"Ca n'est que si proche de la mort que j'ai trouvé un sens à ma vie" [Fe]

And I see no bravery, No bravery in your eyes anymore. Only sadness. Feat Severus Rogue

Toutes les histoires commencent pareilles. Il est toujours question de bonheur, puis de malheur, d’amour suivit de douleur. Je n’avais pas échappé à cette règle. J’avais connu les bonnes choses de la vie mais elles m’étaient devenues insipides, intolérables mêmes. Je ne pouvais pas y avoir droit. Pas sans leur avoir rendu leurs honneurs. Je devais les venger et c’est pourquoi en leurs mémoires, j’avais décidé d’abandonner celle que j’étais. Je suis morte le jour où ma vie prit son sens.

La mission ne s’était pas tout à fait passée comme le « meneur » l’aurait espéré. En somme moi, je m’en fichais complètement. Après tout, je n’avais pas accepté de les suivre dans un but de gloire ou de pouvoir, voire même juste pour me faire bien voir de mes… nouveaux compagnons. Non, si j’avais accepté de me joindre à ces têtes brulés, c’était juste parce qu’un argument choc avait été sorti. « Beaucoup d’autres mangemorts y participeront. En plus de faire quelque chose de bien pour notre cause ma jolie, tu pourrais te faire beaucoup de relations… ». Les relations n’avaient aucune importance à mes yeux. Je voulais juste qu’il soit là. Je voulais pouvoir le revoir, me retrouver face à face avec lui, ne pas siller un seul instant devant ses yeux noirs si intenses. J’avais besoin de faire toutes ces choses avant de le tuer de mes propres mains. Lui au moins aura l’honneur de connaître son assassin. Mais rien n’était allé dans le bon sens. D’abord, effectivement je ne connaissais personne, rien de bien étonnant à ça je n’étais qu’une « bleue ». Ensuite, et ça je n’en avais pas du tout conscience, parce que c’était une mission « illégitime ». Pauvres nazes… Même pas capable de mener à bien leur tâche. Oui, je n’étais peut-être pas mieux, mais moi au moins je ne m’occupais pas de ce qui ne me regardais pas. Je me retrouvais donc là, dans une rue sombre de Godric’s Hollow, baguette en main, à l’affut du moindre son, du moindre geste. Pour ceux qui m’accompagnaient, il était indiscutable que « l’ennemi numéro 1 », plus communément appelé Harry Potter, se cachait en ces lieux. Je me souciais peu de l’élu mais maintenant que j’étais là, je n’avais pas le choix: il fallait que je suive le groupe.

Heureusement, ou malheureusement peut-être, nos plans furent stoppés net. On entendit un « plop » derrière nous qui, instinctivement, nous fit tous retournés, sur le point d’attaquer quiconque aurait révélé son visage. D’ailleurs, un sort fusa même, mais le nouveau venu le fit disparaître d’un coup de poignet. Dans la pénombre, je ne décelais aucun traits de son visage. Et il ne parlait pas non plus. Un retardataire? Un ennemi? Ce serait bien de savoir quand même! Alors que les autres mangemorts se dressaient sur leurs pieds pour découvrir son identité, allant jusqu’à l’interpeller directement, je me contentais de soupirer longuement, ce même air d’ennui éternellement affiché sur mon minois. Mais quelle bande de bras cassés… J'avais cru que, en plus de me faire accéder à mon but ultime, les mangemorts m'offriraient une occasion d’avoir une vie un peu plus palpitante! Je ne compris pas de suite pourquoi mon cœur s’arrêta de battre un instant. Et puis mon cerveau se mit au travail. Le sorcier restait dans la pénombre avait ouvert la bouche. Sa voix traînante, intimidante… je la connaissais. Sans m’en rendre même compte, moi qui me trouvais tout au fond du petit groupe, je me mis à pousser les autres, à faire des coudes pour passer devant et à mon tour le voir. Et alors, je le vis. Il était de profil et je ne pouvais qu’entrevoir qu’un seul côté de son visage, mais déjà je le reconnaissais. Severus Rogue. Il avait été mon professeur autrefois, mais je n’étais au courant de ses activités que depuis peu. Et je m’en fichais. Même si le maître des potions m’avait toujours intrigué dans mon jeune âge, mes souvenirs d’adolescentes ne comptaient plus. J’allais rebrousser chemin, presque deçue, lorsque ça se passa.

