short en jean, même si c'était parfaitement inutile vu que la moquette était flambant neuve, et évita soigneusement Maxwell du regard, fixant déjà la porte pour s'en aller. Elle n'était même pas suffisamment en colère pour s'énerver sur le "Amandine". Aucun doute : il avait cassé quelque chose en elle. Son père avait raison, elle n'avait rien gagné du tout à passer une nuit avec son patron.

Elle redressa brusquement la tête en entendant la suite de ses paroles. Il la gardait en première page ! Comment était-ce possible ? On avait ensorcelé son café du matin ? Abasourdie, la jeune femme se tourna vers lui et afficha un demi sourire ravi.

"C'est pour de vrai ?" demanda-t-elle sur le ton d'un enfant qui n'est pas sûr d'obtenir le jouet qu'il souhaite.

Puis, elle se racla la gorge et reprit d'un ton plus professionnel, les mains dans les poches de son short :

"Hum. Je savais que j'avais du potentiel. Je vous avais dit que vous ne seriez pas déçu."

Devant l'ambiguïté de ses paroles, les joues d'Ondine se colorèrent quelque peu. Un petit silence s'installa, et pour le briser, elle décida de jouer cartes sur table. Une question la taraudait, l'obsédait. Elle sortit les mains de ses poches et les plaqua sur la table du bureau qui couina, surprise par cette violence inattendue. Là, elle fixa Maxwell assis en face d'elle, resta quelques secondes muette, puis demanda sans détour :

"Est-ce que vous mettez mon article en première page parce que...?"

Elle se tut brusquement en entendant les talons de Brenda approcher. Ondine prit une pose des plus normales : elle se mit à observer ses ongles avant tant d'attention qu'elle risquait d'attraper une conjonctivite. Elle observa Brenda du coin de l'oeil prendre l'article, et mettre tant de temps qu'elle la soupçonna de vouloir écouter leur conversation. Sacrée Brenda... Toujours à l'affût du moindre ragot. Heureusement, personne ne savait pour Ondine et Maxwell. La jeune femme porta un doigt à sa bouche et se mit à ronger son ongle, nerveuse. Personne ne savait, si ?

Enfin, Brenda pivota sur ses talons et sortit de la pièce. Ondine savait que le moment de déballer ce qu'elle avait sur le coeur était fini, mais étant de nature têtue, elle poursuivit sur sa lancée :

"Est-ce que vous mettez mon article en première page parce que vous espérez autre chose de ma part sur le plan privé ? Je veux que les choses soient bien claires : ça s'est passé une seule et unique fois sous le coup de l'euphorie, et ça ne se reproduira JAMAIS. Désolé si ça vous attriste mais je pense que vous vous en remettrez, si tous les entretiens d'embauche se passent de cette manière."

Elle leva les yeux au ciel d'un air pincé, puis posa de nouveau les yeux sur lui.

"Je veux être récompensée selon la qualité de mon travail et non pour mes autres... prestations. Vous comprenez, ça n'est pas équitable pour les autres... Je pense surtout à mes collègues masculins qui ne peuvent pas en passer par là pour avoir des avancements. Enfin, sauf si vous êtes bi et que ça ne vous dérange pas, mais..."

Qu'est-ce qui lui prenait ? Bon sang, le début était parfait, et voilà qu'elle compliquait tout ! Elle n'était pas en train de sous-entendre que tous les employés de la Gazette étaient passés par le lit de Maxwell ? Même si la chose était peut-être vrai, ce n'était pas un truc à dire ! Surtout au principal intéressé ! Il risquait de se méprendre et de la virer sur un coup de tête !

Ondine se mordit les lèvres, mais trop tard, hélas.

J'ai une gueule de bois qui intéresserait un sculpteur

Oh non, ça y est. Il va me virer. Prépare-toi Ondine, c'est parti. Tu ne peux pas revenir en arrière. Il va falloir assumer tes erreurs et partir la tête haute. Après tout, c'est pas si grave d'être virée de la Gazette du Sorcier. Ce n'est QUE le journal le plus lu en Grande-Bretagne dans le monde de la magie !

