Discussion sympathique entre deux vieux amis [Sev']

La nuit était chaude, l’atmosphère très lourde mais il y avait une vague d’humidité qui pointait doucement le bout du nez, comme si elle avait peur de trop se montrer. Cette humidité était agréable alors que Lupin avait eu chaud toute la nuit. Il s’était discrètement éclipsé la veille au soir dans la forêt la plus proche. Et oui, lors des nuits de pleine lune, Remus ne pouvait pas vraiment rester avec les autres membres de l’Ordre, de peur de faire du mal à l’un d’entre eux. Et cette nuit, la transformation avait été particulièrement violente. Il avait souffert le martyre, comme chaque fois depuis que ce crétin de Rogue ne lui préparait plus sa potion Tue-Loup. Cela faisait maintenant trois ans qu’il devait se débrouiller sans elle, et encore plus depuis le meurtre sauvage de Dumbledore.
Cet événement avait été un moment clé dans la vie de beaucoup d’entre eux, y compris pour Remus qui paraissait encore plus épuisé depuis que Dumbledore n’était plus là. Sans doute parce que dorénavant, il devait assumer des responsabilités qui n’étaient pas les siennes avant, et surtout, il devait faire en sorte de s’éloigner un maximum des autres. Et malheureusement pour lui, ces deux choses n’étaient pas complémentaires. Qui savait ce qu’il pouvait arriver à ses amis lorsqu’il n’était pas là ?
Mais il y avait une autre raison à son choix pour cette forêt précise: il se trouvait dans la forêt interdite. Et s'il était ici, c'était parce que Rogue était devenu directeur de Poudlard depuis peu, et Remus voulait garder un oeil, d'une manière ou d'une autre, à tout moment.

Alors que doucement, la nuit laissait place au jour, la lune s’effaça peu à peu et Remus reprit enfin une forme humaine. Il sentait que sur son visage, le sang coulait. Effectivement, il avait pris la fâcheuse habitude de se cogner dans les arbres, les pierres ou autres histoire de ne pas éprouver le besoin de s’en prendre à des êtres humains. Il s’assommait tellement qu’il ne pouvait plus réagir, plus bouger et ainsi, il restait tranquille. Mais évidemment, cela ne se faisait pas sans mal.
Il avait aussi le temps de réfléchir à certaines choses lorsqu’il était seul et qu’il attendait que la nuit tombe. La nuit passée, il avait beaucoup repensé aux derniers événements, à la mort de Dumbledore. Ils avaient encore eu une conversation tous ensemble la veille, et il semblait évident à Remus que malgré les apparences, Dumbledore avait toujours eu confiance en Rogue et qu’il devait avoir une raison logique. Laquelle ? Il l’ignorait pour le moment mais un jour peut-être la connaitrait-il… Dumbledore voyait toujours la bonté en chaque être, mais il devait avoir vu quelque chose de spécial en Rogue, quelque chose que les membres de l’Ordre ne pouvaient pas voir parce qu’ils étaient trop aveuglés par leur colère envers le meurtrier. Après tout, ils avaient toujours considéré Severus comme tel puisqu’il était un Mangemort, agent double peut-être mais les récents événements leur avaient prouvés qu’Albus n’était qu’un vieux fou trop stupide pour faire confiance à l’homme aux cheveux gras. Et pourtant, Remus continuait à se poser des questions.
Il était le seul, soyons clairs là-dessus. Il était sans doute aussi stupide que Dumbledore mais être aussi stupide que le vieil homme vous rendait intelligent, pas vrai ?

