Double trouble (Leaellyn & Eths)

Elle avait passé l'ensemble du voyage coincée avec trois filles de deuxième année complètement hystériques, le front collé contre la vitre du train pour observer le paysage pensivement. Elle avait du somnoler pendant la dernière partie de ce trop long trajet car l'arrêt du train l'avait surprise dans sa demi-conscience. Bonny avait trainé sa pauvre silhouette alourdie par la robe de sorcière qu'elle avait du enfiler à la va-vite, la main crispée sur sa poële (sous les regards curieux des plus attentifs), délaissant ses bagages avec une légère inquiétude. En descendant sur le quai noir de monde elle leva la tête pour fixer les étoiles, tentant de se repérer, avant qu'un élève de première année ne la pousse en direction

d'un géant.

Du haut de son mètre 37, elle fixa hagarde la silhouette qui la surplombait, sa barbe et sa chevelure brousailleuse mais avec une telle sympathie dans son regard brun qu'elle en fut toute rassurée. Avec un sourire timide, elle se tint immobile, attentive, et contint un frisson d'anticipation quand la voix de l'homme (mais était-ce bien un homme ?) s'éleva pour réclamer le silence et conduire les élèves à leur destination. Les plus âgés, semblait-il, prenaient des calèches, garées non loin de la gare, mais pour les premières années, leur arrivée se ferait par la voie des eaux, sur des barques illuminées attendant en silence leurs passagers.

Elle s'y dirigea d'un pas lent, se laissant dépasser par les plus empressés (sans doute de vrais sorciers) et grimpa dans l'une des dernières barques désertées, écartant les bras pour garder un équilibre précaire sur l'embarcation qui tangua dangereusement sous son poids. Avec prudence, elle s'installa sur le premier banc en poupe, effleura le bois soutenant la lampe, observant la surface lisse du lac et les ombrs au loin d'une forêt. Le géant avait lui-même prit place dans une embarcation de tête et semblait attendre un signal de départ. Il ne restait qu'une dizaine de premiers élèves sur la rive. Et au loin, comme une promesse, la silhouette d'un immense château tranchait avec le ciel de ses lumières vacillantes, monstrueusement immense.

"Crévindieu...." Murmura-t-elle, respectueusement.

Alors que les autres enfants avaient des parents qui leur disaient au revoir avec des yeux larmoyants, alors que tous semblaient se connaître et se repérer dans tous ces méandres qui ne me sont pas du tout familiers, alors qu'ils avaient déjà trouvé leurs marques, moi je me retrouvais toute seule, dans une cabine à peine aérée, qui sentait la transpiration à plein nez...
Pour un premier voyage, je croyais que la poésie pourrait s'emparer de moi, mais le mythe était brisé... non seulement par les ricanements incessants des jeunes qui partageaient ma cabine, mais en plus par les odeurs et l'ambiance elle-même relativement moins magique que j'aurai voulu le croire. Il ne fallait pas vraiment que je m'attende à quelque chose de merveilleux non plus, c'est une école dans laquelle je vais ; pas le pays de Candy. Mais j'avoue avoir eu ne serait-ce qu'un tout petit espoir quant à l'atmosphère qui pourrait éventuellement régner puisque je suis censée aller dans un endroit non côtoyé par les êtres humains normaux et sans pouvoirs.
Enfin, soit... Les longues heures furent épuisantes, et je me souviens avoir même réussi à piquer un somme au courant de l'après-midi, moins à cause d'un grand besoin de sommeil, que par un certain ennui...
Ouvrant les yeux, je me rendis enfin compte que le temps était passé plus vite que je me l'étais imaginé, et, toute contente, me dis qu'on était bientôt arrivés... Voyant que tous portaient le même uniforme, je me dis qu'il serait bon que je me change, moi aussi...

Le bientôt a duré quatre heures. Quatre heures d'horrible et lente agonie ! J'étais persuadée que je n'y arriverais jamais ! Quatre heures durant lesquelles j'ai transpiré dans ma nouvelle robe de sorcière... génial ! De toute façon, je n'ai plus de questions à me poser, je sens comme une pression tout à coup... le train s'arrêterait-il enfin ? Sommes-nous à bon port ? Des grands commencent à observer alentours, ils sont alertes, ils savent qu'il va se passer quelque chose. Oui, c'est sans doute ça ; le train va s'arrêter. Un des élèves qui fréquentent l'école depuis longtemps s'approche de moi, et avant que je porte la main à mes bagages, me dit d'oublier de prendre mes affaires. Quelqu'un s'en chargera à ma place. Je murmure un timide "merci", n'osant pas regarder l'élève dans les yeux et sentant le rouge me monter aux joues...
Alors je me lève et les suis, tous ces grands qui savent où ils vont... et me retrouve au milieu de la foule immense !!! Autant d'élèves dans un seul endroit ? Espérons que cette école soit assez grande pour tous nous accueillir ! Espérons que s'ils doivent en virer un, ça ne soit pas moi !!!