Ondine se rongeait tellement l'ongle qu'elle allait en arriver à l'os. Elle sentait la peau s'arracher, un goût métallique lui emplir la bouche... Non mais ressaisis-toi ! Tu veux devenir Hannibal ou quoi ? Elle se reprit comme elle put, se mettant pratiquement au garde-à-vous alors que Maxwell se levait et contournait le bureau pour se mettre face à elle. Il se mit à la fixer, et la jeune femme resta de marbre, haussant les sourcils avec un air de chien battu, comme si ça pouvait la sauver... Il eut un rictus. ça sentait pas bon... Quelqu'un avait fait explosé une canalisation ou quoi ? Euh non, revenons à nos moutons.

Ondine se tint droite et attendit le verdict, comme devant un peloton d'exécution. Les paroles de l'homme manquèrent de lui faire une crise cardiaque, juste avant qu'elle le dévisage, les yeux écarquillés. Quoi ? Pas de renvoi ? Elle n'allait pas devoir sortir sa baguette pour sortir la porte de ses gonds et la prendre avec elle, pour illustrer l'expression Moldue "prendre la porte" ? Bon, elle devenait un peu lourde, il était temps qu'elle sorte de ses pensées et qu'elle dise quelque chose de cohérent. Même si pour le coup, Maxwell l'avait totalement déstabilisée. De tout ce qu'elle avait dit, il n'avait retenu que le plus insignifiant ! Et le plus gênant aussi. Ses joues reprirent une jolie couleur cramoisie alors qu'elle tentait de répliquer quelque chose d'intelligent, la dernière phrase de l'homme résonnant étrangement dans son esprit :

"Tu sais ma belle ? C'était pas qu'une histoire d'un soir..."

"Euh... ah oui ?" balbutia-t-elle d'une toute petite voix.

Que voulait-il dire par là ? Eprouvait-il quelque chose de plus profond pour elle ? Le pauvre, elle le plaignait sérieusement si c'était le cas ! Elle n'avait jamais réussi à construire une relation amoureuse avec quelqu'un, et les plus hardis avaient fini par lui tourner le dos, découragés. Ondine redressa fièrement les épaules, se sentant soudainement investie par une sorte de pouvoir sur lui. S'il ressentait quelque chose pour elle, elle était supérieure. Un petit sourire espiègle se dessina sur les lèvres de la jeune femme, et elle écouta la suite de ses propos avec une attention accrue, l'enveloppant d'un regard enjôleur. Si elle avait toutes les cartes en mains, elle pouvait arrêter le jeu quand elle le souhaitait, et ce serait lui qui perdrait. Dans ce cas, pourquoi ne pas en profiter ?

Bon, la proposition qu'il lui faisait avait pas mal d'avantages, sans compter la journée de repos, et même si c'était honteux par rapport à ses autres collègues qui n'en bénéficieraient pas, Ondine se laissa griser par ce sentiment de toute puissance. Elle était l'objet de ses désirs, il était à ses pieds. C'était exquis.

"J'accepte, mais seulement si c'est moi qui amène le champagne... et le miel." dit-elle d'un air mutin.

Et hop, voilà qu'il prévenait Brenda. Cette fois-ci, elle allait être au courant et en informerait tout le quartier général de la Gazette. Peut-être même les branches à l'étranger. Tant pis, maintenant que Ondine savait ce qu'il en était, elle n'avait rien contre le fait d'être montrée du doigt. Aucun danger pour elle. Elle évalua Maxwell du regard tout en se demandant ce qui pouvait bien lui trouver de si spécial. Qu'importe, il l'avait choisie, et elle avait bien l'intention d'en profiter un peu. Avec délice, elle vit son regard descendre et s'éterniser sur ses jambes. Elle voulut répondre à sa petite pique mais quelqu'un d'autre s'en chargea à sa place. Ondine, qui s'était admirablement détendue depuis quelques minutes, se figea. Une voix féminine. Une voix pincée. Une voix pleine de rage étouffée. OH MY GOD.

Avant même de se retourner, elle savait qu'elle ferait face à la femme du patron. Là, c'était la cata.

"Enchantée, je m'appelle Ondine Akeller !" fit-elle d'un ton outrancièrement joyeux tout en tendant la main à la femme de Maxwell.

Celle-ci passa à côté d'elle sans la remarquer, magnifique dans son tailleur noir et ses ongles manucurés. Elle tenait étroitement la lanière de son sac dans sa main, et Ondine remarqua que les jointures de ses doigts bleuissaient à vue d'oeil. Elle se retenait de faire un esclandre. La jeune femme se sentit subitement envahie par une vague de culpabilité.

"Je sais qui vous êtes." dit soudain la femme de Maxwell en lui lançant un regard à la fois courroucé et lassé. "Vous vous ressemblez toutes."

