Aventure #5 : Le Chant des Sirènes [Fe]

La nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà, et le silence en même temps qu'elle dans l'enceinte de Poudlard. Et pourtant la lueur de la bougie éclairait encore la chambre d'Ilyasvel. Elle était restée jusqu'à une heure assez avancée à corriger des parchemins rendus par ses élèves, avant de se plonger dans un ouvrage traitant de l'utilisation du venin d'acromentule. Et elle n'avait pu se décrocher de l'oeuvre. C'était peut-être stupide, mais elle avait trouvé les propos de Richardson Pendragon tellement à propos qu'elle n'avait fait attention à l'heure qui passait. Ce n'est que lorsque la flamme de la bougie devint vascillante qu'elle se rendit compte qu'elle devrait déjà être couchée - c'était très mauvais pour son humeur de manquer de sommeil. Ilyasvel releva la tête des lignes qu'elle dévorait littéralement pour se lever. Il était peut-être temps d'aller se coucher après tout. Alors qu'elle se détourner de son fauteuil pour rejoindre son lit, elle fut happée par ce qui semblait être un chant.

« Qu'est-ce que... »

En effet, le murmure harmonieux des voix endormait légèrement sa vigilence, et il lui semblait impensable de ne pas se diriger vers cette douce mélodie. Peut-être était-ce des élèves ? Mais que feraient des étudiants hors de leur dortoir à une heure aussi avancée de la nuit ? N'avaient-ils aucune crainte quant à un fort probable retrait de points ? Ils pouvaient faire perdre la Coupe à leur maison rien qu'avec cette petite expérience nocturne. Un léger froncement de sourcils prit place sur son front lorsque, regardant par la fenêtre, elle crut remarquer du mouvement à proximité de la Forêt Interdite. Allait-elle vraiment être obligée de sortir à pareille heure ?

Un léger bourdonnement lui envahit la tête. Elle se sentait attirée par cette musique. Qu'est-ce que cela pouvait être... Enfilant une longue cape noire pour se protéger du vent et de la fraicheur de ces nuits de printemps, Ilyasvel se saisit de sa baguette avant de quitter sa chambre qu'elle prit soin de verrouiller. Elle descendit les quelques marches qui la séparaient des couloirs, avant de se diriger jusqu'au Hall, et à la porte d'entrée en bois massif. Cette petite escapade lui rappelait sa propre scolarité. C'était assez perturbant. Nostalgique et perturbant. Son esprit dériva légèrement jusqu'aux raisons qui la poussaient à l'époque à sortir du dortoir en dehors des heures autorisées, et elle se permit un sourire. Après tout, c'était une bonne période. Elle remarqua de manière un peu absente que le chant ne résonnait plus dans cette partie du chateau.

« Bon, ça semblait s'agiter vers là-bas... »

L'air de la nuit et la chape sombre qu'elle installait firent plisser les paupières à la jeune femme. Mais elle voulait éviter d'allumer sa baguette pour l'instant. Autant attendre de surprendre les élèves par un joli Lumos informulé et une petite remarque sur leur présence dans le parc à une heure à laquelle ils devraient se trouver dans leur lit. Elle remarqua un faisceau lumineux qui semblait provenir de quelques mètres devant elle. Probablement celui des élèves en fuite. Elle s'avança jusqu'aux petits déliquants en silence et avec toute la discrétion dont elle était capable.

« Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? »
« Je ne sais pas. J'ai entendu le chant tout à l'heure et je suis venue jusqu'ici, mais depuis que je suis arrivée, plus rien. Pourtant je suis certaine que ce n'était pas le fruit de mon imagination ... »

Ah. Ces élèves avaient elles aussi entendu cette mélodie ? C'était vraiment curieux. Ilyasvel se rendit compte qu'il y avait quatre élèves. Quatre filles. Non pas que ça aurait été moins grave si ça avait été des garçons, mais elle aurait trouvé cela moins surprenant. En pleine adolescence et puberté qu'ils étaient, ils avaient souvent besoin de se prouver qu'ils étaient des hommes et avaient du poil au torse. L'enseignante pointa sa baguette vers les voix qui étaient fort proches maintenant, et d'un petit mouvement de poigné, fit étinceller sa baguette.