La lune avait maintenant complètement disparu du ciel. Il enfila des vêtements propres et non-déchirés (le désavantage d’être un loup-garou que voulez-vous ? Impossible de garder une garde-robe correcte !). Le chef de l’Ordre du Phoenix rassembla ses diverses affaires, leva le charme qui protégeait cette partie de la forêt et repartit vers la clairière, à pied. Il avait besoin de marcher un peu afin de prendre l’air et d’éviter de faire peur à tout le monde lorsqu’il rentrerait.
Mais une question continuait de torturer l’esprit déjà pas mal affecté de Lupin : Et si Remus était amené à recroiser Severus un jour, quelle serait sa réaction ? Après tout ils avaient été collègues, ils avaient travaillé pour l’Ordre ensemble et il était sans doute celui des Maraudeurs que Rogue… détestait le moins dirons-nous. Il était loin de l’apprécier mais sa haine était encore plus vive à l’égard de James ou de Sirius.
Mais maintenant qu’il était l’ennemi public numéro un, allait-il tuer Remus lorsqu’il le croiserait ? Il en doutait, sauf si le Mangemort était accompagné.
Mais alors qu’il repartait vers la clairière, il entendit un bruit de pas. Rapidement, il se glissa contre un arbre et observa tout autour de lui. Il aperçut une silhouette et attendit que la personne se retourne. Mais cette silhouette, il l’aurait reconnue n’importe où, pour avoir fréquenté cette personne pendant de nombreuses années…
Remus s’empara de sa baguette magique rapidement et sortit de sa cachette de fortune.
Il observa la silhouette qui lentement se retourna. Les rôles étaient inversés. Généralement, c’était Lupin qui se retrouvait avec la baguette de Rogue pointée sur son visage. Comme quatre ans plus tôt, dans la cabane hurlante…

Une petite promenade matinale Monsieur le Directeur ?

Remus se surprit à avoir un rictus de mépris envers Severus. Maintenant, il savait parfaitement comment lui pouvait réagir en sa présence. Il restait à voir comment l’ancien Maître des Potions allait réagir face à lui…

Lupin n’avait jamais aimé la Forêt Interdite et de plus, il savait parfaitement qu’il prenait des risques en venant là, mais il savait aussi qu’aucun être ne prendre le risque de venir se frotter à un loup-garou. Cependant, Rogue le connaissait, et il le connaissait sous toutes ses formes, humaine comme animale. Il l’avait déjà vu sous sa forme de loup et il était évident que le nouveau directeur de Poudlard ne craignait absolument pas d’affronter Lupin. Il l’avait toujours vu comme de la vermine mais Lupin n’en avait pas beaucoup plus à son compte, alors la situation pouvait rester telle qu’elle était. Lorsqu’il se retrouva face à lui, Remus put assez rapidement voir dans le regard de l’ancien maître des potions tout le dégoût qu’il lui inspirait. Mais ça, cela n’était pas bien grave. Il avait pris l’habitude d’observer cela dans le regard de son ancienne collègue. Ils avaient travaillé ensemble pendant une année après tout…

Rogue…

Plus de Severus qui tienne. Il était hors de question d’instaurer une quelconque familiarité entre eux. Cet homme s’était moqué de lui, d’eux, de tous ceux qui pouvaient représenter une toute petite chose dans sa vie. Rogue n’avait jamais eu d’amis et la situation resterait la même. Même si les deux hommes n’avaient jamais été des amis, à peine de vulgaires connaissances, il y avait toujours eu, en tous cas aux yeux des autres, une forme de… non, ne parlons pas de respect. Remus respectait Severus parce que Dumbledore avait confiance en lui, mais aujourd’hui, Dumbledore n’avait plus aucune raison d’avoir confiance en lui puisqu’il était mort. Mort d’avoir trop fait confiance. Cet événement avait blessé et endurci le sorcier qu’il était, et dorénavant il n’accordait plus sa confiance à personne. Les seules personnes qui pouvaient se vanter d’avoir la confiance du loup-garou étaient des amis de longue date.
Non, finalement, il n’y avait rien qui avait jamais lié les deux hommes, et il n’y aurait jamais rien. Pour ça, il faudrait que Lupin découvre par exemple que Dumbledore avait prévu sa propre mort, mais c’était parfaitement impossible. Qui pouvait prévoir sa propre mort ?
Tout le dégoût, toute la colère qui traversèrent le visage de Rogue traversèrent aussi celui de Lupin. Rogue était vraiment la personne la plus détestable qui soit, Sirius avait bien raison. S’il avait pu le tuer sur le champ, il l’aurait fait. Mais ses valeurs l’en empêchaient. Et puis, ça ne correspondait pas au plan qu’il avait en tête. Ca ne lui correspondait pas…

Tu m’excuses mais je crois que je vais la garder levée encore un peu.