Il posa ses yeux sur moi. Sûrement que mon aspect juvénile et frêle au milieu de ce groupe de brutes titilla son attention. Ce simple contact visuel me figea sur place. J’étais plongé dans les ténèbres les plus profonds. En plein milieu d’un silence presque religieux, j’entendais des hurlements, des pleurs. Il ne parlait pas pourtant, se contentait de me regarder. Ses yeux… ses yeux si noirs. J’avais passé tout ma scolarité à Poudlard à les esquiver ses pupilles. Mais maintenant, je les affrontais avec une surprise, un hébétement inexplicable. C’était lui. Comment avais-je pu être aussi naïve, aussi stupide? Des années que je cherchais l’assassin de mes parents et j’avais passé sept années de ma vie à le côtoyer. J’étais de glace. J’étais comme morte. Et après le froid que cette révélation m’avait provoqué, un feu intense, brûlant tout sur son passage, m’envahit. Je voulais le tuer. Je devais le tuer.

And I see no bravery, No bravery in your eyes anymore. Only sadness. Feat Severus Rogue

Et il était là. Juste devant moi. Si fort devant tout ces minables qui tremblaient à sa vue. Si fier avec sa manche relevée dévoilant aisément son tatouage, son appartenance aux rangs du Lord Noir. Sa présence occupait pour moi tout l’espace, tout mon être. Les autres avaient disparu, moi-même j’avais disparu. Il ne restait plus que lui et ma haine à son encontre.

Pourtant une part de moi s’en voulait. D’abord, parce que j’avais été incapable de comprendre avant que la noirceur de mon professeur qui m’intriguait, voire me fascinait, n’était juste qu’une preuve de sa pourriture intérieure. Mais surtout parce que j’avais mis longtemps à le haïr. C’était horrible à dire. Mais le meurtrier de mes parents avait d’abord été le héros de mes rêves. Petite, dans cette famille qui n’était pas la mienne, je rêvais de ses yeux noirs, intenses, puissants, qui me regardait, m’englobait tout entière, moi la petite fille de cinq ans que j’étais. Je me rappelais de ses traits juvéniles, vieillis par le poids des actions qu’il avait choisi de commettre. Quel âge avait-il lui à cette époque. Dix-huit ans? Dix-neuf peut-être? À cet âge là, on ne devrait pas avoir le pouvoir de ruiner une famille, des vies toutes entières. Je revoyais ce doigt fin et maigre se poser sur ses lèvres à peine moins blanche que sa peau blafarde. Il m’intimait le silence. Et moi j’exécutais. Parce que je savais qu’il était supérieur à moi. Et j’avais voulu lui ressembler. Je voulais être forte et intimidante comme lui. Par Merlin… J’aimerai tellement pouvoir oublier ces stupides envies de gamine! Mon héros était devenu l’assassin de mes parents. J’étais alors devenue un peu leur meurtrier à mon tour.

Beaucoup avaient transplanés de peur de représailles. Nos visages à découverts, cette rébellion pouvait entraîner de sérieuses conséquences. Enfin, la mort quoi. J’avais perdu cette dimension horrible de la mort depuis que j’avais décidé de toute faire pour retrouver le mangemort coupable de tout ça. Nos regards se confondaient. Sa froideur naturelle devait faire face à ma haine incommensurable. Car non, je n’allais pas partir aussi facilement maintenant que je connaissais son identité, que je l’avais sous la main. J’aurais aimé pouvoir le tuer sur le champ, ma baguette dans la main exigeait d’ailleurs d’accomplir sa tâche. Mais, même si j’avais commis les pires choses par l’aveuglement de ma douleur, je n’en étais pas non plus idiote. Il aurait le dessus avant même que je ne puisse comprendre ce qui m’arrivait. Il fallait que je devienne plus rusé que lui. Il ne devait pas être comme le bras droit de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom pour rien.

Il leva un fin sourcil, comme pour comprendre pourquoi je restais si sombre. S’il ne m’avait pas reconnu spécifiquement, il avait compris que j’étais une de ses anciennes élèves. Une parmi tant d’autres. Mais contrairement aux autres, j’étais une élève dont la vie avait été ruinée par sa faute. La tension devenait presque palpable. Et je souris, brisant l’atmosphère qui régnait. Je ne sais pas si ce geste le perturbait vraiment, en tout cas il était évident qu’il ne s’y attendait pas. Nous étions désormais seuls, et c’est-ce que je voulais. Je baissais légèrement la tête vers lui - geste qui me coûtait énormément - et m’excusais avec une sincérité qui me surprit moi-même.

