Pour une virée avec toi ... ( FE; Connor )

Ce qui était une évidence, même aux yeux de parfaits inconnus qu'ils avaient pu croiser sur leur chemin, c'est que Connor et Joey était totalement opposés, autant au travers de leurs attitudes que par la façon dont ils prenaient soin de s'habiller. C'est du moins ce que pensa Joey lorsqu'elle l'observa un peu plus. Il était, comme la première fois où ils s'étaient vus, bien qu'il fut sombre et qu'elle ne put correctement le détailler, fringué d'une manière sobre qui lui allait à merveille. Ca lui donnait un certain charme un peu mystérieux. Au contraire de Joey qui, encore aujourd'hui, portait son éternel jean et un T-shirt au manches au 3/4 d'une couleur qu'on ne pouvait rater: Un bleu turquoise qui faisait ressortir ses yeux. Mais au fond, qui se préoccupait encore de toutes ces différences ?

L'atmosphère était festive. Autour d'eux, une multitude de Français, fiers de leur victoire, chantaient à s'en casser la voix. Certains étaient ivres, d'autres simplement heureux. La jeune femme écoutait les conversations qui se déroulaient autour d'elle. Française d'origine, cette jolie langue ne lui était pas inconnue. C'est pourquoi elle se surprit à fredonner avec eux l'hymne nationale et d'autres mélodies inventées sur le vif mais dont les paroles s'insinuaient dans vos pensées sans que vous n'ayez besoin de vous consulter auparavant. C'était vraiment une belle journée.

De vieux souvenirs lui revenaient en tête. De petites matinées dans les rues de Paris, des soirées à aller s'amuser entre amis dans les tavernes de la capitale française, ou encore ces après-midi passées à fureter dans les campagnes du pays vignoble. Le soleil presque toujours au beau fixe - ce qui lui semblait rare, en Angleterre -, et la joie d'une petite famille réunie. Les pique-niques où l'on fredonnait à tue-tête des comptines idiotes qui nous faisaient rire, des batailles avec son frère. Cet élan de nostalgie lui fit finalement promettre d'aller se promener prochainement à la campagne, en compagnie d'Aaron, son frère aîné. Ca devait également lui manquer, à lui qui devait être en quasi permanence en Roumanie, ou tous ces pays de l'est pour l'étude de la dragonologie. Métier difficile dont il s'était tout de même fait une vocation. Il aurait pu réussir dans bien des domaines de la sorcellerie, mais c'était ce qui l'avait le plus attiré. Il pouvait bien parler de sa cadette, car au fond, lui aussi était attiré par le danger.

Ces rapides souvenirs passés en revue, l'Auror reporta son attention sur son ami, qui sirotait tranquillement un café brûlant, tandis qu'elle avait préféré prendre un chocolat chaud. Elle avait toujours eu le café en horreur. C'est sans grande surprise que Connor partageait son avis au sujet de l'attrapeur français. Plus étonnant, en revanche, c'est qu'il s'était laissé allé à une sorte d'humour bien dissimulé. Ce qui était, d'après elle, bon signe, puisque jusqu'alors, le professeur était un homme assez réservé. Puis, c'est avec une mine d'enfant qu'elle attendit de voir s'il l'autorisait ou non à le tutoyer lorsqu'elle s'adressait à lui. C'était toujours la mimique qu'elle prenait lorsqu'elle faisait une demande, que ce soit à ses amis, ou à son frère. Et cela n'eut pas l'air d'échapper à son interlocuteur, qui en sourit cependant avant de répondre qu'il était d'accord.

Qu'il n'ait pas l'habitude de parler aussi librement dans son métier, c'était tout à fait logique. En tant que professeur, surtout lorsque l'on enseigne à Poudlard, il était hors de question de tutoyer un élève ou un collègue, et encore moins son employeur. Joey avait une fois testé avec le sien, mais ça ne s'était pas très bien terminé ... C'était lorsqu'elle était plus jeune, et qu'elle avait voulu aider son frère à payer le loyer de leur maison. Elle n'avait même pas encore fini ses études à Poudlard qu'elle s'était engagée, pendant les vacances, dans un petit bistrot de sa ville. Le patron avait fini par la virer pour " insolence et maladresse lors du travail ". Elle en avait été outragée. Après tout, une dizaine d'assiette, ça se repaie vite ... Mais pour en revenir au professeur, ce qui l'intriguait plus, c'est que cela paraissait vraiment nouveau pour lui. N'avait-il donc personne dans sa vie ? Amis, parents, petite-amie, ... ? Cela se confirma lorsqu'il lui avoua qu'il était peut-être seul depuis trop longtemps.

