[Terminé] La Tentation fait Rage [Fe]

La tentation prend toujours diverses formes. Elle peut être une simple pomme comme celle qui fut fatale à Blanche-Neige, elle peut aussi prendre la forme d'un chocolat ou d'un humain particulièrement exquis... Dès lors, l'objet de convoitise devient une obsession. On y pense jour et nuit. On ne ferme plus l'oeil, on souffre de son absence... On le désire si fort que cela en est douloureux.

Aliénor vécut un véritable enfer, l'objet de son désir restant inaccessible, jusqu'au jour où ils furent de nouveau réunis. A ce moment-là, elle crut que ses tourments avaient disparu pour toujours, mais un autre sentiment s'empara d'elle, la rendant pratiquement folle : son obsession n'était plus suffisamment parfaite à ses yeux, elle voulait plus. Elle avait connu mieux, beaucoup mieux. Elle avait beau essayer de se persuader que ce qu'elle vivait était merveilleux, ce n'était plus suffisant. Son corps réclamait quelqu'un d'autre, ses yeux cherchaient ce visage qui hantait ces nuits, ses mains caressaient les draps dans l'espoir d'un quelconque contact charnel... mais elles ne rencontraient que du vide. Aliénor avait congédié son ancienne obsession qui était devenue inintéressante, pour se focaliser sur la nouvelle. L'unique.

Bien entendu, elle n'était pas accourue aussi rapidement que son "coeur" le lui dictait. Elle avait pris son temps. Après tout, elle avait l'éternité devant elle, autant se faire désirer. Mais elle ne traîna pas trop non plus, se souvenant que son obsession, elle, n'était pas immortelle. De peur de la retrouver et qu'elle soit couverte de rides peu gracieuses, la vampire décida d'écourter l'attente.

Elle avait envoûté quelques Aurors qui n'avaient pas pris garde de fermer leur esprit et elle avait su où il se trouvait. Le rejoindre avait été si facile.

Abandonnant ses vêtements, elle avait passé une simple serviette autour d'elle et était entrée dans la salle de massages. Là, elle avait rapidement repéré l'objet de son désir, allongé nonchalamment. Il lui tournait la tête. Elle n'aurait pas imaginé que cela aurait été si facile. Esquissant un petit sourire, elle prit place sur une table qui jouxtait la sienne et laissa échapper un petit soupir en sentant les mains de la masseuse se poser sur son dos.

"Je n'aurais jamais pensé que vous étiez friand de ce genre d'endroit." déclara-t-elle à l'homme juste à côté d'elle.

Le ton de sa voix était mesuré, chantant. Il ne laissait paraître nullement le trouble qui se peignait pourtant sur son visage. Elle préféra fermer les yeux pour qu'il ne discerne pas ce qui se passait en elle. Elle ne lui ferait pas ce plaisir.

Un petit rictus s'était dessiné sur les lèvres de la vampire alors qu'il avait parlé des vertus apaisantes des massages sur le mental des gens. Que sous-entendait-il ? Qu'elle était de nature instable ? Elle le savait depuis longtemps, inutile de le lui préciser. Elle ne répondit rien, se contentant de poser sa tête de côté sur ses bras croisés. Cependant, le petit sourire s'éternisait sur sa bouche. Elle ne pensait pas qu'il aurait pu autant lui manquer. Cette sensation de manque s'était faite grandement ressentir au cours de ces derniers mois, la rendant aveugle et sourde au reste du monde. Il habitait toutes ses pensées à chaque heure du jour et de la nuit, à partir du moment où elle choisissait la robe qu'elle allait porter à celui où elle enfonçait ses canines dans la nuque d'un mortel. Vladimir était là, que ses paupières soient closes ou pas. Au départ, elle avait songé à un mauvais sort qu'il lui avait jeté, et avait envoûté plusieurs sorciers pour qu'ils lui donnent un moyen de s'en défaire, sans succès. Rien ne fonctionnait, il fallait juste vivre avec et accepter. Aliénor avait mis du temps. Tout d'abord, elle avait refusé cette éventualité, tombant dans les pires excès pour se changer les idées et se convaincre qu'elle maîtrisait encore le cours de son existence. Puis, avec le temps, elle avait dû se rendre à l'évidence : elle ne pouvait l'oublier. Elle était donc revenue vers lui, non sans fierté, car elle était tout de même Aliénor de Maurpassant, elle ne dirait jamais haut et fort qu'elle éprouvait une attirance plus forte que la normale pour un vulgaire humain. Autant se crucifier soi-même et se laisser dévorer par des fourmis africaines !