Il soutenait le regard du directeur, lui prouvant bien par A plus B qu’il était loin d’avoir été le plus faible. Le plus calme peut-être, peut-être le plus discret mais certainement pas le plus faible. Severus devait savoir ça au fond de lui, mais la colère et le dégoût qu’il éprouvait pour la créature qu’il était l’aveuglaient et aveuglaient son jugement. Mais Remus ne faiblirait pas. Il avait bien trop de griefs envers Severus lui aussi. Pendant des années, il avait compris pourquoi le sorcier le détestait aussi fort, pourquoi il les détestait lui et les Maraudeurs, mais aujourd’hui, lui aussi avait des raisons de le détester et il comptait bien faire agir son droit.
La baguette toujours pointée sur le visage pâle de son ancien camarade d’école, Lupin répondit à sa question avec une pointe de sarcasme dans la voix.

Qu’est-ce que tu attends pour appeler tes précieux Détraqueurs ? Ou bien ta garde privée ? Es-tu devenu si important que tu as besoin de tes gardes du corps Rogue ?

La haine que Lupin éprouvait envers lui était bien plus virulente qu’il ne l’avait imaginé. Bien sûr qu’il le détestait pour avoir assassiné de sang froid son mentor, mais il ne pensait pas qu’il était capable d’avoir autant envie de le tuer lui aussi.
Il n’avait pas le droit de faire ça. Bien que, il n’était certainement pas le seul à vouloir le faire.

Ou alors ce n’est pas parce que tu es important. Tu as raison, il y a tellement de gens qui rêvent de te voir mort…

Sa baguette était toujours dirigée vers le visage de Rogue. Ils étaient tous les deux pratiquement de la même taille, ce qui rendait la scène encore plus… dangereuse sans doute. Mais intéressante, ça c’était certain.
Lupin se rapprocha encore un peu, sachant très bien que l’odeur qu’il dégageait après une nuit de transformation était loin d’être des plus agréables. Mais il prenait un malin plaisir à torturer les sinus de son ancien camarade de classe.

Crois-moi, j’en crève d’envie…

Mais devait-il le faire et risquer d’ameuter les Détraqueurs et tous leurs amis ? Non, ça serait trop bête ! Surtout qu’il avait maintenant l’occasion de se retrouver face à face avec son vieil ennemi…

Remus gardait sa baguette solidement pointée vers l’homme qui les avait trahi. Il ne le lâcherait pas, simplement parce qu’il n’avait pas la moindre confiance en cet homme. Sitôt que Remus aurait baissé sa baguette, Rogue ne se gênerait pas pour faire appel à ses petits camarades afin qu’ils viennent le tuer. Ou alors il le ferait lui-même. De toute façon, il n’était plus à un meurtre près… Mais ce qu’il lui dit ne fit que renforcer un peu plus l’idée qu’il se faisait déjà de lui : Rogue prenait Lupin pour quelqu’un de faible. Il savait très bien qu’il ne commettrait pas de meurtre, et il avait évidemment raison. Mais ça le désavantageait fortement : contrairement à Severus, Remus n’était pas prêt à tuer pour protéger la paix et pour se battre. Il était prêt à faire souffrir, mais il voulait éviter autant que possible de commettre un meurtre. Severus était désarmé, pour le moment, et donc le loup-garou ne risquait rien. Mais il savait aussi que malgré tout ce que l’on pouvait dire sur lui, Rogue était également l’un des sorciers les plus brillants de leur génération. Et rien que d’y penser ça le rendait malade…
Mais il avait raison, il beaucoup trop à perdre dans toute cette histoire. Il avait tout à perdre et rien à gagner. Il resta figé, son regard planté dans celui de Rogue. Il ne cillerait pas, parce que là aussi il risquait de perdre beaucoup s’il se déconcentrait ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Tu as sans doute raison. J’ai beaucoup à perdre, contrairement à toi.

