Je vole à la barbe des gardes ! [FE]

"Vous savez quelle est la différence entre un con et un voleur ?
... Un voleur, de temps en temps ça se repose !"
(Georges Lautner)

Depuis qu'elle était revenue du Grand Nord, il était arrivé nombre de choses à Nymphadora Tonks. Parmi les plus marquantes, elle avait apprivoisé un Pitiponk. Chose étonnante, il n'avait pas lancé sa lanterne à la manière d'une fronde pour produire des flammes destructrices et mortelles. La jeune femme aimait vivre dangereusement. Attendrie par cette petite créature transparente ressemblant à un fantôme chétif, elle l'avait gardé dans son appartement et l'avait affublé du prénom "Marcel". Allez savoir pourquoi.

Tonks avait également appris à cuisiner. Là, ça faisait carrément peur. Elle avait acheté le livre "La cuisine, c'est pas sorcier !" et avait entrepris de réaliser plusieurs recettes succulentes... qui finirent trop cuites ou carbonisées. Le pire dans tout cela, c'est qu'elle persistait dans ce domaine, au grand dam de ses voisins qui sentaient souvent des odeurs nauséabondes venir de chez elle.

Pour finir, et pour une mystérieuse raison, elle se trouvait à présent dans une galerie très haute, pourvue d'un plafond en verre, seulement traversée par la lumière de la lune et des étoiles. La jeune femme était vêtue d'un complet noir moulant à la manière de ceux des espions, et se fondait totalement dans l'obscurité, jusqu'à ses cheveux d'un noir de cendres. Levant sa baguette, elle murmura "Lumos" et de son extrémité surgit une boule de lumière éblouissante. Elle arpenta la galerie, pouffant en croisant son sombre reflet dans le miroir, et poursuivit son chemin à pas de velours. Une fois arrivée au bout, elle se stoppa face à un piédestal sur lequel était posé une vitrine carrée. Tonks gravit les quelques marches qui l'en séparait et une fois à sa hauteur, elle lança un sortilège qui découpa le verre comme du papier. Elle se saisit du morceau de sa main gantée avant que celui-ci ne heurte le sol et provoque un bruit assourdissant, puis attrapa délicatement le petit objet que contenait la vitrine. Elle n'adressa qu'un vague regard au médaillon incrusté de pierres précieuses (elle n'avait jamais été fan des choses qui brillent), et le rangea dans la poche intérieure de sa veste juste avant de la zipper à moitié.

C'est alors qu'elle entendit un bruit derrière elle.

Elle fit volte-face et vit une silhouette se dessiner dans le clair-obscur de la galerie. Elle ne discernait pas le visage de la personne, mais elle songea qu'il s'agissait d'un homme mince de taille moyenne, dont l'allure générale lui rappelait vaguement quelque chose. Elle tressaillit en se rendant compte qu'il tenait lui aussi une baguette, et qu'il la pointait droit sur son coeur. Tonks le garda en joue, essayant de rester parfaitement calme. Après tout, les alarmes Moldues ne s'étaient pas déclenchées, personne n'était au courant de ce qu'elle avait fait à part eux deux. Un petit duel pour finir la soirée, c'était assez tentant, non ?

"Tiens, un sorcier ici ! C'est très inattendu !" dit-elle sans parvenir à masquer son étonnement. "Vous faites votre shopping aussi ? Laissez-moi deviner : vous êtes chasseur de reliques ? Mangemort à la retraite ? Vous travaillez pour le gouvernement ? Quoi qu'il en soit, je suis désolée, mais j'ai déjà pris ce que vous venez chercher. Et si j'étais vous, je n'essaierais pas de le reprendre..."

L'intimidation, voilà la clé du succès. Elle n'était pas sûre que ça fonctionne, mais que risquait-elle, au pire ? Ils étaient tous deux armés d'une baguette. Que le meilleur gagne !

Un pour tous et tous pour Tonks.

"Vous savez quelle est la différence entre un con et un voleur ?
... Un voleur, de temps en temps ça se repose !"
(Georges Lautner)

Quel présomptueux, celui-là ! Il possédait une arrogance peu commune. Tonks, nullement impressionnée par ses menaces et ses explosions de vitrine, le maintint en joue avec sa baguette, tout en marmonnant :

"Si vous croyez que je vais avoir peur d'un gardien de nuit..."

C'était sûrement ce qu'il était. Il avait beau être un sorcier tout comme elle, il n'avait rien d'intimidant. Il était tout maigrichon, à en juger par sa silhouette, et ne ressemblait pas à une armoire à glace intimidante. Pourquoi aurait-elle capitulé ? Elle resta donc sur ses gardes tout en ayant une attitude parfaitement détendue, jusqu'à ce qu'elle entende un léger sifflement suivi d'un nuage de fumée qui s'échappait en continu à ses pieds. Perplexe, la jeune femme lança un regard outré à l'homme dont elle ne discernait pas les traits. Le scélérat, il ne plaisantait pas !