Vladimir avait congédié les deux masseuses, les laissant de ce fait seul à seule. Allaient-ils se regarder en chiens de faïence ou parler de la pluie et du beau temps ? Difficile de savoir comment commencer une conversation après une année sans nouvelle. Aliénor songea qu'elle aurait dû lui envoyer une carte postale, histoire de rester en contact, mais toutes ces pensées un peu stupides disparurent de son esprit lorsqu'elle vit Vlad se lever et passer une serviette autour de sa taille. Elle lui aurait bien dit de s'épargner cette peine, mais elle préféra laisser son regard dériver sans vergogne sur ce corps qu'elle réclamait de toutes les fibres de son être. Elle s'était légèrement redressée sur les coudes pour l'observer tandis qu'il s'avançait vers un espèce de buffet garni de fruits et de jus de toutes sortes. Il n'avait donc pas changé, en tous cas, pas en ce qui concernait son goût prononcé pour le jus d'orange.

"Comment ? Vous souhaitez déjà me congédier ?" dit-elle d'une voix faussement indignée, mais son timbre était si envoûtant qu'elle n'en paraissait que plus amusée. "Je viens à peine d'arriver, ce ne serait pas très poli de votre part. Je ne vous pensais pas si effronté."

Elle ondula sur la table de massage pour se mettre en position assise et là, attrapa sa serviette qui était posée non loin. Elle la referma sur elle avant de sauter sur ses pieds avec la souplesse d'un chat, puis marcha jusqu'à Vladimir, qui lui tournait le dos. Elle resta un moment immobile, fixant cette nuque sexy en diable qui lui faisait face et se mordit les lèvres d'envie. Elle avait tant envie d'y planter ses crocs, de goûter son sang et de partir dans une extase qu'elle n'avait plus connu depuis si longtemps... mais il fallait rester sage. Il ne fallait pas l'effrayer, ce serait trop dommage.

Aliénor se contenta donc de se placer à côté de lui, et se servit un verre de jus de fruits tout en déclarant, sans le regarder :

"Beaucoup de choses ont changé, il serait dommage de ne pas me laisser vous les montrer."

Tandis qu'elle portait le verre à ses lèvres, elle planta son regard brûlant dans celui de l'homme et but une gorgée du breuvage. Elle cherchait à l'impressionner, à lui montrer qu'elle faisait des efforts. Le fait de boire de façon végétarienne était une parfaite machination qui pourrait peut-être le convaincre de reprendre leur histoire là où ils l'avaient laissée, mais un violent haut-le-coeur ruina son plan à néant. Elle lâcha le verre qui se fracassa par terre pour porter une main à sa poitrine, s'étouffant. Un goût immonde se répandait dans sa bouche, ce goût qui sentait la mort et qui faisait lui rappeler qu'elle ne pouvait plus ingurgiter ce genre de choses... C'était à chaque fois plus écoeurant.

Elle s'étouffait toujours, se cramponnant à Vladimir pour ne pas tomber par terre. Ses jambes ne la soutenaient pratiquement plus. Cela n'allait plus durer longtemps, il fallait juste attendre que cela passe...

"Ne... vous... moquez pas... ou je vous... arrache... la langue !" parvint-elle à articuler entre deux quintes de toux.