Au loin, un grand bonhomme à la barbe hirsute demande aux premières années de le suivre... je suis bien une première année, hein ? Oui, sans doute puisque je ne connais rien à ce monde bizarre, et que d'autres semblent aussi perdu que moi...
Mais à peine ai-je fais cette observation que soudain, je me sens bringuebalée dans tous les sens, bousculée, pressée, perturbée, ballotée d'un endroit à un autre, par la cohue de jeunes de mon âge qui sont tout simplement plus grands que moi, et qui arrivent au géant en me laissant quasi seule de mon côté, derrière, à la traine comme d'habitude !
Je me précipite à mon tour et arrive vers lui, toute essoufflée... je vais aller à la première qui s'offre à moi pour ne pas être remarquée. Voyant qu'à son bord se trouve une jeune fille aussi rousse que moi, je me dis que je pourrais faire plus ample connaissance avec une autre éventuelle irlandaise. Maman a dit que le roux était typique des irlandais !
Mais à peine vais-je monter à bord que je l'entends parler :

_ Crévindieu

Ouh la ! Elle a l'air perchée celle-là ! Si elle parle pas anglais, on va sans doute pas arriver à se comprendre ! Vite se décider et prendre une autre barque... ciel ! Elles sont toutes remplies et parties... ne reste donc plus que celle-là...
Me faisant alors toute petite pour qu'elle ne se retourne pas, je m'installe à mon tour dans l'embarcation qui semble si fragile... elle tangue... Je ne suis jamais allée sur l'eau ! C'est terriiiiiible...
Je m'assoie enfin, histoire d'équilibrer enfin l'habitacle...
Ouf, je suis en vie !

Le tangage du bâteau s'accentua sous l'arrivée soudaine d'une petite fille de son âge. Petite au sens propre, jugea Bonny en tournant la tête, la saluant d'un sourire enjoué. La p'tiote avait l'air aussi paumée qu'elle et avec cet air chouineur sur le visage elle ne pouvait que se sentir proche mentalement de cette gamine dont elle ne savait rien. Une étrangère aussi paumée qu'elle sur cette frêle embarcation en sommes. Elle quitta le premier banc pour la rejoindre, claquant le téflon de sa poële sur le banc tout en avançant, et lança d'une voix guillerette:

"Lo toué ! Dij-donc tu saurais poué où quy nous emmène dans c'fourbi d'château d'fort ? Pèrce que moué j'ai une de ces frousses vrai ! Les aut' dans l'train m'ont rien dit dijdonc. Tpenses quoué ?"

Elle s'effondra sur la place devant elle, avisant d'un regard l'avancée soudaine des autres embarcations, semble-t-il guidées vers le château par un quelconque fil invisible. Sous ses pieds, elle sentait les premières secousses prévenant un départ imminent mais la barque vacilla violemment sous l'arrivée soudaine d'un troisième passager qui, contrairement à elles (et aux autres garçons quelle idée bizarre ma foué), ne portait pas la robe noire d'uniforme mais un déguisement de pirate assez convaincant. Ouvrant la bouche sous la surprise, elle le regarda passer de banc en banc avec agilité pour s'accrocher à la poupe, la main en visière.

"Mais kess donc..."

Le gamin fit aussitôt volte-face, dégainant une épée accrochée à sa hanche. Bonny sursauta violemment, pointant par réflexe sa poële comme seule arme pouvant combattre le fou qui hurla soudain:

« - Souquez moussaillons, souquez. Nous prenons du retard marin d’eau douce. »

Avec un hoquet, le canot sembla obéir à ses ordres et avança sur l'onde, à la suite des autres embarcations. Ni Bonny, ni la ptiote n'avait eut le temps de prononcer une seule parole, ou même de faire le moindre geste. Le gosse aux cheveux longs eut l'air particulièrement ravi de ce départ mais Bonny se redressa soudain, manquant de s'affaler au fond de la barque sous son geste brusque, mais se rétablit sur le banc, les pieds écartés.

"Mais pouète donc ça aut' part vieux fol !" lui hurla-t-elle soudain, attirant certainement l'attention des embarcations les plus proches.
T'vas ty pas que tu nous fais peur noué ? C'est-y pas bien dans ta tête toué pour emmener ça ici ! Quess donc ça là ton costume ? T'es-ty un marin paumé mon vioële ?"

D'un coup de poële, comme parant un coup, elle repoussa la lame, le fixant avec colère, menton relevé. La gueuse se ferait pas rabaisser le caquet par un loup de mer, crénom de campagnarde !