Puis, se tournant vers son mari, elle déclara sur le ton de la conversation :

"Chéri, te souviens-tu du gala auquel nous devons assister ce soir ? Tu auras bien le temps pour tes autres... sauteries."

Le sous-entendu était tellement lourd que Ondine chancela, chercha une chaise à tâtons, mais n'en trouvant pas, elle se mit à reculer lentement mais sûrement vers la porte.

"Je vais... je vous laisse... hein..."

Comme un chaton, je suis tout mignon ♥

Cette situation était humiliante au possible. Ondine était en train de tenir la chandelle alors que son patron et sa femme papotaient joyeusement comme un vieux couple... Ce qu'ils étaient, en fait. La jeune femme prit subitement conscience d'une chose : sortir avec un homme marié, ce n'est pas cool quand la théorie rejoint la pratique. Avant, Ondine imaginait juste qu'il était vaguement marié, elle se faisait des films dans lesquels elle les voyait s'engueuler, se jeter des lampes à la figure, histoire de ne pas trop culpabiliser de piquer un mari à une épouse. Et puis dans son cas, puisqu'elle ne l'aimait pas, ce n'était même pas une usurpation, c'était plutôt un emprunt. Elle se servait de Maxwell et elle le rendait à sa femme ensuite, avec un parfum légèrement différent imprégné sur ses chemises. Ce n'était donc pas si grave. Mais maintenant que la réalité lui sautait aux yeux, il était plus qu'évident que Maxwell trompait une femme fabuleuse en plus d'être sublime, et pire que tout, ils s'entendaient furieusement bien.

Ondine jeta un coup d'oeil à la fenêtre avec l'irrésistible envie de se jeter au travers. Qui se soucierait d'elle ? Pas son patron en tous cas, puisqu'il était absorbé dans une conversation avec sa femme qui lui nouait une cravate autour du cou. Le parfait tableau du petit couple modèle.

Amenez-moi un sac, je vais vomir.

Comme à son habitude, Ondine essaya de relativiser la situation. Même si Maxwell donnait l'apparence d'un mari bien entretenu par sa femme, ce n'était pas celle-ci qu'il aimait. Son coeur brûlait pour une autre, et c'était là la seule supériorité susceptible de réjouir la jeune femme. Youpi... Il ressent un truc pour moi. Jai vraiment trop de chance...

Elle leur jeta un regard noir tout en se dirigeant toujours à reculons, ne pouvant supporter une minute de plus cette scène écoeurante, quand Maxwell l'interpella soudain. Elle resta perplexe devant sa proposition. Il n'avait pas jugé utile d'annuler ses plans avec elle, et les exposait ouvertement devant sa femme ! Mais il était dingue ou manquait-il totalement de tact ? Au moins, il était sincère avec elle... C'était important dans un mariage... Non mais pourquoi s'attardait-elle sur ça ? Maxwell n'était qu'un égoïste manipulateur, et fier de l'être, en plus ! Elle se retint de se précipiter sur lui pour lui cracher au visage. Entretemps, bien sûr, sa femme avait jugé utile de répondre quelque chose qui imposa une vision de cauchemar à Ondine. Super... Elle avait toujours rêvé de visualiser son patron et sa femme en pleine action dans les toilettes d'un hôtel.

"J'AI - BESOIN - D'ALLER- PRENDRE - L'AIR." dit-elle d'un ton cassant en détachant bien chaque syllabe.

Après un regard navré en direction de la femme de Maxwell, Ondine pivota sur ses talons et fit les quelques mètres qui la séparaient de la porte en trois enjambées athlétiques. Comme quoi, la danse classique qu'elle avait fait pendant son enfance servait à quelque chose, finalement. Elle n'avait pas accordé un seul regard à son patron, signifiant par ce biais que toute tentative de sa part ne serait plus tolérée.

Une fois dans le couloir, elle ignora ouvertement Brenda qui leva la tête vers elle et courut comme une furie se réfugier dans la salle de la photocopieuse magique. Heureusement, elle était vide. Ondine s'adossa contre la machine qui émettait de petits hoquets bienheureux, et enfouit la tête dans ses mains avec un soupir.