Le Seigneur des Ténèbres n’apprécierait pas… Jamais Rogue n’avait parlé devant lui ou un autre membre de l’Ordre, à l’exception de Dumbledore, de son implication auprès de Voldemort. Il n’en parlait jamais parce qu’il savait probablement très bien ce que les autres pensaient de cela. Remarquez, s’il y avait une chose dont Rogue se fichait éperduement, c’était bien de l’avis des autres. Leur avis et leur vie aussi. De toute façon, Rogue se fichait de tout, il suffisait de voir comment il vivait. Mais le fait qu’il en parle aujourd’hui, devant lui, avait quelque chose de réel, ça rendait les événements récents beaucoup plus réalistes. Lupin ne savait pas encore avec certitude ce qu’il s’était passé cette nuit-la, au sommet de la tour. Il n’en savait que ce que Harry lui avait raconté. Mais il savait aussi que le jugement de Harry était aveuglé par la haine qu’il avait toujours éprouvé à l’égard de Severus. Et aujourd’hui, il devait faire confiance à ce seul et unique point de vue puisqu’il n’en aurait aucun autre.
Effectivement, vous l’imaginez aller prendre une tasse de thé dans le bureau de Rogue en discutant de ce qu’il s’était passé la nuit où Dumbledore avait perdu la vie ? Certainement pas ! Le loup-garou serait mort avant même de passer la porte d’entrée de l’école.

Et de plus, ce que Severus venait de mettre en évidence était vrai : si du mal était fait à Rogue, Voldemort ne se generait pas pour déverser sa colère sur le reste du monde. Et ça n’était pas une bonne chose, parce que beaucoup d’innocents perdraient la vie alors qu’ils n’y étaient pour rien. Certes, il l’avait encore traité de fable, mais Lupin finissait par prendre l’habitude de se faire traiter comme un moins que rien par l’arrogant directeur. Si seulement il pouvait enfoncer sa baguette au fond de sa gorge…

Ah Severus, tu as toujours su me prendre par les sentiments…

Remus eut un rictus méprisant, de ceux qui étaient souvent attribués à la personne située en face de lui. Depuis le temps qu’il avait rêvé de ce tête-à-tête avec le Maître des Potions… Il se passait encore mieux que dans ses espoirs les plus fous.
Mais alors qu’il s’apprêtait à baisser sa baguette tout en restant sur la défensive, il y eut cette phrase, cette phrase qu’il n’aurait jamais dû prononcer parce qu’elle provoqua chez Lupin une vague de colère monumentale. Il leva sa baguette et la planta directement dans les côtes de Rogue. Il avait appuyé tellement fort qu’il eut même l’impression que l’avoir blessé mais il s’en fichait, parce que maintenant il s’en prenait vraiment à ce qui comptait le plus pour lui. Il l’avait déjà fait une fois, et ses petits camarades une fois déjà auparavant. Il ne recommencerait pas, jamais !

Je te préviens Rogue, si tu touches à un seul de ses cheveux, si toi ou tes complices vous touchez à un seul de ses cheveux, je te poursuivrai, je te torturerai, et je n’aurai aucun remord à le faire.

Il pressa encore plus fort la baguette, l’enfonçant encore plus loin dans le torse du sorcier. Il avait voulu s’en prendre à ce à quoi Relus tenait, il devrait en affronter les conséquences.
Le visage de Remus avait changé. Jamais il ne s’était comporté de la sorte, jamais il ne s’était senti autant en colère. Il n’y avait vraiment que Severus qui pouvait provoquer ce genre de réaction chez lui.

Tu ne t’approches pas d’elle, jamais.