A peine suis-je arrivée dans l’embarcation que je me retrouve immédiatement harcelée par cette première passagère que je n’attendais pas à avoir si près de moi. Avec son espèce de poêle à frire, elle s’approche de façon dangereuse alors que je comptais me faire discrète et ne pas ameuter son attention – oui, ameuter, parce que son attention à elle semble valoir celle de cinq enfants de notre âge – qui se trouve finalement littéralement focalisée sur moi ! Elle se tourne vers moi et me fait un grand sourire… Bien sur, j’ai été bien éduquée ; de plus, voir qu’une autre fille de mon âge paraît finalement aussi paumée que moi parmi tous ces élèves qui s’y connaissent apparemment si bien, me réchauffe un peu le cœur. Peut-être serai-je moins seule, finalement ? Elle se lève de son siège et s’assoie juste à mes côtés, histoire sans doute de faire connaissance, idée que finalement, je ne rejette pas. Parce qu’une bonne amie, j’en aurai besoin pour l’année à venir. Pour sur ! Alors à mon tour, je lui sourie. Tant, elle jurait en voyant les ombres imposantes que projetait le château face à nous…
Je n’ai pas le temps de placer un mot qu’elle entonne alors, postée à mes côtés :

_ Lo toué ! Dij-donc tu saurais poué où quy nous emmène dans c'fourbi d'château d'fort ? Pèrce que moué j'ai une de ces frousses vrai ! Les aut' dans l'train m'ont rien dit dijdonc. Tpenses quoué ?

Je la regarde, les yeux agrandis par la surprise et par l’espérance sans doute vaine qu’elle vient de me faire une blague. Je ne pige pas un seul des mots qu’elle vient de me dire là ! La bouche entrouverte en signe d’incompréhension, et bien sur, rien qui en sort. Parle, mais parle bon sang, ma petite Lou ! C’est pas une étrangère qui va te faire avaler ta propre langue quand même !! Enfin, une étrangère ; peut-être pas tant que ça, après tout. Elle semble avoir prononcé des mots que je connais, mais alors dans la phrase de gromelot, je ne discerne pas grand-chose qui m’aiderait à comprendre exactement ce qu’elle peut bien m’avoir dit !
Je reste là, à me demander si je dois rire ou pleurer, à me demander si je ne devrais pas lui proposer de répéter ce qu’elle vient de me dire, car sans doute est-ce l’excitation du moment et du lieu où nous sommes qui me rend soudain stupide… mais à peine ai-je ouvert la bouche pour lui dire que je ne comprends pas très bien ce qu’elle me raconte d’une voix gentille pour qu’elle ne le prenne pas mal, qu’à nouveau, la petite embarcation se met à tanguer de façon plus dangereuse encore qu’avant ! C’est alors qu’une espèce de pirate nain s’est posté à l’avant de notre mini-bateau et s’est mis en tête de beugler à tout-va :

_ Souquez moussaillons, souquez. Nous prenons du retard marin d’eau douce.

Mais… mais… c’est une blague ! Je le regarde, oubliant totalement ma nouvelle voisine et reste muette durant une petite seconde… et encore une fois, je me laisse dépasser par les événements ; l’autre fille a été plus rapide que moi, elle se recule légèrement, apparemment aussi choquée que moi par cette nouvelle apparition mais se lève, ne voulant pas en rester là, pour lui crier aussi vite qu’il est arrivé :

_ Mais pouète donc ça aut' part vieux fol ! T'vas ty pas que tu nous fais peur noué ? C'est-y pas bien dans ta tête toué pour emmener ça ici ! Quess donc ça là ton costume ? T'es-ty un marin paumé mon vioële ?

Et comme si ça ne suffisait pas, elle se met à prendre son instrument pour une arme de pirate, et flanque un grand coup à l’espèce de sabre d’abordage du garçon !

…

C’est une vaste mascarade ! J’observe les alentours, et bien sur, ce à quoi je m’attendais arrive : tous les yeux des autres élèves sont rivés sur nous. Sur les deux hurluberlus et leur langage si bizarre, et moi… qui semble finalement faire partie du lot ! La honte finit de me ronger et fait place à la nervosité… trop forte, la nervosité ! Je n’y tiens plus, je me mets à hurler de rire, un rire hystérique, un rire si fort que ma future réputation n’est plus à faire, qu’elle est déjà toute tracée ! Tant pis, au moins je commence mon périple au sein de cette école avec un excellent moment en tête ! Lui, il me sera gravé à jamais dans le cerveau ! Lui avec son costume marin, elle avec ses manières de gueuse et moi avec mon rire de folle furieuse ! Je crois que nous étions faits pour nous rencontrer !
Sans les montrer tous deux du doigt, parce que je ne tiens plus, les jambes flageolantes, je me tors de rire sur la planche qui me sert de siège… c’en est trop ! Inutile de chercher à comprendre leurs dires, ils me font bien assez rire !!!