Jamais la jeune femme n'avait connu la réelle solitude. Bien entendu, elle avait perdu ses parents très jeune, et n'ayant aucune autre famille, les enfants Mc.Kingfield avaient ensuite dû se débrouiller seuls dans la vie pour payer leurs études et fournitures. Plus tard, alors qu'ils avaient récupérer la maison de leur enfance, il avait également fallu qu'ils la paient par leurs propres moyens. Mais même dans ces moments-là, Joey n'avait été seule. Son frère avait toujours été là pour la protéger, pour la choyer et l'aider. Il avait pris son rôle de grand frère très à cœur, et continuait encore aujourd'hui à s'occuper de sa sœur dès qu'il en avait l'occasion, sans vraiment réaliser qu'elle pouvait désormais s'en sortir seule. Elle ne pouvait pas non plus prétexter le fait qu'elle vivait seule. Parfois, son frère revenait à la maison. Et quand ce n'était pas le cas, elle avait tellement de travail au ministère qu'elle n'avait même pas le temps de passer chez elle. A Poudlard, son caractère ouvert et son côté extraverti l'avaient toujours aidée à se faire des amis, qu'ils soient de n'importe quelle maison. Non, jamais elle n'avait été seule.

Les seuls moments de solitude qu'elle connaissait désormais, c'était lors des missions qui lui étaient confiées, en tant qu'Auror, et qu'elle devait accomplir seule. Ces filatures où la discrétion était maîtresse de la situation lui laissaient la désagréable impression qu'elle était seule au monde. Ce qui était radicalement faux. Mais étant donné son don inexplicable pour se fourrer dans des situations impossibles, encore une fois, elle était loin de se retrouver complètement seule. Difficile de vous dire cela lorsque vous êtes entourée par les Mangemorts. Dans ces moments-là, on regrette la solitude. Ou on regrette de n'être pas avec un coéquipier, cela dépend du nombre d'ennemis auxquels on doit faire face.

Ces vagabondages dans son esprit vinrent à lui laisser penser qu'elle devait bien être la seule qui, même tombée dans un piège posé par les serviteurs du seigneur des ténèbres, ne ressentait pas la moindre peur. Et la seule qui s'en était toujours sortie, assurément. La chance, sans doute.

Elle ressentit un élan de tristesse à la pensée que, contrairement à elle, Connor connaissait la solitude. La vraie, la dure, celle qui vous donne froid dans les tripes et vous laisse face à vos plus sombres idées. Celle dont on ne sort pas si facilement, et qui ne vous donne pas du tout envie de changer de vie. Alors, finalement, sans réfléchir, elle posa sa main sur la sienne, et planta ses yeux bleus dans son regard sombre.


._On ne reste jamais indéfiniment seul. Pas si on a envie que cela change. Et si, pour toi, cela a assez duré, il ne tient qu'à toi de faire cesser ça.


Brutal retour à la réalité. " Qu'est-ce que tu viens de faire là, ma fille ? " Elle rougit, retira sa main et héla le serveur pour qu'il lui amène un autre chocolat chaud, prétexte pour ne pas montrer sa gêne. On tient à sa fierté, tout de même. Elle détourna donc la tête et observa un gamin dont le visage bariolé de rouge, de bleu et de blanc laissait deviner une grande joie et une envie de la crier sur tous les toits. Ce qu'il ne se gênait d'ailleurs pas de faire, armé d'un mégaphone magique. Tous les Allemands devaient sans doute entendre, au travers des autres cris, sa voix d'enfant excité qui criait victoire. Et nul besoin de parler français pour le comprendre. Le gosse avait un petit air provocateur. Comme elle, en fait. Ce qui la fit sourire.


._Il est mignon, tu ne trouves pas ?, demanda-t-elle tout en continuant de regarder l'enfant, Le bonheur d'un enfant tient en peu de choses, même par ces temps sombres. Ca fait plaisir à voir. Ca laisse un peu d'espoir dans le cœur des adultes. Ce n'est plus une rumeur maintenant. Il est revenu. Et je me demande bien où tout ça va nous mener ...


Finalement, elle lâcha le garçon du regard.


._De rien, pour le match ! Il faudra qu'on remette ça. Enfin, si tu en as encore envie, bien sûr ... Je suis certaine que je dois être saoulante à crier à tort et à travers ! Je pense que mon voisin de droite a eu envie de m'étrangler.


Elle éclata de rire, songeant qu'elle aurait pu le retourner comme une crêpe s'il s'en était pris à elle. Mais inutile de déclarer cela à voix haute, ça pouvait paraître effrayant ... Elle sourit à Connor. Décidément, elle le trouvait bien charmant de la supporter. Et bien charmant tout court.

Son regard sombre, ses expressions qui apparaissaient au fur et à mesure que sa langue se déliait, sa voix de ténor, ses cheveux jamais domptés, ou encore la manière dont il bougeait ses mains.

Et voilà que Joey ne savait plus trop quoi penser.