Il avait saccadé sa phrase, insistant sur chacun des mots. Nymphadora était ce qu’il avait de plus précieux dans sa vie, Rogue le savait. Et Lupin ne savait pas de quoi Rogue était réellement capable, il n’avait pas la moindre idée de l’étendue de ce dont il était capable. Mais si jamais il tuait Dora, Remus le traquerait et le tuerait, sans la moindre hésitation. Quitte à mourir lui-même ensuite, mais il se vengerait. Rogue lui avait déjà trop pris.

Oh oui il avait osé, bien sûr qu’il avait osé. Severus s’en prenait aux choses qui comptaient le plus pour le loup-garou, et il était hors de question qu’il se laisse faire. Si jamais auparavant il n’avait voulu montrer de manque de respect envers le Directeur de Poudlard, si jamais il n’avait voulu se comporter comme James et Sirius l’avaient fait lorsqu’ils étaient plus jeunes, aujourd’hui il se fichait de l’opinion que Severus pouvait avoir de lui. Il se fichait de l’opinion de qui que ce soit. C’est vrai, il était un animal, un loup-garou, une créature dangereuse et sans doute inférieure à un être humain, mais il ne finirait pas sa vie seul lui. Lui n’était pas utilisé par un Mage qui ne vivrait plus très longtemps de toute façon. Mais Rogue lui, n’était qu’une pièce dans un rouage qui le dépassait de beaucoup. Et Remus, qui avait pourtant eu honte pendant longtemps de sa condition, ne craignait plus le jugement des idiots qui l’entouraient.

Qu’est-ce que tu crois ? Que tu me fais peur ?

Il observa le sorcier passer une main sur ses côtes et, en quelques instants, il se retrouva par terre. Evidemment, après une nuit comme celle qu’il venait de passer, il ne pouvait pas vraiment dire qu’il se sentait au mieux de sa forme. Mais il se releva rapidement, parce qu’il ne savait que trop bien ce que le Maître des Potions pouvait lui faire s’il se montrait faible. Le temps que Remus ne se relève et Severus avait sorti sa baguette et la pointait sur lui. Il garda la sienne levée, avec l’espoir que la situation se calme tout de même.
Mais rapidement, sans que Remus ne comprenne vraiment pourquoi, Severus avait abaissé sa baguette. Il avait sans doute l’impression qu’il était le maître des lieux, et il avait raison. En un geste, Remus pouvait mourir. Il avait intérêt à calmer le jeu…

Lui aussi abaissa sa baguette, bien que se méfiant encore. Il la garda en main mais la garda baissée. Son regard ne lâchait pas celui de Severus. Remus avait décidément eu un très bon mentor. Il essayait lui aussi de voir ce qu’il y avait de bon en chacun, même chez les personnes qui ne montraient aucun signe de bonté. Mais Severus en avait montré à une époque. Il avait montré qu’il pouvait aider les membres de l’Ordre, qu’il était un excellent agent double, tellement bon que Remus arrivait même à avoir des soupçons par moment sur ce qui était en train de se passer. Et si Severus était en train de continuer à jouer son rôle ? Non, c’était impossible. Pour quelle raison aurait-il tué Dumbledore si tel était le cas ?
La phrase qu’il lui adressa ensuite fit légèrement sourire Lupin. Décidément, il ne pouvait vraiment pas s’empêcher de l’insulter, de lui dire qu’il n’était qu’un animal, qu’un sous-homme. Il pouvait vraiment être détestable quand il s’y mettait… Il leva les yeux au ciel, la baguette toujours baissée vers le sol et resta à une distance respectable…

Ne t’inquiètes pas pour ma potion Rogue. J’ai ce qu’il me faut.