Le fou rire de la p'tiote lui arracha un haussement de sourcil interrogatif et la paysanne tourna la tête vers la gamine, esquissant un sourire involontaire sous l'hilarité de leur compagne de voyage. Ce n'était pas à proprement parler joyeux, plutôt nerveux, mais le spectacle qu'ils lui offraient devait être, en vérité, assez marquant. Reprenant la pose, elle s'adressa à la petite fille d'une voix clairement amusée pour sa part:

"T'inkète donj-pa ma nine, j'va pas lui d'fèr du mal à c'morveux. Il va chapprendre que l'on donne pas d'ordres aux dames
vrai !"

Faisant volte-face, elle tendit son bras et sa poële en direction du fleuret de l'autre, toujours défiante. Le marrin y réagit aussitôt comme elle l'espérait, lançant d'une voix tonnante:

« - Une mutinerie ? Je ne saurais tolérer ce comportement sous mon pavillon, vile forban ! Présenter vos excuse et vous ne serais pas mis à la baille ! »

Il est vrai que son vocabulaire n'avait rien à envier au sien et qu'elle devina plus qu'elle ne comprit le sens de ses paroles. Avec une révérence clairement offensante, elle répliqua aussi sec:

"Mais vioué là mignon, tu tâteras d'ma piouèle bien avant que tu m'chicane pou'bon. Vaudrait mieux que tu ôtes ta chemise mioué passke tu vas trempette ton joli minois de mousse avant dire la priouère."

Le regard du garçon effleurant la silhouette toujours installée derrière elle, Bonny en profita pour avancer d'un banc, frappant l'acier de l'épée une nouvelle fois, en une attaque précise, elle qui, à demeure, chassait ainsi les rats qui s'aventuraient de trop près dans les réserves de pâtes de sa mère. Ce n'était pas une as du combat à l'épée mais pour une enfant de 11 ans au caractère vindicatif, elle était suffisament à même de lui mettre une branlée si le pirate amateur maniait l'épée avec moins de dextérité que ne le laissait supposer son franc parler.

Malheureusement pour Bonny il était clairement évident que le jeune moussaillon en avait apprit suffisament sur son arme pour la manier avec expertise. Le besoin de se faire respecter ferait une rencontre potentiellement douloureuse avec l'entrainement. En attendant, elle était parée au combat et reprit sa place défendante, le bras toujours tendu, le regard alerte. Sous ses pieds, l'embarquation fendait les eaux noires, ignorante du duel, comme l'étaient les élèves éloignés ainsi que le professeur qui menait bon train les premières années vers un Poudlard toujours plus proche.

Et rien alentour semblait-il pour arrêter les minots dans leurs fanfaronnades.

Malheureusement je ne suis pas arrivée au bout de mes peines ! Bien sur, la situation devait bien s’aggraver à un moment donné, mais pour l’instant, je suis absolument incapable de gérer ça, et de forcer mes nouveaux compagnons d’aventure à baisser d’un ton et à respecter les ordres, qui sont à la base de rester assis dans les barques et de ne pas se battre ! Mon rire est trop fou pour que j’en prenne le contrôle et je crois bien que les deux caïds n’ont pas tout à fait terminé ce qu’ils ont à se dire ! Cependant, si je ne me ressaisis pas, les choses pourraient vite dégénérer !
La fille se tourne vers moi et me sourit, je me sens soudain moins seule ! Elle ajoute un truc que je ne comprends toujours pas, mais s’il s’avère que cette gamine sera ma future partenaire de chambrée, il serait bon que je me fasse immédiatement à son vocabulaire ! Alors je lui fais « oui » de la tête, sans cesser de rire, parce qu’elle semble être certaine d’elle et de ce qu’elle fait.

Mais bien sur, mes craintes sont fondées ; après avoir chancelé sans doute par ma réaction à leur altercation si soudaine et étrange, le marmot se ressaisit et pointe à nouveau son arme réelle et sans doute coupante sur la fille…
Ca commence pas à être un peu dangereux là ? Dangereux ou pas, cela ajoute à mon rire de folle !

_ Une mutinerie ? demande-t-il alors d’une voix forte et presque grave de capitaine de navire. Je ne saurais tolérer ce comportement sous mon pavillon, vile forban !

Mais non, mais non, c’est pas une mutinerie, c’est juste que t’as été un peu brusque, et puis tu sais, pointer son arme sur les autres comme ça, faut avouer que quand on est pas habitué, ça surprend ! Si seulement j’étais dans la capacité physique de dire ça ! Mais non, je n’arrive qu’à rire plus encore, et mes larmes viennent à sympathiser avec le bord de mes yeux fermés par l’hystérie qui s’est emparée de moi… mais c’est loin d’être terminé ; l’enfant enchaîne :

_ Présenter vos excuses et vous ne serais pas mis à la baille !