"Vous n'arracherez pas ce médaillon à mon cadavre !" s'écria-t-elle pour couvrir le bruit de l'alarme Moldue, se sentant traversée par un éclair de tragédie. "Je vais... je vais l'avaler ! Je suis pas sûre que vous ayez le cran de m'éviscérer pour le récupérer !"

Une super idée, ça... en théorie, bien sûr, car Tonks ne se voyait pas avaler ce truc qui pesait plusieurs grammes et qui allait lui rester sur l'estomac. D'un côté, si elle était censée mourir dans 5 minutes à peine, elle n'aurait pas le temps de le sentir... Ouvrant sa veste, elle enfouit sa main à l'intérieur pour en sortir le médaillon qu'elle déroula dans le vide, le maintenant par la chaîne. Elle le fixa un long moment avec appréhension, se demandant l'effet que ça devait faire de sentir un truc pareil tomber dans l'œsophage, déglutit avec peine, et ouvrit la bouche pour l'engloutir. A cet instant précis, elle se mit à tousser bruyamment et plaqua sa main sur sa bouche.

"Vous n'allez pas... me laisser crever... comme ça !" dit-elle entre deux quinte de toux.

Elle se cramponna au piédestal, lâchant le médaillon par la même occasion, se sentant étrangement faible. Ses jambes ne la soutenaient déjà plus. Elle fit pourtant quelques pas, vaillamment, songeant que ce boulot était décidément bien trop dangereux, et en s'approchant de l'homme, elle fronça les sourcils, oubliant de s'étouffer pendant un temps.

"Zach ??" s'étonna-t-elle, le souffle court. "C'est toi ?"

Elle eut à peine le temps de se concentrer là-dessus qu'elle cracha de nouveau ses poumons, tombant à quatre pattes devant lui. Une image incroyablement glamour. Une pensée particulièrement stupide lui vint à l'esprit alors que la fumée lui piquait les yeux et qu'elle ne parvenait plus à respirer : revoir son ex juste avant de mourir, on pouvait vraiment appeler ça l'ironie de la vie.

"Vous savez quelle est la différence entre un con et un voleur ?
... Un voleur, de temps en temps ça se repose !"
(Georges Lautner)

Il est curieux de constater que l'on retrouve les gens avec les mêmes défauts que lorsqu'on les a quittés. Le cas de Zach illustrait parfaitement cette théorie : il n'avait pas changé. Toujours aussi tête brûlée, plein de reproches et... mais que faisait-il ? Tonks en eut le souffle coupé quand elle ne le vit pas faire un seul effort pour la secourir. Elle allait mourir, et il s'en fichait ? Bon, il était vrai qu'ils ne s'étaient pas quittés en bons termes, mais tout de même ! Avait-elle si peu d'importance pour lui, finalement ? Une page qu'il avait arraché du livre de sa vie ? Profondément offusquée, la jeune femme garda la tête haute autant qu'elle put (car elle était toujours à quatre pattes, suffocant bruyamment), et se mit à avancer de la sorte, bien décidée à le rattraper. Il n'allait pas s'en tirer à si bon compte.

A travers un nuage de fumée grise, elle discerna Zach, debout au centre de la pièce, qui avait sorti sa baguette pour la lever au-dessus de sa tête. Il s'apprêtait à transplaner ! Vite, Tonks leva la sienne -qu'elle n'avait heureusement pas lâché- et la pointa vers le jeune homme. Heureusement qu'elle avait toujours été douée en sortilèges informulés, car comme elle était devenue aphone à cause du gaz, elle aurait eu bien du mal à se sortir de cette situation. Le maléfice agit aussitôt sur la baguette de Zach qui lui échappa des mains pour venir dans celle de la jeune femme. Elle lui décocha un sourire de défi, du style : "Je te la rends si tu me fais partir avec toi."

A ce moment-là, elle sentit une violente douleur dans son dos, et eut à peine le temps de comprendre ce qui se passait qu'elle sombrait dans l'inconscience la plus totale.

Lorsqu'elle reprit connaissance, elle se trouvait dans dans une pièce exiguë aux murs nus, étendue sur un lit superposé. Elle s'en rendit compte seulement lorsqu'elle voulut se relever et que sa tête heurta violemment le plafond. Plaquant les mains sur son crâne en ébullition, elle perdit brusquement l'équilibre et tomba du lit, c'est-à- dire un mètre plus bas.

