Tête à tête à califourchon ! [Fe]

Interview with the Lady Vampire ♥

Aliénor s'amusait énormément avec son nouveau jouet. Elle avait fait en sorte de le recevoir directement chez elle, afin de ne pas être vue et de pouvoir agir à sa guise avec lui. Il était si faible... Il ne savait même pas fermer son esprit ! Ah, ces anglais...

Ce n'était pas drôle quand c'était trop simple. La vampire avait percé facilement les barrières mentales de son cerveau et s'y promenait en toute impunité. Elle aimait rendre les hommes totalement fous d'amour pour elle. C'était chose faite avec celui-là. Il était totalement en son pouvoir. Habituellement, elle poussait les choses jusqu'aux extrêmes : elle le forçait à s'automutiler pour elle, ou à se défenestrer par amour. Ensuite, elle l'achevait avec ses crocs, tout en s'offrant un repas de reine. Autrement dit, elle joignait l'utile à l'agréable, mais avec ce Maxwell Weaving, elle ne pouvait se permettre de telles réjouissances. Il était trop influent dans le monde de la magie, et elle ne pouvait risquer un incident diplomatique. Ce n'était pas drôle de devenir trop sage, mais c'était le prix à payer pour vivre aux côtés du Ministre.

Malgré tout, elle s'était fait quelque plaisir en le persuadant de se dévêtir. Elle aimait savoir à qui elle avait à faire, et pour connaître la nature profonde d'un homme, il suffisait de le voir nu. Un homme n'est pas suffisamment intelligent pour avoir quelque chose à cacher intérieurement. Tout se résumait au physique. Chez celui-là, elle devait reconnaître qu'il était très bien conservé pour son âge, même s'il n'était pas son type. Elle les aimait moins trapus.

Aliénor l'observa sans vergogne tandis qu'il se rhabillait, et eut un petit rire en le voyant se débattre avec les boutons de sa chemise. Aucun doute, il n'appréciait pas que l'on se promène dans son esprit, c'était la raison pour laquelle elle ne laissait jamais aucun homme en vie.

S'approchant de lui, elle se saisit des deux pans de la chemise et entreprit de la boutonner à sa place.

"Détendez-vous, je ne mords pas... toujours !" dit-elle, plongeant son regard azur dans le sien.

Une étincelle de malice brilla dans ses pupilles aussi bleues et coupantes que de la glace. Elle commença à l'hypnotiser de son regard, le détendant par la même occasion, et lorsqu'elle avança une main vers lui, elle écarta les pans de sa chemise pour caresser légèrement son torse nu. Un petit sourire furtif éclaira son visage d'ange. Au lieu de boutonner la chemise de l'homme, elle avait enlevé quelques autres boutons.

"Doucement. Ce n'est pas la peine d'aller si vite en besogne." déclara-t-elle tout en remontant sa main jusqu'à son visage pour poser son index sur la bouche de l'homme. "Nous avons toute l'après-midi pour faire cette interview..."

Sa voix n'était plus qu'un murmure. Elle laissa échapper un autre sourire espiègle et se détourna de lui, le laissant bouche bée. Elle fit quelques pas vers son fauteuil, et en tapota le dossier du plat de la main.

"Asseyez-vous, Monsieur Weaving. Voulez-vous un thé ? Un remontant ? Les rafraîchissements sont garantis sans hémoglobine !"

Elle eut un petit rire qui secoua ses épaules dénudées puis croisa les mains sur son giron. Pour l'occasion, elle avait revêtu une robe bleu nuit, qui faisait ressortir l'éclat de ses yeux, et dont la jupe s'ouvrait sur un brocart argenté. Elle avait glissé un diadème gris brillant dans ses cheveux longs, laissant présager qu'elle se considérait déjà à la tête d'un royaume.

Elle lança un regard féroce à Maxwell, l'obligeant à avancer et à prendre place là où elle l'avait décidé.

Interview with the Lady Vampire ♥

C'était incroyable à quel point cet homme aimait brasser de l'air. Cela faisait une bonne dizaine de minutes qu'il parlait de lui, ce qui montrait très clairement qu'il avait un sérieux problème psychologique. Pensait-il que se confier de la sorte l'aiderait à surmonter ses faiblesses, ses doutes et ses peurs ? Quel crétin... Aliénor fut tentée à plusieurs reprises de le sortir de son hypnose en enfonçant ses ongles dans sa chair, ou en le mordant à pleines dents... Mais elle s'était retenue au dernier moment. Elle s'était contentée de le masser, éprouvant avec délice la sensation d'une peau inconnue contre la sienne... Non pas que la relation exclusive qu'elle partageait avec Vladimir la lassait, mais elle aurait souhaité un peu de nouveauté de temps à autres... Pour quelques minutes ou quelques heures...