Mise à la baille ? Nan ! J’y crois pas ! Ca serait enfreindre une des règles de l’école ! Rien qu’à voir les regards quasi affolés des élèves de l’école dont les barques sont asses proches de la notre, j’en viens à retrouver un semblant de sérieux… C’est alors qu’elle ajouta pour lui quelque chose de ce genre-là :

_ Mais vioué là mignon, tu tâteras d'ma piouèle bien avant que tu m'chicane pou'bon. Vaudrait mieux que tu ôtes ta chemise mioué passke tu vas trempette ton joli minois de mousse avant dire la priouère.

Avant que tout le monde perde les pédales, il serait bon de se ressaisir et de remettre un peu d’ordre à tout ça… on pourra recommencer à rire après… pas que je ne sache pas nager et que j’ai peur de me retrouver à l’eau, mais le moment n’est pas vraiment approprié !
Je relève mes pauvres petits yeux embués par les larmes et ai à peine le temps de croiser le regard de ce corsaire improvisé que la jeune gueuse se jette presque littéralement sur lui et tente de le pourfendre de l’objet qu’elle tient en main… heureusement pour eux deux qu’il ne s’agit pas d’un épée… et du point où je me trouve, le spectacle m’offre un véritable combat entre deux capitaines se disputant une carcasse ou bien de l’or…

Tandis que le navire devenu théâtre d’un étrange ballet dansant devant mes yeux dot les larmes ont été essuyées, je me reprends et décide d’intervenir… Ca serait pas bon de commencer les cours à l’école comme ça !

Alors quoi ! Je me lève et décide de faire parler un peu de moi en tant que personne, et non qu’accessoire de cette pièce si bien improvisée !

_ Attendez, peut-être qu’on devrait att…

N’ai-je pas terminé de parler, que je sens soudain le contrecoup de l’énorme bêtise que je viens de faire : Mon poids a beau être inférieur à ceux des deux énergumènes qui voguent avec moi, je n’en suis que plus fragile, et c’est ainsi que, m’étant levée, j’avais exercé un contrepoids sur le moyen de transport, qui chancèle et mes jambes heurtent le côté de la coque… malheur à moi !
Me voilà littéralement projetée à l’eau, sans aucun moyen de m’accrocher à quoi que ce soit, et c’est pas faute d’avoir tendu et agité les bras en tous sens pour ce faire ! En deux temps trois mouvements, je me retrouve immergée, baignant non seulement dans ma robe de sorcière, du coup, mais en plus dans cette eau qui, en ce mois de septembre, et en cette soirée plutôt fraîche, se trouve être glacée ! Plus que glacée !

Au secours ! A la flotte, la minotte ! J’ai pas l’air fin ! Moi qui voulais passer le plus inaperçu…

Le combat semblait pourtant bien partit et l'attaque du garçon lui fit reculer le torse, poële toujours en avant, sentant l'air froid et l'acier effleurer sa peau ainsi que le tissus de sa robe dans un sifflement sonore. Bonny s'apprêta à répliquer, un sourire mordant aux lèvres, pour tenter de rabattre le caquet à ce morveux non pas par désir de vaincre mais par jeu. Ils étaient après tout deux enfants et comptaient bien le demeurer encore quelques années, même dans cette passade, ce duel faussement adultes où, d'une certaine manière, ils apprenaient à se connaitre, échangeant des passes d'armes comme d'autres se disent des amabilités.

Mais le cri de la p'tiote et le "PLOUF" sonore qui suivit quelques instants plus tard, l'arrachèrent à son plaisir. Bonny abaissa sa poële tandis que la chaloupe virait violemment d'un autre côté. Ecarquillant les yeux, elle reprit son équilibre de justesse et plongea son regard dans les eaux noires troublées par le plongeon soudain de la petite fille. En quelques secondes, dans un mouvement en parfaite adéquation avec celui du mousse, elle délaissa sa poële et fonça à babord, manquant de retourner la chaloupe, plongeant son bras dans l'eau pour saisir quelques doigts puis une main et enfin un avant bras, arrachant la rousse à l'onde traitresse tandis que quelque chose, au loin, effleurait la surface en un mouvement courbé, s'enfonçant dans le lac.