« Ou vous pourriez retourner à vos dortoirs, Miss. »

J'avais à peine eu le temps d'enfiler mes vêtements qu'Améthyst, qui avait apparemment eu la même idée saugrenue que moi, était déjà sortie du dortoir, suivie de près par Carolyn. Je courus afin des les rattraper, consciente qu'en vérité, je ne l'étais plus tellement. Cette musique m'avait attirée, sans que je ne sache pourquoi. Mon goût pour le danger, mélangé à cet envoûtement par la musique, m'avaient poussé à aller voir au-dehors. Car il s'était effectivement avéré que le son ne provienne de dehors.


Une fois à l'extérieur, nous tombâmes sur une élève de Poufsouffle, qui avait, elle aussi, dû entendre ce chant à la fois merveilleux et inquiétant. Je n'aurais pu décrire ce que je ressentais, à part de l'excitation, ni même ce que j'entendais. Un chant doucereux qui avait coulé lentement dans mon esprit, et s'était imposé dans mes pensées. C'est comme si mes oreilles étaient à ce moment devenues des radars, à la recherche de la mélodie désirée. Car plus on écoutait ce chant, plus on avait envie de l'entendre, et même plus, de s'en approcher. Mes idées n'étaient alors pas assez claires pour que je devine en quoi consistait le danger.


Et alors que nous nous étions enfin senties si proches du but, un obstacle apparut.



« Ou vous pourriez retourner à vos dortoirs, Miss. »



Ilyasvel du Monceau, professeur de potions de Poudlard. Il n'avait manqué que ça, qu'un professeur nous tombe dessus. En fait, nous n'y avions tout simplement pas pensé. Mais retourner dans nos dortoirs ? Ca, c'était bien entendu hors-de-question. De toute façon, en cet instant encore plus qu'à mon habitude, je n'avais rien eu à faire des propos d'un professeur. Si ceux-ci n'avaient jamais eu à se plaindre sur mon compte, ce n'est pas pour autant que j'aimais jouer les petites filles modèles. Et cette musique ... cette musique avait soudain paru tellement plus importante que tout le reste, que rien au monde ne m'aurait empêchée d'en trouver la source.


C'est pourquoi je ne pris pas compte de la remarque de mon professeur, et que je la contournai en silence, comme si je ne l'avais pas vue - ce qui était à demi le cas. Elle avait dû afficher un regard effaré à ce moment-là, ou du moins le regard d'un professeur qui ne se faisait pas respecter par ses élèves. Ou alors avait-elle également fini par succomber au chant. Je ne le sus pas, car j'avançai en direction de la forêt sans regarder en arrière. Je me fichais de savoir si quelqu'un me suivait, ou si j'avançais à pas de loup vers le danger, seule. De toute façon, plus cette notion de " danger " avait résonné dans ma tête comme une alarme continue qui allait crescendo, plus je m'étais sentie avide de découvrir quelque chose qui aurait bel et bien pu me mettre en danger. Il y avait bien trop longtemps que ma vie avait été monotone. Et il fut temps de faire face à ses peurs.


La forêt s'était assombrie au fur et à mesure que j'avais progressé, et bientôt, il ne me fut plus possible de voir plus loin que quelques mètres.



« Lumos ! », soufflai-je machinalement sans m'arrêter de marcher.

« Descends nous voir,
Entends nos paroles,
Marche dans le noir,
Jusqu'à cette course folle,

Nous sœur tu amèneras,
Récompensé tu seras. »

Des bruits de pas feutrés m'avaient informée qu'on m'avait emboîté le pas. Finalement, cette dernière année à Poudlard n'allait peut-être pas être aussi ennuyeuse que je ne l'avais imaginé ..