Il n’en dirait pas plus, mais il avait eu la chance de rencontrer Natalia, une Médicomage qui travaillait à Ste Mangouste. Grâce à elle, il allait pouvoir retrouver de la potion Tue-Loup et subir des nuits un peu moins difficiles. Il ne l’avait pas encore eue ce mois-ci mais il l’aurait assurément le mois prochain, et il s’en porterait bien mieux.
Mais la dernière réplique de son ancien camarade d’école interpella Lupin. Que voulait-il dire par là ? Comme qui allait-il devenir ? Il chercha mais il ne comprit pas exactement à qui il faisait référence… Aux Mangemorts ? Non, Lupin n’avait rien d’un Mangemort, loin de là. Enfin, de la part de Rogue cela ne serait qu’à peine surprenant qu’il le traite de la sorte. Après tout, il n’était rien aux yeux du fidèle Mangemort. Rien du tout, même pas un être humain, il venait encore de le lui répéter. Et à chaque fois qu’il en avait l’occasion, il lui disait qu’il n’avait presque plus rien d'humain en lui. Et sans doute avait-il raison. Mais ce durerait plus très longtemps…

Finir comme eux… Et je peux savoir à qui tu fais référence ?

Et puis, un souvenir s’insinua dans son esprit. Les Maraudeurs, James et Sirius, les deux personnes que Rogue avait le plus détesté dans sa vie. Il les haïssait parce qu’ils avaient bien failli le tuer des années auparavant, alors qu’ils étaient encore étudiants. Il faut dire que cette nuit-là, James et Sirius avaient été loin de démontrer leur intelligence. Il s’en rappelait, même si la scène lui avait davantage été contée que vécue. Lui n’en avait qu’un vague souvenir. Peut-être Severus faisait-il référence à cette nuit-là lorsqu’il parlait de pulsions meurtrières… Mais peu importait, ça n’était pas l’essentiel de leur conversation de toute façon.

Mais alors que Lupin se croyait plus en danger que jamais face à Severus, celui-ci rangea sa baguette dans sa robe de sorcier. Décidément, était-ce l’effet de la pleine lune passée ou Remus ne comprenait absolument rien à ce qui était en train de se passer. Severus commença à parler, à lui expliquer que la guerre était perdue d’avance pour l’Ordre, que Nymphadora était en danger au Ministère et que tous étaient en danger. Tous ceux qui n’étaient pas du côté du Seigneur des Ténèbres. Que ses partisans étaient bien plus nombreux. Mais il ne faisait que citer une série d’évidences. Tout cela, Remus le savait déjà.
Ce qu’il voulait comprendre, c’est pourquoi Severus lui disait tout ça. Qu’est-ce que ça lui apportait et au fond, pourquoi semblait-il s’en soucier ?
Remus l’écouta attentivement, la baguette fermement serrée dans sa main droite, se demandant où menait cette conversation ?

Je sais tout ça… Mais tout ce que l’on peut faire pour le moment, c’est se défendre.

Il plissa les yeux, une question le taraudait et il ne pouvait que la lui poser…

Mais pourquoi te soucies-tu de tout cela ? Tu es de l’autre côté, pas vrai ?

Et pourtant, toute son attitude corporelle lui faisait comprendre que quelque chose clochait. Il y avait vraiment quelque chose qui n’allait pas. Mais alors qu’il allait lui poser une nouvelle question, il ressentit quelque chose d’étrange. Cette sensation, il l’avait souvent eue auparavant. Il ressentit un grand froid en lui, qui grimpait doucement jusque dans sa tête. Jamais il ne s’était senti aussi… triste. Les Détraqueurs approchaient, il le sentait. Hors de question que les Détraqueurs s’en prennent à lui. Soit il partait… soit il profitait de la présence du Directeur. Mais pourquoi Rogue l’aiderait-il ? Ca serait lui donnait un signe de bonne foi, et c’était loin d’être le genre de Severus.
Mais après tout, pourquoi ne pas tenter ?

Il serait dommage d’interrompre notre charmante conversation. Mais je crois que nous n’allons pas avoir le choix.