Sa pensée ne fut qu'une série de points d'exclamations tandis que la gosse, à moitié sortie de l'eau, crachait sa tasse. Elle se recula de l'autre côté pour équilibrer le canot, tirant toujours la petite, les muscles bandés et en quelques secondes, sous les regards ébahits des quelques élèves alentours, il y eut une silhouette trempée et claquant des dents sur le pont de leur chaloupe. Haletante, Bonny avisa la surface de l'eau tandis que la voûte d'entrée de Poudlard se dessinait non loin d'eux, déjà franchie par les premières chaloupes, mais ne vit rien de semblable à ce qu'elle avait cru entrapercevoir: un rêve, un cauchemar.

Sa tête se rabaissa sur l'enfant et elle se pencha vers elle, inquiète, tout en retirant sa robe à moitié sèche pour en recouvrire la silhouette glacée.

"T'vas bien mioué ?"

Elle retira quelques mèches trempées du visage de sa semblable, l'observant quelques secondes avant de rajouter, sous une impulsion.

"Au fate, j'm'suis poué présentiée. J'm'appelle Bonny Prewet."

Dans le lointain il y eut des appels à l'intention d'Hagrid mais Bonny ne cilla même pas, son attention entièrement tournée vers ses compatriotes. Une drôle de façon de commencer l'année, ça d'vrai.

Tout est flou autour de moi... tout est noir-bleu, avec quelques petite touches de jaune, mais c'est vraiment faible et trop tremblotant pour que je sache exactement si c'est la réalité ou si ce n'est qu'un rêve ! Où suis-je ? C'est si froid et si...

Dans le lac ! Là où je ne devais surtout pas atterrir pour ne pas donner de mauvaise impression sur mes futurs professeurs ! je déteste faire mauvaise impression sur les gens, en particulier si je dois les supporter pendant un an, voire plus.
Me rendant compte que je manque soudain de cet air qui m'est pourtant si vital, j'ouvre la bouche en vain, puisque respirer cette chose me serait forcément fatal... alors quoi ! Je me mets à espérer que quelque chose me sorte de là, tandis que je sens les profondeurs de ce lac m'avaler lentement, mais inexorablement ! Et tandis que je me débats dans ces eaux si calmes et si douces, tandis que mes pieds s'emmêlent dans cette satané robe qui ne m'aura causé que des soucis, tandis qu'avec les bras, je tente d'abord de trouver la sortie des manches de ce vêtement apparemment trop grand pour moi, quelque chose semble se glisser tout contre moi !

Panique !

Persuadée que cet endroit est sans aucun doute infesté de méduses, je décuple mes efforts, je bouge de plus en plus, pour ne rien donner de très productif, au final ! Bien entendu ! Je sais bien qu'il s'agit d'eau douce, mais je suis certaine qu'il existe des méduses d'eau douce !
Et je vais pour perdre espoir lorsque finalement, quelque chose me tire par les deux bras ! Voyant mon, ma ou mes sauveurs au travers de cette eau, je ne peux que remercier tous ces sorciers d'exister ! Parce que non seulement je n'aurais pas croisé le chemin d'une méduse ce soir, mais en plus on ne m'aurait pas sorti d'une mort quasi-certaine ! Quoi ! je viens d'échapper à la mort là ! Soulevée par les deux bras, un tenu par la fille, l'autre par le garçon, je me retrouve reversée dans l'embarcation, crachant et toussant ce que je peux, et tentant de prendre ma respiration entre chaque hoquet ! Wouh ! J'ai eu peur ! J'ai eu sacrément peur !
Je me relève, et sens la morsure de l'air encore plus cinglante que celle de l'eau se refermer sur moi et mon pauvre corps à présent trop fragile pour résister à une éventuelle pneumonie ! Ciel ! J'vais mourir pour de bon finalement ?! J'aurai échappé au coup de sabre, à la noyade, à la méduse, tout ça pour finir mes jours dans un lit ?! Pas question, j'suis forte !
Allons allons...

Non, j'arrive pas à respirer correctement, mes dents claquent, claquent comme... bah comme des chaines d'ancre quoi !

_ T'vas bien mioué ? me fait la gamine devant moi...

Pour une fois que je comprends à peu près ce qu'elle me dit, je tente de dire "euh oui, ça peut aller" mais ne parviens qu'à faire un vague "eueueueueu" saccadé, à cause de ces fichues dents qui claquent !!!!!!!
Mais elle prend les devants, lève une de mes mèches trempées et continue :

_ Au fate, j'm'suis poué présentiée. J'm'appelle Bonny Prewet.

Bonnie... bah c'est chou comme nom... enfin, pas assez campagnard pour moi mais pas mal tout de même.
Je ne sais pas trop comment répondre à ça, si ce n'est par mon prénom à moi.

_ Euh... leaellyn... Ula... Lunensis... Tu peux m'appeller Lou ou Lyn...

Je tente de faire un sourire malgré le froid qui me crispe dans ce qui ressemble plutôt à une grimace... et me tourne vers le gamin, toute tremblotante...