"C'est vraiment pas ma journée." marmonna-t-elle, les mains toujours plaquées sur sa tête.

Ouvrant les yeux avec méfiance, elle aperçut alors un homme allongé sur le lit du bas, et qui avait été réveillé en sursauts par son chute inattendue. Il semblait aussi ahuri qu'elle, mais Tonks, entraînée à réagir même en cas de détresse extrême, se redressa juste assez pour étendre le bras et envoyer une gifle sur la joue imberbe de Zach.

"Ah, déjà une bonne chose de faite !" s'écria-t-elle avec jubilation. "Bon maintenant, tu peux me dire ce qu'on fait là ? Tu me séquestres ? Je comprends que ça ait pu être dur de vivre sans moi pendant ces dernières années, mais tu n'es pas obligé d'en arriver là ! Bon sang, tu es toujours le même gars irresponsable !"

Secouant la tête tout en lâchant un soupir, elle se laissa retomber sur le sol en grimaçant, car oui, le plancher, c'est dur. Elle observa le plafond un court instant, puis soudain, fronça les sourcils.

"C'est la salle de repos... On est au Ministère ?! Tu me séquestres au Ministère ?! Mais t'es timbré ou quoi ?"

"Vous savez quelle est la différence entre un con et un voleur ?
... Un voleur, de temps en temps ça se repose !"
(Georges Lautner)

Bon, apparemment, Tonks avait tout faux. Zach n'était pas devenu un espèce de maniaque obsessionnel. C'était rassurant quelque part, sauf quand il se mit à parler de cimetière... Elle fut parcourue d'un frisson étrange et fut contente qu'il change de sujet. Tout du moins, elle le fut sur le moment car lorsqu'il lui demanda depuis quand elle n'était pas venue chez lui, la mâchoire de la jeune femme lui tomba. Les yeux exorbités, elle lui lança un regard éberlué et tourna brusquement la tête dès qu'elle entendit du bruit près de la porte, soulagée que quelqu'un vienne. Cette conversation devenait vraiment trop étrange. Elle savait que Zach avait toujours été bizarre mais là, ça dépassait l'imagination ! Ils ne se voyaient pas depuis 4 ans et Monsieur se permettait de poser des questions qui les ramenaient à leur relation et à des fantasmes assez particuliers dans les cimetières... O_o Oui, il était grand temps que quelqu'un vienne et les ramène à la réalité !

Elle détailla rapidement le nouveau venu. Il portait une tenue d'Auror next gen -comme Tonks les appelait, car ils ressemblaient plus à des costumes dotés d'une cravate qu'à des robes de sorciers. C'était une tendance qui, elle en avait peur, allait finir par devenir réglementaire. L'Auror en question avait le crâne dégarni et un sourire jovial, qui contrastait fortement avec la sévérité de ses traits. On aurait dit qu'il se forçait à paraître sympathique, ce qui le rendait d'autant plus effrayant. Les mains derrière le dos, il déclara soudain, d'une voix sirupeuse qui fit dresser les cheveux sur la tête de la jeune femme sans qu'elle sache pourquoi (ces nouveaux du Ministère lui faisaient froids dans le dos) :

"Je vois que vous avez fait connaissance, c'est parfait ! Monsieur Saxon sera ravi de l'apprendre ! Bien, trêve de bavardages. Je suppose que vous avez le médaillon, hum ?"

Tonks fronça les sourcils, jetant un regard à Zach tandis qu'il sortait l'objet en question pour le remettre fièrement dans les mains de l'Auror. Cette attitude de petit vainqueur l'agaça au plus haut point et elle émit un petit "pfff..." du coin des lèvres. L'Auror le remarqua et, affichant une expression indécise, il demanda :

"Un souci, Miss Tonks ?"

"Du tout. J'avais... un moucheron sur le nez."

On ne pouvait pas faire plus pathétique, mais elle n'avait rien de mieux en magasin. La réplique de l'Auror termina de l'achever.

"Fort bien. Il aurait été dommage qu'il existe quelques anicroches entre vous, car M. Saxon souhaite vous confier une nouvelle mission, en équipe, cette fois-ci. Je suis persuadé que vous ferez un duo de choc !"

De quoi se mêlait ce M. Saxon ? Et qui était-ce ? Tant de questions sans réponse... La tête de Tonks lui faisait un mal de chien, et pas seulement parce qu'elle l'avait cognée plusieurs fois contre le sol. Tournant la tête vers Zach avec une exaspération non dissimulée, elle poussa un soupir et se força tout de même à sourire. ça allait passer vite, très vite.

Tout du moins, il fallait l'espérer.

TO BE CONTINUED