« -Pardonnez-moi… Je n’ai jamais douté un seul instant que notre Maître ai survécu cependant, cette mission m’a été présenté comme essentielle et surtout autorisée par les soins des plus proches du Lord. J’aimerais pouvoir servir notre cause pour le mieux qu’il soit mais je dois bien avouer qu’il m’est difficile après tant d’années loin de l’Angleterre, d’avoir la même connaissance que les autres du parcours fait et encore à faire… »

Voilà, le côté mangemort était lancé, en espérant que ça lui plairait. Je voulais maintenant qu’il sache qui j’étais. Pas totalement. Pas pour le moment en tout cas. Peut-être que savoir que j’étais autrefois son élève réveillerait en lui un sentiment de fierté qui sait? Après tout, il se croyait tellement tout puissant que sa vanité ne devait pas avoir de fond. Je relevais la tête et approchais légèrement, consciente que la promiscuité lui déplaisait. Un sourire léger, comme intimidé, sur les lèvres, je me présentais.

« -Vous ne vous souvenez sûrement pas de moi… Je suis Célia Acostini, j’ai été une de vos élèves il y a quelques années. Et je dois dire que c’est grâce à vous que j’ai compris combien il était important d’affirmer ce que nous sommes aux yeux de tous! »

Menteuse, terriblement crédible menteuse même.

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Il était venu parcourir le dernier pas qui nous séparait et ne me quittait pas des yeux. Je savais que j’avais réussi. Je savais que j’avais piqué sa curiosité à vif. Severus Rogue n’était pas encore du genre sénile, son esprit si analyseur retenait chacun des visages qu’il croisait ou du moins, les personnalités qu’elles représentaient. Ses pupilles noires semblaient vouloir me scanner tout entière, mais j’avais apprit à devenir quelqu’un d’autre, si bien que je ne savais plus très bien qui j’étais vraiment moi-même. Il était resté sur l’image de Célia Acostini, jeune fille de Poufsouffle pleine de joie de vivre, qui ne montrait jamais ce qui tournait vraiment dans son cœur, et qui bien sûr ne comportait ne serait-ce une once de noirceur en elle. Il avait désormais à faire avec Célia Acostini, jeune femme certaine de son choix: devenir l’assassin de l’assassin de sa vie. Je ris légèrement à sa remarque. Mystérieuse? La réciproque était de mise. Peut-être s’était-il aperçu de la fascination que j’avais pour lui plus jeune. Très loin du béguin adolescent, je voulais juste comprendre qui il était et pourquoi sa présence me troublait autant. La réponse était arrivée aujourd’hui, tardive en effet, mais tant espérée.

Il fit un pas pour partir. Mais comment pouvait-il me laisser là sans savoir ce que je cachais réellement? Mon attitude montrait bien que ça allait plus loin que la simple conversation de courtoisie et c’était voulue. Du peu que je le cernais, je ne pensais pas que ça sociabilité allait m’aider dans ma tâche. Non évidemment, il n’était pas du genre à faire de la propagande dans ses cours de potions. Même s’il n’aimait pas enseigner de toute évidence, il aimait la matière qu’il tentait de partager avec les jeunes sorciers. C’était le seul lien que j’avais avec lui, je devais donc l’utiliser. Ça n’était pas un mensonge de dire qu’il m’avait vraiment appris à affirmer qui nous sommes réellement. J’avais du grandir trop vite à cause de lui. J’avais du me passer de l’amour de quiconque, élevée comme une personne qui n’avait pas sa place parmi les autres. Je ne m’étais sentie bien qu’à Poudlard, j’avais l’impression d’avoir un lien avec mes parents. Mais même ça dorénavant il l’avait gâché. Ils s’étaient tous les deux rencontrés en sixième année d’étude, l’école de magie était donc le berceau de leur amour. J’imaginais Rogue errer dans les mêmes couloirs qu’ils avaient traversés, c’était comme les tuer une seconde fois. Un éclair de torture passa furtivement dans mes yeux: je revivais ce moment, j’avais cinq ans et je voyais des ombres tomber par le trou de la serrure. Sûrement qu’il ne savait pas ce que c’était de perdre sa raison de vivre. Je me reconcentrais sur lui, espérant fortement qu’il n’ai pas perçu ce moment de faiblesse. Je souriais une seconde fois. Il semblait encore plus imposant que d’habitude et je savais qu’il cherchait à m’impressionner pour me remettre à ma place. Je ne me laissais pas démonter, bien au contraire je lui faisais face plus digne et plus sûre de moi-même que je ne l’avais jamais été.