Il jeta un œil vers la baguette magique de Rogue, qu’il venait de ressortir… Comme s’ils allaient s’en prendre à lui…

Il les sentait arriver, il les sentait de plus en plus proches. Le froid glacial qui s’élevait en lui, un froid étrange, comme si jamais plus il ne sentirait la chaleur humaine qui émanait de lui ou des gens qu’il aimait… Il avait déjà connu cette sensation à de nombreuses reprises. Ils étaient maintenant deux à voler au-dessus d’eux. Mais ils semblaient attendre quelque chose, peut-être le commandement de Severus de foncer droit sur la tête de Lupin. Et pourtant rien ne se passait. Il eut l’impression que le temps s’était arrêté pendant un court instant. Bien sûr, il savait maintenant qu’il était pris au piège et que la seule façon de s’en sortir serait de lancer un patronus et de fuir le plus vite possible. Mais cela n’était qu’illusion, parce qu’il avait la certitude qu’il ne pourrait jamais fuir assez vite que pour leur échapper. Cela le rendait fou, il savait qu’il était peut-être en train de vivre ses derniers instants d’homme livre. Rogue ne ferait rien pour l’aider, c’était évident. Il le détestait pour tout ce qu’il était, pour tout ce qu’il avait fait dans sa vie, ou peut-être pas fait.
Mais au fond, Remus n’avait jamais compris cette haine que Severus avait développée à son encontre. Etait-il responsable de l’idiotie de ses amis d’enfance quand ceux-ci, énervés par l’attitude de Rogue, avaient décidés de l’emmener dans l’endroit où Lupin se transformait pour lui jouer un mauvais tour ? Il n’était pas responsable de ce qu’il était. Celui qui était responsable, c’était Greyback, fidèle de Voldemort et donc, connaissance de Severus. Il n’allait pas dire ami, puisque Rogue était tout bonnement incapable de nouer la moindre relation humaine.
Il observa le manège des Détraqueurs au-dessus de leur tête quand Severus ouvrit à nouveau la bouche pour déverser tout un flot de gentillesses à son sujet. Remus leva les yeux au ciel, sa baguette toujours fermement tenue dans sa main, tout comme celle de Severus d’ailleurs.

On n’aurait pas eu tous ces problèmes si t’étais resté dans ton bureau ! Ou mieux, si tu n’avais pas tué Albus !

Crétin. Ils étaient… ou plutôt non, Lupin était dans les pires ennuis et l’autre idiot aux cheveux gras continuait de balancer des conneries. Lupin lui aurait bien proposé de partir et de le laisser se débrouiller avec les Détraqueurs, mais à vrai dire, s’il avait l’opportunité de le tuer « accidentellement », il n’était même pas sûr de s’en vouloir un petit peu. Et puis, ça l’ennuyait beaucoup de l’avouer, mais d’une manière ou d’une autre, il aurait peut-être besoin de lui…

Maintenant excuse-moi, mais plutôt que de me complimenter sur mon intelligence, j’ai des soucis un peu plus importants…

Il leva les yeux vers le ciel. Les deux Détraqueurs étaient toujours là, à tourner autour d’eux, comme un chien qui renifle la viande fraîche.
Severus lui donna un conseil, certes éclairé mais arrivant un peu trop tard. Lupin restait persuadé que le Mangemort savait très bien que les Détraqueurs étaient en chemin avant même qu’ils ne soient au-dessus de leur tête, et qu’il n’avait rien dit pour avoir le plaisir de voir Lupin se faire embrasser par ces charmantes créatures.
Avec un air de dégoût assuré, il ne fit que répéter encore et encore que Dumbledore avait fait le mauvais choix en le désignant, qu’il était le plus grand sorcier de tous les temps et que… Mais attendez, le plus grand sorcier de tous les temps ? Venant de la bouche de n’importe quel autre sorcier, cela aurait semblé logique, mais dans la bouche d’un Mangemort, et encore moins de celle de celui qui l’avait assassiné de sang froid.
Les yeux de Lupin se plissèrent et une expression d’incrédulité apparut sur son visage. Mais qu’était-il en train de se passer exactement ?
Le faux conseil de Severus s’échappa dans le vide de la forêt alors que son expression quand il avait prononcé la phrase suivante resta gravée dans la tête du loup-garou. Et s’il avait eu raison depuis la mort de Dumbledore. Et s’il y avait réellement quelque chose d’étrange sous ce tragique événement ? Il essayait de se rattraper par une cabriole très peu élégante, mais Reus y voyait déjà un peu plus clair…

Tu aurais préféré qu’il te choisisse toi Severus ?