Les dents de la ptiote qui s'entrechoquent font un bruit de claquettes mais malgré ça Bonny parvient à comprendre son prénom. Un peu compliqué d'ailleurs son prénom mais elle hausse une épaule face aux surnoms présentés, les balayant d'une pichenade imaginaire pour lui répliquer:

"Non point, tu s'ras la Nine et poué c'est tout dij-donc. M'en va pas t'surnommer comme n'impouèrte qui crénom !"

D'une bourrade amicale sur l'épaule, elle salue leur complicité naissante par un clin d'oeil appuyé avant que le gamin au drôle de chouépeau ne vienne rajouter sa touche à l'édifice naissant, leur offrant la grâce de leur donner son nom.

"Hette ?" qu'elle tâche de prononcer "Qu'd'où ça vient donc çoué Hette ? En vlà un drôle de nom. Et poué damoiselle damoiselle, t'en a de bonnes toué. On est des filles et poué c'est bien assez !"

Elle éclate de rire, se relève d'un geste vif qui fait tanguer l'embarcation qui accoste en douceur et s'arrête. Tournant la tête, elle avise l'amas d'élèves qui ne tardent pas à les entourer et pointe du menton le sol bien plus sûr, et bien plus sec.

"Voué Hette, t'vas m'aider à la transporter la mioche. On va la caser là en attendant l'prof, moué ça m'a l'air d'être une bouène idée."

Bonny s'en retourne à sa nouvelle nine, l'attrape doucement au bras alors qu'un murmure avertit l'approche imminente du géant qui ne tarde pas à briser le cercle de curieux d'un ton bourru.

"Allons allons laissez moi passer."

Leaellyn a juste le temps de quitter la chaloupe que le professeur l'enveloppe d'un regard curieux, avant de lâcher ce simple commentaire:

"Oh, ça arrive chaque année."

Dans la seconde qui suit une masse énorme s'abat sur les épaules de la gamine (apparemment son gilet en peau de je ne sais quoi bien fournit en poils) qui sur l'instant doit bien plus la réchauffer que la pauvre robe de sorcière fouétée par les gouttes d'eau de cette pauvre Bonny. Cette dernière, en jean rêche et sweet-shirt délavé d'un rose tirant sur le gris blanc passe un bras amical autour des épaules de sa nouvelle amie, plongeant son regard bleu dans celui du demi-géant.

"Y'aurait point une couverture à l'otérieur m'sieur l'grand broussailleux ? C'est-y qu'il faudrait poué qu'elle chope la mort la ptiote bête noué ?"

Le regard d'Hagrid reste perplexe un instant et il se penche, mains sur les cuisses, pour examiner la rouquine, tentant tant bien que mal de décrypter ses paroles.

"Une couverture ?"

Hochement positif de la dernière née Prewet.

"Oh le professeur McGonagall trouvera mieux, crois moi. Elle sait y faire le professeur McGonagall" appuie-t-il d'un signe de tête vigoureux. "C'est qu'on a l'habitude ici en début d'année. Il faut toujours qu'un première année se penche trop."

Bonny échange un simple regard avec Eths, sans avoir ne serait-ce que l'envie de détromper le géant. Les premiers élèves se sont déjà rapprochés de l'entrée souterraine de Poudlard, commentant entre eux l'escalier qui se profile ainsi que les sculptures avoisinnantes avec des murmures enthousiastes quand un professeur fait soudain son apparition, dévalant les marches, habillé d'un costume brun très étrange, le visage rouge sous l'effort.

"Hagrid, pourquoi ce retard ? La répartition devrait déjà avoir lieu, et vous savez bien que notre chère directrice est bien trop occupée là haut..."
"Un petit incident professeur Slughorn, cette jeune fille est tombée dans le lac."
"Comme chaque année."

A voir le regard de Bonny, l'impatience commence déjà à lui ronger les sangs.

"Avancez avancez !" lance soudain le nouvel arrivant aux premières années, bien plus petit que "Hagrid", un sourire aux lèvres particulièrement large pour quelqu'un d'ennuyé par ce retard (enfin, retard, si ça arrive chaque année c'est plus du retard, c'est de l'habitude, commente Bonny mentalement) "Avancez au moins en haut des marches, monsieur Rusard vous y attendra.

Sa tête se penche soudain vers Leaellyn alors qu'il sort de sa poche une baguette d'un bois sombre.

"En attendant ma petite, voilà qui devrait faire l'affaire. Impervius !"