« -Ne vous méprenez pas, votre discrétion était telle que je n’ai eu la confirmation de votre allégeance pour le Seigneur des Ténèbres que bien après son retour, il y a très peu de temps en fait. Je parlais plutôt de votre assurance, de votre force. Je pense qu’on apprend qui l’on est réellement que lorsqu’on a prit une vie humaine. Ne pensez-vous pas? Nous vivons constamment si proche de la mort que lorsqu’on la touche du bout des doigts, c’est un bout de nous-mêmes qu’on emporte avec nous… Enfin, je suppose que pour vous, c’était pareil, la première fois que vous avez ôté la vie de quelqu’un? »

Mon cœur semblait vouloir exploser dans ma poitrine tellement ma haine m’envahissait tout entière. Se rappelait-il au moins du visage de mes parents? De celui de l’orpheline qu’il avait laissé derrière lui? Sûrement qu’ils n’avaient été que des noms sur une liste de choses à faire. Quoi qu’il en soit, son nom à lui était sur la mienne.

« -Après tout, on a tous du abandonner les enfants tourmentés que nous étions pour devenir les adultes que nous sommes aujourd’hui. »

Les rues de Godric’s Hollow étaient vides. Seules nos deux voix venaient briser la quiétude des alentours. Une atmosphère pleine de tensions régnaient, comme si notre seules présences venaient briser ce sanctuaire sacré. J’aurais pu grandir dans une rue comme celle-ci. Je relevais la manche de ma robe en coton grise, laissant apparaître le tatouage sur mon avant-bras. Ma main releva légèrement celle du sorcier pour la voir à mon tour.

« -Nous ne sommes pas si différents vous et moi. »

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Lorsqu’il avait rabattu brusquement sa manche sur son savant bras, mes doigts frôlèrent sa peau glacée et je réfrénais difficilement un long frisson. Il n’était pas du genre tactile, ça ça n’avait rien de bien étonnant. Mais qu’il ne s’en fasse pas, je ne comptais pas le tuer de mes propres mains. Enfin pas directement. La curiosité le rongé tout entier dorénavant. J’adorais ça. J’adorais le voir sans réponse, perdu, énervé par ma présence inexpliquée. Je n’étais pas une simple mangemorte, il l’avait bien compris. J’étais restée alors que tout le monde était parti, j’étais novice mais je n’avais pas eu peur de venir à sa rencontre, à faire un parallèle avec lui. Son regard d’habitude noir pour assassiner les gens était chercheur. Il voulait comprendre. Je ne le ferais pas ce plaisir. Quitte à ce qu’il meurt, autant le torturer un peu avant.

Il semblait hésiter: partir?, rester? La première option était trop dur pour lui c’était évident. Severus Rogue venait d’être pris au dépourvu et il n’avait pas l’habitude de l’être, ça allait le ronger totalement et tant mieux. Pendant de longues secondes, je me contentais de le regarder intensément. Et puis je répétais les mêmes gestes qu’il avait fait il y avait vingt ans maintenant. J’avançais ma main tout doucement vers son visage sans rompre notre contact visuel. Et alors que mes doigts étaient à l’imminence de toucher sa peau, je me rétractais et la ramener vers moi. Pour finir, je plaçais mon index fin sur mes lèvres rosées qui ne souriaient plus du tout.

Je reculais gracieusement de trois pas et, après un dernier regard, me retournais et remonter la rue sombre et silencieuse. Je pouvais sentir ses yeux posés sur mon dos, hésitants, surpris. Il ne pouvait pas le voir évidemment, mais une larme roula le long de ma joue pâle. Il avait était plus dur que je ne le pensais de lui faire face. Mais ce qui était surtout pratiquement au dessus de mes forces, c’était de le laisser partir de cette manière là: indemne mais en même temps touché dans un sens de cette rencontre étrange.