Aliénor avait fini par se calmer, et sûrement que l'étroit contact avec Vladimir y était pour quelque chose. Elle sentait qu'il la soutenait fermement. Elle aurait pu se laisser aller totalement, il aurait été là pour l'empêcher de tomber. Quel homme, quand on y pensait ! Toujours galant, mais la vampire était loin d'être une jouvencelle en détresse. Elle savait très bien se débrouiller toute seule ! Elle avait simplement profité du fait qu'elle s'étouffait pour se serrer contre lui. Technique qui fonctionnait à merveille puisqu'il passait maintenant une main dans ses longs cheveux. Elle se surprit à poser sa joue contre son épaule, soupirant d'aise. Il avait toujours eu un effet apaisant sur elle, c'était peut-être la raison pour laquelle elle avait toujours rechigné à le tuer. Il faisait partie de ces rares exceptions qui la rendaient furieuse contre elle-même. Ces intrus, ces humains qui restaient en vie malgré le fait qu'ils rencontraient sa route l'empêchaient de se complaire dans son rôle de vampire sans pitié. C'est d'ailleurs ce qui lui faisait perdre de la notoriété chez les plus jeunes créatures de la nuit. Si elle s'était souciée un tant soit peu du regard des autres, elle se serait sentie humiliée et coupable à chaque instant ! Heureusement qu'elle s'imaginait au-dessus des lois et des moeurs de sa "race".

Elle se rendit compte qu'elle était nue lorsque Vlad lui tendit une serviette de bains. Cela ne la dérangea pas outre mesure. Après tout, il l'avait vue dans son plus simple appareil des centaines de fois. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres en remarquant des rougeurs sur les joues de l'homme. Il était si compliqué à comprendre... mais elle était ravie qu'il se sente mal à l'aise. Elle l'aurait très mal pris s'il était resté de marbre face à elle. Cela prouvait donc qu'il éprouvait toujours quelque attachement pour elle... même si cela ne restait que physique. Mmh... intéressant. Elle attrapa donc la serviette et s'en entoura le buste avec une infinie lenteur, volontairement, histoire qu'il ait tout le temps de l'admirer, puis retourna s'asseoir sur la table de massage. Il prit place à côté d'elle, sur l'autre table, mais Aliénor ne vécut pas cela comme une défaite. La bataille n'avait pas encore été engagé. Pour l'instant, elle ne faisait que lui tourner autour.

"Que de questions, Monsieur le Ministre !" dit-elle en riant avec légèreté. "Vous me connaissez bien mal si vous pensez sciemment ce que vous venez de suggérer !"

Elle se tut un court instant, le temps de l'observer d'un air espiègle, tout en secouant légèrement la tête de gauche à droite avec un sourire. Nul doute, sa naïveté lui avait énormément manqué. Les hommes restent si enfants dans leur déduction... Ils ne voyent jamais plus loin que le bout de leur nez. Dans le cas de Vlad, la jalousie l'aveuglait sûrement un peu, étant donné les circonstances de leur "séparation"... Néanmoins, la dernière question de l'homme la crispa quelque peu, même si elle resta parfaitement calme en apparence. Des braises incandescentes brillèrent un court instant dans son regard bleu azur, avant de retrouver leur sérénité.

"Vous pensez vraiment que j'ai encore besoin d'un maître ou d'une quelconque autre personne pour m'entraîner dans le sillon de la vie ? Je ne suis plus une novice, surtout dans certains domaines que nous avons exploré ensemble..."

Sa bouche se tordit en une petite moue. Plongeant son regard ardent dans le sien, elle glissa lentement de la table de massage pour se placer face à lui. Puis, sans le lâcher des yeux, elle passa ses mains sous la serviette de l'homme pour les arrêter sur chacune de ses cuisses. Elle frémit en sentant sa peau nue contre la sienne, impatiente. Elle savait très bien qu'il allait capituler, surtout si elle aventurait ses mains plus au centre, mais elle préférait le mettre au supplice, rester immobile jusqu'à ce qu'il cède.

Elle l'envoûta un peu plus en s'approchant de son visage, s'emparant de ses lèvres avec une certaine sauvagerie. Les retrouvailles promettaient d'être tumultueuses et enflammées, mais qu'importe, elle n'avait rien de prévu pour les prochaines heures, prochains jours... Qui sait ?