Elle relâcha quelque peu son attention sur le dénommé Maxwell Weaving car il retrouva subitement ses esprits et se hâta de s'éloigner d'elle le plus possible, comme si la distance pouvait le sauver. Aliénor esquissa un sourire. Le pauvre idiot.

"Ainsi, mon attitude vous effraie. Je m'en excuse, la raison est que je n'ai jamais répondu à une interview. En tous cas, pas pour un magazine aussi éminent. Je pensais vous mettre à l'aise de la seule façon que je connaisse. J'ai beaucoup aimé votre petite danse pendant que vous enleviez votre chemise... Et tout ce qui s'est ensuivi..."

Le sourire de la vampire s'élargit devant l'effarement et l'inquiétude qui s'affichaient sur le visage de l'homme. Elle n'allait pas être plus explicite, elle adorait tourmenter ses victimes, semer le doute en elles, le fameux "Mais qu'est-ce que j'ai bien pu faire...?". Cette question se peignait très nettement sur les traits de Maxwell. Elle en aurait bien fait son quatre heures si elle y avait été autorisé...

Cependant, l'heure n'en était plus à l'amusement. C'est la raison pour laquelle elle s'adossa contre une bibliothèque joliment ouvragée et qu'elle consentit enfin à répondre à la question du journaliste, l'observant d'un oeil exaspéré tandis qu'il essayait de reboutonner sa chemise pour la seconde fois en moins de dix minutes.

"Il est question d'un couronnement auquel j'aurai ma place, en effet. Vladimir a promis de poser lui-même la couronne sur ma tête..."

Un sourire rêveur passa sur ses lèvres minces à l'évocation de cette information, puis son visage de porcelaine redevint impassible.

"Je garderai mes biens, après tout, il ne s'agit aucunement d'un mariage. Quelle curieuse idée !"

Portant une main à sa bouche, elle laissa échapper un petit rire cristallin avant de balayer cette éventualité d'un geste négligent du poignet.

"Cette demeure, tout comme les cinq autres, m'appartient depuis des siècles, et je ne m'en séparerais pour rien au monde. J'y ai vécu tant de soirées inoubliables, dégusté tant de... mets raffinés."

Son regard métallique plongea dans celui de l'homme, lui laissant présager qu'il pouvait lui aussi devenir un plat de choix.

Puis, elle le regarda d'un tout nouvel oeil lorsqu'elle prit conscience qu'il pouvait lui être d'une grande utilité. En tant que directeur de la Gazette du Sorcier, soit la revue la plus lue dans le monde de la magie, il avait sûrement des sources très bien renseignées qui pouvaient résoudre n'importe quel mystère. Aliénor avait justement besoin d'un renseignement très pointu sur un certain Ministre bientôt Empereur...

S'approchant de Maxwell d'une démarche nonchalante quoique calculée, elle ne le lâcha pas des yeux, cherchant à entrer en contact avec son esprit une fois de plus. C'était aussi facile que de faire glisser une lame de couteau dans du beurre...

"Monsieur Weaving, dit-elle d'une voix douce, presque enfantine, Voudriez-vous m'aider à résoudre un mystère ? Vous devez être si bien documenté sur tout le monde... et le défi que je vous propose, si vous le réussissez, vous permettrait de remporter énormément d'argent, car personne ne connaît la réponse à cette singulière question pourtant très simple : qui est Vladimir Manokova ?"

S'avançant davantage, elle fondit soudain sur lui avec la rapidité d'un rapace, levant brusquement ses bras dont les longues manches ressemblaient à deux grandes ailes bleutées, pour poser ses mains de chaque côté de Maxwell, assis sur un guéridon. Elle n'avait pas rompu le contact visuel, le poussant dans ses moindres retranchements, cherchant à faire sa volonté sienne. Il fallait que son combat devienne le sien. Il fallait qu'il comprenne... que cette question le maintienne éveillé jour et nuit... pour qu'elle sache enfin... enfin...

"Qui est Vladimir ?" murmura-t-elle d'un ton pressant, presque tremblant. "Le savez-vous ? Le trouverez-vous pour moi ?"

Je vous récompenserai grandement... Si vous me dites qui est cet homme avec qui je partage mes nuits... et ma vie.

