Noël après l'heure... [Pv]

Noël, un moment de l'année qui rend la ville vivante, en plein mouvement. C'est d’ailleurs pour cette raison seule que j'aime cette période.

Mais aujourd'hui nous sommes exactement le 3 janvier, il est 17 heure 38 et la ruelle de l'Allée des Embrumes dans laquelle mes pas hasardeux m'ont mené est presque déserte. C'est assez étrange. D'habitude, peu importe la saison, la météo, ce quartier est toujours en pleine effervescence. Effervescence de nature relativement malsaine, j'en conçois. Mais c'est ici que je suis le mieux. Pour échapper à mes parents et à mon précepteur, j'ai passé mon adolescence à sillonner ces rues et j'y suis finalement comme chez moi. C'est donc avec une nostalgie durement contenue que je passe devant cette librairie où j'ai acheté mes premières lectures, devant ce pub où j'ai touché pour la première fois au Whisky Pur Feu... L’Allée des Embrumes est ma seconde mère.

Mais bon revenons un peu sur Terre. Aujourd'hui il fait froid. Même très froid. C'est d’ailleurs sûrement pour ça que presque personne n'est dehors. C'est les vacances et je suis donc livrée à moi même, m'étant juré de ne plus jamais reposer un pied dans le manoir familial. Mes bras sont chargés d’emplettes variées, comme de la peau de dragon norvégien, des grimoires, quelques vêtements achetés sur le Chemin de Traverse... Avec ma seule main libre, je remonte le col de mon duffle-coat noir et rabat ma capuche bordée de fourrure -synthétique bien sur, on peut être une méchante Serpentarde tout en respectant les animaux!- C'est alors que mes pensée s'échappent à nouveau. Je me remémore la soirée d'hier soir. Il me reste nettement assez de Bierraubeurre dans le sang pour me faire arrêter mais je sais très bien que mon statut me protège. La seule utilité de mes parents fut celle d'être sorciers et donc de faire de moi une Sang-Pur. Je recommence tout juste à broyer du noir lorsqu'une silhouette sort de l'ombre et me percute en plein fouet. Rageuse, j'allais incendier l'inconnu -verbalement parlant bien sûr-, lorsque celui-ci se penche pour ramasser mes effets étalés sur le trottoir ! Je ne suis pas le genre de fille à apprécier la galanterie mais j'avoue que son geste me touche: il est vraiment rare qu'une personne côtoyant l'Allée des Embrumes fasse preuve de gentillesse. Il ramasse alors un collier, visiblement lui appartenant, qui est resté sur le sol et déclare, alors que j'allais le remercier et passer mon chemin :

• Pardonnez ma sortie quelque peu mal calculée. Si j'avais su, je serais sorti sans empressement. Il n'y a pas de mal j’espère? Enfin, désolé. Mon nom est Desmond. Desmond Teague. Enchanté, malgré tout, de vous rencontrer ici

Son ton «dandyesque» me fait sourire. De plus, son visage me dit vaguement quelque chose; et puis il faut avouer qu'il n'est vraiment pas mal, à la lumière du lampadaire clignotant qui éclaire tant bien que mal la scène. Sortant à mon tour de l'ombre et approchant mon visage à quelques centimètres du sien, je lui dis en affichant mon petit sourire narquois habituel:

• Quel curieux personnage! Vous me semblez bien distingué pour fréquenter un lieu comme l'Allée des Embrumes! Qu'est-ce qui vous amène ici?

Son regard me scrute et me gêne. Je pense avoir déjà croisé ce jeune homme mais cette insistance dans son regard me met mal à l'aise. Sa manière de parler laisse apparaitre un personnage plutôt amical et distingué mais je me méfie des apparences, qui sont souvent trompeuse, et encore plus des individus qui fréquentent l'Allée des Embrumes.

• Ce qui m'amène ici ? L'ambiance, les rencontres fortuites comme la nôtre... Mais encore... Certains revendeurs à la sauvette, tel celui avec qui j'ai fait des affaires derrière moi. Enfin, tout simplement la curiosité je suppose.

Alors comme ça lui aussi est un grand amateur des Embrumes. A première vue, je pensais qu'il faisait partit de ces individus qui se faufilent dans l'Allée en essayant de ne pas se faire voir, qui revendent leurs fautes inavouables et achètent leurs rêves artificiels, et puis qui, mine de rien, replonge dans le Chemin de Traverse et reprennent leur vie monotone. Je ne connais que très peu de personnes comme moi, qui aiment sincèrement ce lieu. J'hésite à demander son nom à ce singulier personnage. Vu qu'il se permet de me dévisager, j'en fais autant, avec mon petit air supérieur naturel. Comme je me l'étais déjà fait remarquer, cet inconnu est plutôt beau garçon, avec le même air hautain que celui que j'affiche depuis le début de notre petite rencontre. Il a de longs cheveux noirs qui encadrent un visage allongé avec une forte mâchoire. Ses yeux ont quelque choses d’hypnotisant, ils sont sombres tout en étant lumineux. Regarder les gens en face est l'un de mes principes donc, malgré le trouble que sèment ses yeux dans mon esprit, je ne détourne pas la tête et je continue mon inspection. Il est assez grand et je ne peux pas m’empêcher de sourire en me disant que son allure générale ne ferait pas tâche dans les soirée underground que je fréquente. C'est peut être d'ailleurs dans une de ces fêtes que je l'ai rencontré! Un autre détail me frappe : il me semble qu'il est, lui aussi, encore sous l'effet d'une quelconque substance. Mon flair me fait plutôt pencher pour l'alcool; vodka peut-être.