Comment avait-elle pu croire que passer du bon temps avec un homme marié serait sans conséquence ? Il fallait toujours qu'elle fasse n'importe quoi, et elle parvenait si bien à se convaincre qu'elle n'en souffrirait jamais ! A présent, elle se sentait sale. Souillée. Mais elle n'allait pas pleurer pour si peu. Non, elle avait connu bien pire que ça.

Passant une main dans ses cheveux d'or, elle garda la tête baissée, et ne la releva pas lorsqu'elle entendit la porte grincer. Reconnaissant les chaussures de Maxwell, elle s'écria, ne parvenant plus à modérer sa colère :

"Sortez d'ici tout de suite ! C'est occupé !"

Il était très mal avisé de parler ainsi à son patron, mais elle n'en pouvait déjà plus de ce job. Certes, elle avait du potentiel dans le journalisme, mais ça faisait à peine deux jours qu'elle travaillait et c'était déjà l'enfer.

"Allez voir votre femme !" reprit-elle d'un ton exaspéré tout en faisant un geste las de la main. "Je suis sûre que vous avez encore pleins d'anecdotes à vous raconter sur votre vie passionnante..."

Non mais qu'est-ce qu'il faisait ? Il venait de lui prendre la main. Ondine releva brusquement la tête, plantant son regard dans le sien. Il ne voulait pas quand même pas qu'ils le fassent sur la photocopieuse ? Pendant qu'il y était, il ne voulait pas non plus appeler sa femme pour qu'elle vienne regarder ? Mais c'était un malade !

"Lâchez-moi !" couina-t-elle, se tordant le poignet pour qu'il lui fiche la paix.

La photocopieuse magique derrière elle lâcha une exclamation ravie.

Comme un chaton, je suis tout mignon

Malgré ses gesticulations, Maxwell parvint à la faire sortir de force de la salle de la photocopieuse. Il était complètement cinglé ou quoi ? Bien sûr qu'elle tenait à la vie, mais pourquoi pensait-il qu'un appareil puisse lui faire du mal ? Elle n'avait pas l'intention de se coincer la main ou la tête dans la photocopieuse ! Il la prenait pour une neuneu ou quoi ?

Lorsqu'ils furent dans le couloir, elle le vit s'adosser contre la porte en soupirant comme s'il venait de gravir une montagne. Niveau endurance, on avait vu mieux... Elle profita de son bref manque d'inattention pour le rouer de coups, sous le regard perplexe de Brenda qui hésitait à prévenir la sécurité : elle savait que le grand patron s'attirait l'inimitié de beaucoup de monde mais que ça l'amusait, la plupart du temps.

"Espèce de malade !" s'écria Ondine, en le tapant de ses petits poings costauds. "Vous vous prenez pour qui ? Je fais ce que je veux où je veux ! Si je me fais agresser par une photocopieuse, c'est mon droit !"

Elle le vit lever les bras pour se protéger de ses attaques, et la jeune femme en profita pour lui donner un grand coup dans le ventre. Elle était sympa, elle aurait pu frapper beaucoup plus bas.

Elle jeta un vague coup d'oeil vers l'ascenceur lorsqu'il parla de sa femme, et ne put s'empêcher de ressentir un poids partir de ses épaules. Bon débarras. Désormais, elle n'avait plus qu'un seul problème à régler, mais elle n'allait certainement pas le faire en plein milieu d'un couloir, avec Brenda qui devait sûrement prendre des notes dans son dos.

Agissant à l'instinct, elle attrapa la Maxwell par la manche et le tira énergiquement dans son sillage. En un rapide regard, elle repéra une porte à sa gauche. Ignorant superbement Brenda, elle passa devant elle et entra dans ce qui lui sembla être un réduit ou un placard. Super, ça allait jaser si on l'avait vue entrer là-dedans avec le grand patron. Une fois à l'intérieur, elle tira Maxwell vers elle puis le poussa pratiquement contre le mur du fond, sans s'attarder sur le fait qu'il s'était peut-être écrasé le nez contre la paroi. De toutes façons, il était déjà bien amoché par nature, même si ça lui donnait un air furieusement sexy.

Elle profita d'avoir les mains libres pour verrouiller la porte, et se colla contre, les bras croisés, histoire d'être sûre que sa proie de s'en irait pas. Puis soudain, alors qu'elle le regardait, à seulement un mètre d'elle (le placard était vraiment petit), elle se rendit compte qu'elle ne savait pas quoi lui dire. Elle voulait mettre les pendules à l'heure, mais par rapport à quoi ? Elle n'avait rien appris qu'elle ne sache déjà ! De ce fait, comment jouer la femme blessée ? Elle n'avait pas à lui faire une scène, il avait été plus ou moins honnête dès le départ. Pourtant, quelque chose lui restait en travers de la gorge.