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Elle l'avait vu dans un souvenir qui n'appartenait qu'à elle. Elle l'avait vu aussi sûrement qu'elle observait présentement ce journaliste. Il était là. Il faisait partie de son lointain passé. Vladimir était là en 1793. Comment la chose était-elle possible ? Cette question l'avait maintenue éveillée des nuits entières, la tourmentant jusqu'au supplice. Dès qu'elle avait tenté de percer le mystère, il s'était dérobé à ses paroles. Elle avait cherché la réponse par elle-même, en vain. Rien ne pouvait la renseigner sur son tendre amour. Il était aussi discret que bien habillé. O_o Aucune information douteuse ne venait entacher sa réputation, il semblait aussi pur que le jour de sa naissance. On ne pouvait rien apprendre sur lui qui remontait à plus de treize ans. Qu'avait-il fait auparavant ? La question ne paraissait intéresser personne. Il était un homme de mystère, mais Aliénor était fermement décidée à le résoudre. Bien entendu, elle ne pouvait révéler à Maxwell Weaving la raison exacte de son questionnement sur Vladimir, à savoir qu'elle l'avait vue en 1793. Déjà, cela reviendrait à avouer la manipulation que son frère avait exercé sur sa personne lorsqu'il l'avait torturée mentalement à revivre son passé. Elle ne pouvait se permettre de révéler de telles choses, ça ne concernait en rien cet homme !

Il fallait juste le persuader d'enquêter... Et à ce jeu, Aliénor était très douée. Même si pour l'instant, elle le laissait la prendre pour une imbécile. Il avait l'air de trouver cela tellement amusant. Elle avait tout son temps pour lui faire regretter son audace.

Jugeant qu'il en avait assez dit, la vampire attrapa l'homme par le col de sa chemise et le souleva de quelques centimètres au-dessus du sol, avec la seule force de son bras. Il était temps de lui montrer qui il avait osé insulter.

"Je sais très bien qui il est." murmura-t-elle, son visage à seulement quelques centimètres du sien. "Tout du moins, je connais le ministre. Je voudrais en apprendre davantage sur l'homme. Sa vie avant d'être à la tête du Grand Nord. Toute sa vie, de sa naissance à... la Cité Rouge. Il est auréolé de mystère, mais si vous le résolvez pour moi, vous serez récompensé au-delà de vos espérances les plus folles... Je peux tout vous donner, absolument tout. Tout comme je peux..."

Elle fit glisser sa main le long du col de la chemise, et referma ses doigts contre sa gorge, écrasant sa pomme d'Adam avec un sourire sadique.

"... Tout comme je peux tout vous prendre." chuchota-t-elle à son oreille. "Réfléchissez bien, je n'ai guère de patience."

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Aliénor eut l'irrésistible envie de passer ce damoiseau par la fenêtre. Il n'était qu'un coq blessé sans basse-cour pour l'admirer et le désirer.

"Nous sommes deux à montrer des signes de l'âge, même si vous en sentirez les effets bien plus tôt que moi, je le crains. Cela se voit déjà physiquement, sur votre visage... Quelques excès dans votre jeunesse, n'est-ce pas ? Vous les hommes, vous êtes tous les mêmes : vous pensez être les maîtres du monde, vous vous croyez tout permis, jusqu'à ce que votre âge vous rattrape. Je vous accorde encore quinze ans de vivacité, ensuite viendra la décrépitude. Vous verrez, cela n'arrive pas qu'aux autres."

Elle esquissa un petit sourire tandis qu'elle observait le journaliste de dos, lui-même face à la fenêtre. Elle perçut chez lui l'envie de la menacer de sa baguette. Tout le monde rêvait de le faire mais personne n'oserait jamais... Plus maintenant qu'elle était devenue le centre du monde. Ou plutôt, le centre de l'Empire.

"Je ne suis pas étourdie au point de vous proposer un paiement en Gallions. Je pensais vous assurer une protection permanente. J'ai entendu dire que vos petites enquêtes sur votre propre Ministère vous ont coûté quelques avertissements et menaces. Le Grand Nord dispose de certaines protections qui vous mettraient à l'abri de ce danger... Ou si vous trouvez cela inutile, pensez à votre fille. Qui sait combien de temps elle restera en sécurité ?"

Aliénor s'était très bien renseignée sur lui avant de le rencontrer, afin de savoir s'il était suffisamment doué et digne de confiance pour lui demander ce service. Peut-être allait-il prendre peur, et il ne serait que plus facile à convaincre. Mais elle n'était pas convaincue qu'il cèderait si aisément à la panique. C'était parfait. Il était l'homme qu'il lui fallait.

"Et il n'est en aucun cas question de mariage. Pourquoi pensez-vous automatiquement à cela ?" ajouta-t-elle avec une pointe d'agacement.