• Excusez-moi mais... je ne connais pas votre nom. Car, au risque de paraître présomptueux, je suis sûr et certain de vous avoir déjà vue quelque part...

A ces mots j'éclate d'un rire sincère. Son niveau de langage m'enchante. Puis soudain, l'alcool me tourne à la tête. Je pense à Drago, qui, lui, ne dois surement pas penser à moi, à September, qui me manque terriblement... et toutes ces pensées me donnent envie de faire ma garce.

• Sentiment réciproque. Ton minois me rapelle vaguement quelqu'un. On s'est surement déjà croisé ici, dans une de ces boutiques miteuse, ou alors dans un de ces bars. D'ailleurs...

Tout en prononçant ces mots, je m'avance vers lui, le faisant reculer, dos au mur en pierre d'un immeuble qui semble abandonné. La rue est déserte. Je lui attrape doucement sa seule main libre et je la plaque contre ma poitrine.

• ... peut-être que ça tu reconnais ?

• ... Pour être franc, une meilleure vision et ce que j'appellerai une examination prolongée ne seraient pas de refus. Mais malheureusement, cela ne me dit rien. Et pourtant, je ne crois pas que j'aurais pu oublier une telle chose, si vous me passez mon hardiesse.

Sa réponse me laisse un peu perplexe... Moi qui pensais être tombée sur un p'tit gars un peu pommé, me voilà en face de ce que je considère comme un vrai gentilhomme, un mâle qui a vécu. Fixant son visage, je me rends vite compte qu'après la première surprise passée, la situation ne le gêne pas du tout, au contraire, il semble plutôt heureux et près à en tirer avantage. Ces pensées m'arrachent une ébauche de sourire, rendue vague par l'alcool qui me tourne et tourne dans la tête. Vraiment fort ce Whisky Pur-Feu. Ou du moins, bien dosé le petit sachet qu'on a du verser dedans à mon insu. Toute cette agitation et ce sentiment de sauvagerie sensuelle qui monte en moi me rappelle ma dernière nuit avec September, avant qu'elle ne disparaisse dans la nature. Mes pensées sont entrain de s'envoler à nouveau, elles s'échappent et je ne parviens pas à les retenir. Je suis vraiment défoncée.
Mais heureusement que... quel est son nom déjà ? J'ai oublié.. Bref, que l'homme collé contre moi, bien ancré à mon sein gauche, me ramène à la réalité. En effet, il vient de se détacher lentement du mur à l'aide de sa main bloquée dans son dos et de retourner la situation à son avantage : je suis maintenant coincée comme une vulgaire sardine entre cet homme, plus grand que moi d'ailleurs, et le mur froid et suintant. Position désagréable pour une petite tigresse comme moi, un frisson me parcours l'échine. Je lui lance tout d'abord un regard mauvais mais le souffle chaud de sa respiration m’apaise et me renvoie dans les limbes alcoolisées qui peuplent mon esprit.

• ... Ça commence à devenir plutôt intéressant. Désolé d'ailleurs, je ne suis pas de ceux aimant être coincés contre des murs, même par de charmantes et belles jeunes femmes telles que vous. Navré. Est-ce que cette situation vous gène ?

De mieux en mieux... Maintenant que je suis acculée, il me demande mon avis. La tentation de l'envoyer se faire voir en beauté n'est pas loin... Mais étrangement, cette situation qui m'aurait été invivable en temps normal me semble plus que supportable. Puis soudain je réalise que j'ai encore ma capuche rabattue sur la tête... On ne va pas aller loin comme ça! Je dégage doucement mes bras, coincés entre le sien. En passant, j'effleure son torse et je sens, malgré ses nombreuses épaisseurs de vêtements, des muscles bien proportionnés. Puis je laisse tomber mon masque d'ombre. Quoi que, il fait tellement noir ici que ça ne change pas grand chose. Il ne recule pas, bonne nouvelle.

• Si ça me gêne?! Hummm...

Mes mains étant libres, je décide d'en profiter un peu. Prenant tout l'élan qu'il m'est possible de prendre dans cette position, je dirige ma paume à une vitesse folle vers sa joue. Je ne le quitte pas des yeux, je veux voir comment il réagit face à cette situation, si ses paroles ne sont que du vent. Et ce que je lis dans son iris, ce n'est pas de la peur, non, c'est peut-être de la tristesse. Ma main ralentie au dernier moment. Elle se dirige doucement vers son oreille et lui caresse le lobe.

• Mais dit moi, tu es chaud bouillant! Calme toi, tu fumes et la neige fond autour de toi..., dis-je avec mon sourire narquois habituel.

C'est vrai qu'il fait très chaud... Nous sommes dans une ruelle noire, déserte, humide et froide, et pourtant j'ai l'impression que mon corps est en ébullition. Nos visages ne sont qu'a quelques centimètres l'un de l'autre. Je sens son souffle qui me balaye la figure, qui se mélange au mien et qui s'envole en petits nuages de fumée. Nous sommes dans une bulle cotonneuse et, malgré l'inconfort de ma position, je me sens étrangement rassurée. C'est tout ce dont j'ai besoin.