"Vous êtes marié." dit-elle finalement d'un ton froid.

ça, c'était un scoop. En tant que journaliste, elle aurait vraiment pu faire mieux !

"Je n'avais pas envie de voir votre femme. Et surtout, je n'avais vraiment pas besoin de constater que vous vous entendez comme larrons en foire ! ça me donne l'impression de n'avoir aucune... utilité !"

Le ton de sa voix s'était amplifié, à la fois frustrée et pleins de reproches.

"Je sais que je ne suis qu'une espèce de... roue de secours. Ou peut-être une bouée de sauvetage... qui vous fait respirer avant de vous noyer de nouveau dans le quotidien de votre couple, mais je ne peux plus jouer ce rôle maintenant que je l'ai vue ! Avant, je pouvais imaginer qu'elle était difforme, ou qu'elle était un transsexuel -d'où le fait que vous alliez voir ailleurs- mais là, je sais que c'est un être humain. Je ne peux pas lui faire ça, parce que... si j'étais à sa place, je n'aimerais pas qu'on me traite comme ça."

Ondine se tut, en proie à la culpabilité. C'était peut-être la première fois de sa vie qu'elle confiait une chose aussi personnelle à quelqu'un d'autre. De toutes façons, il n'y avait aucun danger : Maxwell était tellement égoïste qu'il ne l'avait sûrement même pas écoutée.

Elle plongea son regard dans le sien, cherchant à voir si sa prise de conscience avait provoqué un changement chez lui, et fut surprise de constater qu'elle n'avait qu'une envie en cet instant : l'embrasser. Elle le faisait exprès de se contredire ou quoi ? C'était la triste fatalité : Ondine ne serait jamais quelqu'un de bien, malgré tous les efforts qu'elle pourrait faire.

Toc toc toc. Mais qui est là ? Le loup qui te mangera

Ondine ne comprenait plus rien. Mais vraiment plus rien. C'était comme si elle venait de louper un épisode de sa série préférée. Déjà d'une, elle s'était retrouvée tout contre Maxwell, les mains plaquées sur le mur, de chaque côté de la tête de son patron. Quelqu'un avait-il pris possession de son corps ? Elle ne se souvenait pas de s'être approchée de la sorte ! ça y est, elle était en train de disjoncter. C'est ce qui arrivait lorsqu'elle ne maîtrisait plus rien : elle pétait un câble, laissait agir ses pulsions, et ce n'était vraiment, vraiment pas une bonne chose, étant donné ce qu'elle avait envie de faire en cet instant.

Heureusement, ce fut Maxwell qui la sauva d'une nouvelle situation scandaleuse. Il lui prit les poignets et les éloigna de lui pour ensuite déboutonner sa chemise... La jeune femme resta bouche bée face à cette réaction étonnante, mais comprit rapidement qu'il avait simplement trop chaud. C'est vrai qu'il régnait une chaleur accablante dans ce réduit ! C'était un sauna ou quoi ? Elle porta une main à sa propre chemise déjà ouverte, puis à son débardeur qu'elle ne pouvait pas enlever, et secoua négligemment la tête tandis qu'elle écoutait son patron parler. Sa femme était actionnaire de la gazette ? Et comment était-elle censée le savoir ? Hum, finalement, elle retirait tout ce qu'elle avait dit sur lui : il n'était PAS du tout un honnête homme. Un gentleman aurait tout dit sans détour, et pas seulement la moitié en restant évasif sur le reste... D'un autre côté, elle aurait dû se douter qu'il n'était pas ce qu'elle pensait qu'il était (O_o), car un gentleman n'aurait jamais fait tout ce qu'il avait fait jusqu'à présent. Beaucoup de mensonges et pas beaucoup de bon temps. Le bilan était mauvais. Ondine songeait déjà à le lourder vite fait jusqu'à ce qu'il dise quelque chose qui alarma ses sens :

"Où est le problème dans le fait que je m'entende bien avec ma femme ? Ca doit obligatoirement mal se passer dans un divorce ? C'est pas parce qu'elle me fait mon noeud de cravatte que tu es d'aucune utilité. Si tu veux, tu peux me le faire toi même, du moment que quelqu'un me le fasse. Je n'arrive pas à les faire. C'est pas une honte non plus. Beaucoup d'hommes ne font pas leur noeuds de cravatte. D'ailleurs, je trouve ça plutôt sexy une femme qui fait le noeud de cravatte de son homme. Il ne manquerait plus que ça, qu'on nous retire ça aussi !"