Première fois qu’il l’appelait Severus depuis le début de leur conversation. Jamais il ne l’avait appelé seulement par son nom de famille auparavant, ou juste quand il s’adressait aux autres membres de l’Ordre. Mais le meurtre qu’il avait commis l’avait rendu beaucoup moins sympathique, assez peu pour que Lupin refuse de l’appeler par son prénom.
Mais il savait qu’il s’en fichait. Au moins, Remus pouvait maintenant dire une chose : ils avaient enfin trouvés un point d’accord. Albus avait été et restera le plus grand sorcier de tous les temps, mais il ne trouvait pas normal qu’il puisse être d’accord avec un Mangemort.
Il commençait à comprendre certaines choses, et cela, Severus avait dû le remarquer lui aussi. Mais Lupin ne fit aucun commentaire pour le moment, parce que ses préoccupations étaient ailleurs…
Dumbledore était mort, là aussi il avait raison et Lupin craignait de devoir être d’accord sur le fait qu’il allait bientôt rejoindre son mentor. Il voyait les Détraqueurs se faire de plus en plus insistants, trop insistants, mais ils ne plongeaient toujours pas.

Je ne te ferai pas ce plaisir, pas aujourd’hui.

Mais alors qu’il venait de prononcer ces quelques mots, le premier Détraqueur plongea sur lui, suivit du deuxième mais… Il se passa une chose étrange. Ce n’est pas sur lui que le deuxième plongea mais sur Severus. Il plongeait sur un Mangemort ? Il était stupide ou complètement maso celui-là ?
Lupin n’eut d’autre choix, il fut forcé de lancer un patronus, pour être protéger de l’attaque. Sans cela, il était mort.

Spero Patronum.

Le patronus fut lancé et prit une forme sauvage, celle d’un loup, évidemment. Mais alors qu’il vit le jet de lumière blanche se transformer en cet animal, il en vit un deuxième, rpovenant de la baguette de Rogue. Sa lumière blanche avait rapidement pris la forme d’un animal que Lupin connaissait bien. Il avait souvent vu cette forme des années auparavant. Un rapide saut dans ses souvenirs lui rappela de qui il s’agissait. Lily… Rogue et Lily avaient le même patronus. Si cela n’avait pas été aussi rare, il aurait pu croire à un malentendu. Ils s’étaient connus par le passé, Remus s’en souvenait. Avant d’arriver à Poudlard. Lily lui en avait déjà parlé. Cela avait-il une importance ? Peut-être, ou peut-être pas…
Les Détraqueurs furent rapidement neutralisés, mais d’autres ne tarderaient certainement pas à arriver. Mais il était hors de question que Lupin ne s’en aille sans être sûr… Sans avoir la certitude que peut-être… Rogue n’était pas le monstre sans cœur qu’il laissait paraître…
Il ne prit pas le temps de retrouver ses esprits et lui demanda, curieux mais surtout surpris :

J’ai connu quelqu’un par le passé qui avait le même patronus. Ca doit être une coïncidence n’est-ce pas ?

Lupin ne croyait pas aux coïncidences, et il savait parfaitement que Rogue n’y croyait pas non plus. Bien sûr qu’il allait tout nier en bloc, parce que ça serait plus facile et que la facilité, c’était la spécialité de Severus. Mais il saurait rapidement s’il lui mentait. Il le connaissait depuis tellement longtemps. Il le connaissait tellement bien qu’il savait qu’il cachait quelque chose, quelque chose qu’il s’empêchait de révéler. Parce qu’après tout, pourquoi dire de Dumbledore qu’il est le plus grand sorcier du monde si on travaille pour celui qui se croit le plus grand sorcier du monde ?