"Alors là, j'en reviens pas... En plus, vous êtes empotés ! Vous avez quoi, cinquante balais ? Et vous n'êtes pas fichus de nouer votre propre cravate ! Désolée, on n'est plus dans les années trente, les femmes savent faire autre chose que les corvées ! Si jamais vous me demandez de nouer votre cravate, je vous étrangle avec !"

Etait-ce une menace ? Envers son patron ? Ondine avait le chic pour dépasser les bornes, surtout qu'il venait de lui dire à peine cinq minutes plus tôt qu'il appréciait modérément qu'elle le traite ainsi... Mais il la cherchait, aussi ! Ce n'était pas parce qu'il était son supérieur qu'il pouvait se croire tout permis ! D'ailleurs, dans un domaine bien spécifique, c'était bel et bien elle qui faisait la majorité du "boulot", et Monsieur était rarement en haut ! Bref... elle sentait qu'elle s'égarait. Mieux valait ne pas déballer son ressenti sur cette dernière chose, ça ne mettrait que plus d'alcool sur un feu déjà bien embrasé.

"Il y a quelque chose qui m'échappe. Enfin quelque chose d'autre de ce qui m'échappait avant... Tu es une roue de secours ? Enfin, tu te vois comme une roue de secours ? C'est quoi une roue de secours ? Enfin je vois très bien ce que c'est, mais dans le cas d'une femme, c'est celle qui fait le ménage quand la bonne ne peut pas venir ? C'est celle qui est là quand sa femme a ses règles ? C'est quoi ? Parce que je suis en instance de divorce ! Je suis LIBRE ! Ce qui signifie que tu ne remplaces pas quelqu'un. Donc, tu n'es pas une roue de secours !"

Là, elle ne savait plus que penser. Elle l'observa, indécise, se demandant s'il venait de lui faire une déclaration. ça y ressemblait de loin, de très loin, et elle savait de quoi elle parlait, car elle avait fait tourner la tête de quelques gentils garçons qui avaient avoué leur amour d'un ton enflammé. Elle s'était dépêchée de les éconduire, ou de leur rire au nez, tout dépendait de son humeur, mais comme d'habitude avec Maxwell, elle ne savait comment réagir. Il ne s'y prenait jamais comme les autres, si bien qu'elle restait muette la plupart du temps, avant d'éclater comme un volcan en éruption. Pour le coup, la crise de nerfs ne vint pas, car elle se demandait ce qu'il sous-entendait. Voulait-il qu'ils soient un couple ? C'était ce qu'il voulait dire par "je suis libre" ? Cela la travaillait bien plus qu'elle n'aurait osé le dire...

"Tu sais quoi ? Tu m'énerves. Toujours en train de rouspéter, de te saouler, de choisir tes pères au lieu de moi... On croirait un vieu couple. On est encore jeune, il faut profiter de notre jeunesse sans avoir autant d'obstacles entre. C'est pas croyable ! Et puis merde !"

Et puis quoi encore ? C'était normal qu'elle choisisse ses pères ! Ils étaient plus importants à ses yeux qu'un vague patron avec qui elle avait couché une malheureuse fois dans sa vie ! Ne pouvant s'empêcher de faire un peu de sarcasme, elle déclara d'un ton dédaigneux :

"Rectification : MOI je suis jeune, vous vous êtes... Eeeeh !"

Elle n'eut pas le temps de finir sa réplique qu'elle sentit ses pieds quitter le sol pendant une brève seconde. Le contact assez brutal du mur contre son dos lui arracha une grimace, mais elle n'eut pas vraiment le loisir de ressentir la douleur car Maxwell s'empara de ses lèvres. Ses mains enserrèrent ses poignets, l'empêchant de se dérober, quoi qu'elle n'en ait pas particulièrement envie... et elle quitta le sol une deuxième fois, perchée sur ce qui semblait être une photocopieuse, mais elle ne s'attarda pas sur le sujet. Maxwell l'embrassait toujours fiévreusement, et elle y répondait avec ardeur. Soudain, elle dégagea brusquement ses mains pour les placer autour de son cou et l'attirer tout contre elle. Elle entendit un bruit sourd, comme s'il s'était cogné à quelque chose, mais elle ne s'en soucia pas, profitant de son égarement pour passer ses jambes autour de sa taille. Elle s'attaqua alors au déboutonnage de sa chemise. Cinq secondes chrono et hop! elle était par terre. Ondine était passée pro dans l'art du déshabillage. O_o

A présent qu'il était torse nu devant elle, elle se laissa totalement aller dans un délire pas possible. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça lui faisait un drôle d'effet. Prenant de l'élan sur la photocopieuse, elle sauta sur l'homme, les jambes toujours serrées autour de sa taille, et ils tombèrent tous deux, Maxwell se recevant sur le dos. Dieu bénisse la moquette, ça fait moins mal que le carrelage. Ondine se retrouva ainsi à califourchon sur lui, et entreprit alors de l'embrasser méthodiquement un peu partout. O_o

C'est alors qu'elle entendit quelqu'un frapper à la porte d'un air hésitant, puis la voix de Brenda se fit entendre :

"Monsieur ? Le ministre a envoyé un hibou. Il souhaite savoir quand aura lieu l'interview. Que dois-je lui répondre ?"

"Merde." murmura Ondine qui venait de s'attaquer à l'ouverture du pantalon.

La guerre des blondes aura bien lieu

Non mais là, on était dans la quatrième dimension ! Déjà, Brenda se permettait dans les casser en plein élan, mais voilà que Maxwell ouvrait la porte et s'exposait à moitié nu dans le couloir le plus emprunté de la tour de la Gazette du Sorcier ! Trop éberluée pour réagir, Ondine resta par terre. En plus, son patron était carrément douillet, car il prétendait qu'elle lui avait cassé le dos ! Ou alors, il était vraiment trop vieux pour ce genre d'exercices... Hélas, la jeune femme ne fut pas au bout de ses surprises car un rire percuta bientôt ses oreilles, vite accompagné d'une jeune femme élégante dans un tailleur cintrée. L'inconnue, qui semblait très bien connaître Maxwell, se pencha pour prendre la chemise et entreprit de lui mettre sur le dos avant de la boutonner. Kêsakô ?? Non mais vas-y, c'est pas une poupée Barbie !

Le souffle coupé, Ondine fixa cette donzelle aux longues jambes qui lui piquait ouvertement son mec devant ses yeux. Bon, ce n'était pas son mec à proprement parlé, mais tout de même, ça ne se faisait pas ! Profondément indignée, elle se releva et remarqua bien vite qu'une fois encore, Maxwell l'avait totalement oubliée. Eh mon coco, ça se soigne un Alzheimer ! Il semblait que dès qu'une femme plus ou moins bien conservée se profilait à l'horizon, il perdait le nord, le sud, et tous les autres points cardinaux. C'était fâcheux. Dur de captiver son attention. Surtout qu'Ondine ne demandait pas grand-chose : l'avoir tout à elle pendant quelques heures et ensuite elle... non, elle ne le laissait pas à n'importe qui, mais elle... non, finalement, elle ne le laisserait pas en pâture à une blonde, une brune, ou même une rousse ! Pour l'instant, c'était SON Maxwell, on ne touchait pas, na !

Elle tressaillit lorsqu'elle vit la femme tapoter le bout du nez de son patron, et celui-ci répliquer que "ça lui faisait plaisir de la revoir". Ainsi, ils se connaissaient déjà. De toutes façons, leur complicité était tellement grande que c'était l'évidence même. Ondine se surprit à serrer les poings dans les poches de son petit short en jean.

'Spèce de pétasse... songea-t-elle, la rage au ventre.

Et ça parlotte, et ça parlotte... Ondine en avait assez de tenir la chandelle. Elle avait rencontré la femme de Maxwell, et maintenant cette... fille ! C'était qui d'abord ? Pourquoi se tapait-elle l'incruste à ce point ? S'était-elle tapée autre chose ? Profitant que les deux complices soient très absorbés dans leur conversation, la jeune femme plissa les yeux, cherchant à savoir quel lien les unissait, en vain. Une autre de ses femmes avec qui il avait gardé le contact ? Non, ils avaient l'air de trop bien s'entendre... Une future conquête ? Il n'en était PAS question. On ne touche pas à ce qui lui appartient.

"On devrait retourner dans mon bureau, c'est plus sûr. En dehors du bureau lui même, il y a rien de dangereux là bas."

Mais bien sûr ! Et il ne voulait pas qu'il mange un cake tous ensemble pendant qu'il y était ? Est-ce qu'il se souvenait qu'à peine cinq minutes plus tôt, ils étaient si proches l'un de l'autre que cette subite situation était des plus frustrantes ? Est-ce qu'il pouvait seulement ressentir quelque chose dans son minuscule coeur de rédacteur en chef sans cervelle ? Outrée, Ondine fit un pas pour sortir, mais il la devança sans attendre de réponse à sa question. Du coup, la jeune femme resta en équilibre sur un pied, ne sachant plus quelle conduite adopter. Comment lui montrer son mécontentement s'il n'était plus là ? Puis, s'apercevant que la dénommée Pepper était toujours dans le réduit, elle se décida à sortir... mais sans succès car l'autre blonde plaqua une main sur la porte pour la fermer. Le regard qu'elle lui lança -un mélange de suspicion et d'exaspération- termina d'aiguiser son agacement.

"Alors, vous êtes quoi pour lui, hum ?"

Ondine était rarement aussi incisive, hormis lorsqu'elle posait des questions pour ses interviews, mais là, elle en avait vraiment marre. Quand est-ce que ce défilé de femmes allait-il cesser ?

"Je suis la secrétaire de Monsieur Weaving." répondit Pepper avec une telle classe que Ondine eut envie de vomir.

La jeune femme eut un rictus méprisant.

"Non la secrétaire, c'est Brenda. Je ne suis peut-être pas là depuis longtemps, mais Brenda est incontournable !"

"C'est une intérimaire. Elle m'a remplacée le temps que..."

"C'est con, je l'aimais bien."

Silence. Ondine l'avait coupé sans vergogne, car ça ne l'intéressait pas de savoir ce que Pepper faisait de ses vacances ou de sa vie. Si elle avait pu la vivre loin, très loin, ça l'aurait arrangée.

"Il faudra vous contenter de ma présence." répondit Pepper d'un ton pondéré, très professionnel. "Je ne me mettrai pas entre vous et Monsieur Weaving, si c'est cela qui vous préoccupe. Je ne mélange pas travail et vie privée."

Est-ce que c'est un reproche ? Ondine n'aurait su le dire, Pepper avait la manie d'être toujours parfaitement impassible. ça l'a rendait extrêmement énervante. Etait-elle fiable ou avait-elle un don prononcé pour le mensonge ? Par nature, Ondine n'accordait sa confiance à personne. Elle resterait donc sur ses gardes tant que l'autre blonde respirerait dans le même périmètre. Pepper dut se rendre compte de sa méfiance car elle eut un petit rire, et entrebâillant la porte, elle reprit :

"Vous devriez aller le voir. Il est très enfant. Il risque de se méprendre si vous ne..."

"Eh doucement, là ! Je ne suis pas sa chose ! Je fais ce que je veux !"

"Vous lui ressemblez en bien des points. ça risque d'être... amusant."

"Comment ça ?"

Pepper garda un sourire énigmatique sans rien ajouter de plus. Ondine dut se contenter de cette étrange réplique, se demandant si l'autre blonde se moquait d'elle. Agacée de se retrouver face à une statue de marbre, la jeune femme se retint de lui tirer la langue et sortit à grands pas du réduit.

Une fois dans le couloir, elle stoppa net. Que faire ? Elle n'allait tout de même pas se précipiter vers Maxwell ! C'était vraiment trop nul ! Sentant le regard de Brenda sur elle, elle ne put s'empêcher de lâcher :

"Bon sang, mêlez-vous de ce qui vous regarde ! De toutes façons, vous n'êtes qu'une usurpatrice !"

Laissant la pauvre Brenda dans sa perplexité, Ondine prit le chemin du bureau de Maxwell. Elle n'était pas faible, elle détestait juste ne pas finir ce qu'elle commençait.

La porte claqua violemment contre le mur, annonçant son entrée dans la pièce, et tandis que les murs tremblaient encore de la violence du choc, Ondine se dirigea vers Maxwell, se pendit à son cou et déclara d'un ton menaçant :

"Si jamais une autre femme se pointe dans les deux prochaines heures, je la passe par la fenêtre !"

Après quoi, elle planta son regard brûlant de désir dans le sien, et approchant son visage du sien en manquant de lui donner un coup de boule, elle l'embrassa avec fougue.