A l’écoute de mon nom, que je parviens à prononcer tant bien que mal, la jeune fille à l’accent des terres, le même que ces p’tits paysans dans les documentaires qu’on regardait le soir avec maman, me répond apparemment que je serai la Nine. C’est plutôt chou, la Nine… C’est meunion. Moi ça me plait ; alors à la petite tape sur l’épaule et au clin d’œil qu’elle me donne je réponds par un sourire avant que le garçon se présente à son tour. Eths ? Je connais ce nom.
Il nous annonce qu’il s’était mépris sur notre condition, ce qui le rend soudain plus agréable à écouter. Il paraît moins méchant et moins méprisant. Mais à ses mots, Bonny lui répond qu’il n’a pas à nous appeler Damoiselles, du moins c’est ce que je comprends dans son langage. Et ce, avant de se lever d’un bond et de rire aux éclats. Elle a l’air d’aimer la vie, cette fille-là ! tandis que notre barque rejoint enfin les autres, tandis que tous les autres nous observent avec curiosité, elle propose à notre nouveau compagnon de l’aider à me soulever ; frigorifiée, je n’ose pas répondre que je suis tout de même une grande fille et que je sais me débrouiller seule, me laissant ainsi transporter par les deux gamins qui se trouvent dans… la même barque que moi, sans mauvais jeu de mots.
Et à peine m’ont-ils portée pour me déposer sur la berge, si petite suis-je par rapport à eux, que je vois les élèves s’écarter pour faire place au grand monsieur de tout à l’heure, celui qui nous a demandé de le suivre et de monter dans nos barques ! Il m’observe et dit sans une once de surprise que cet incident n’est pas anormal. Et n’ai-je pas le temps de répondre que tout va bien, qu’il me pose une espèce de manteau immense sur le dos, histoire de me réchauffer un peu plus sans doute, mais j’avoue que cela ajoute en réalité au poids que je dois déjà porter : ma robe trempée, qui pèse déjà bien assez pour une si petite chose comme moi, celle de Bonnie, et maintenant la veste si poilue qu’il me semble que c’est carrément un animal par-dessus le tout… c’est si lourd que mes jambes en tremblent ! À présent, je n’ai plus froid, pour sur…

Bonnie demande alors s’il y a une couverture pour moi, et mes yeux s’écarquillent de peur à l’idée seule qu’on rajoute encore à la lourdeur qui m’accable déjà, mais l’immense personnage lui demande si elle a bien parlé de couverture ! Après quoi il lui répond gentiment qu’il y a mieux qu’une couverture pour me sortir de là, et tandis que je le remercie silencieusement d’avoir refusé qu’on m’incombe d’une nouvelle couche, il explique que je ne suis pas la première à tomber à l’eau. Chaque année, un première année fait l’erreur de… se pencher trop ? Non, doit y avoir une erreur ! C’est pour pas que Plic et Ploc ne se pourfendent que je me suis levée et que je suis tombée, vous ne comprenez pas, vous ne…

_ Mais non, je me suis pas penchée, j’ai essayé de me lever, et…

De toute façon personne m’écoute… Devant moi, les autres ont déjà oublié l’affaire, et se pressent dans l’entrée du bâtiment, histoire de ne rien rater de cet endroit qui nous gardera en son sein pendant au moins une année entière. Moi, j’observe mes deux nouveaux compagnons, les seuls qui se sont intéressés à moi pendant cet intervalle, avec le géant. Des murmures s’échappent devant moi, mais petite comme je suis, je ne parviens pas à voir ce qui m’entoure, mais c’est avec assurance désormais que je suis mes futurs camarades de classe.
Non loin, en haut de l’escalier (je ne discerne d’ailleurs que le haut de cet escalier) un nouvel adulte entre en scène, s’avançant vers nous. La conversation qu’il entretient avec l’autre qui fait quand même le double de sa taille n’attire pas franchement mon attention, qui est plutôt portée vers la force que je peux déployer à porter tant de couches !
Le petit professeur nous demande d’avancer jusqu’en haut des marches que je peux à peine voir à présent que tous les autres élèves se sont amassés devant mes yeux, et je vais pour suivre la foule quand il me regarde et sort sa baguette…
*Aïe, je vais déjà être punie !* que je me dis…

_ En attendant ma petite, voilà qui devrait faire l'affaire. Impervius !

Je ferme les yeux, m’attendant à sentir la fessée d’un balais imaginaire, mais sens d’un coup que la masse qui pesait sur mes frêles épaules est largement moins lourde et humide… j’ouvre les yeux, touche ma robe de sorcière, et me rends compte qu’elle n’est plus mouillée. Wow ! Ca c’est d’la magie !
Je le regarde, ma bouche ouverte en un Oh qui montre clairement mon ébahissement, et regarde mes deux compagnons de route… mais il se détourne vite et repart à ses affaires, nettement plus importantes qu’une simple première année.

_ Z’avez vu ça ? C’est… c’est…

Le grand bonhomme restant près de nous, je décide de lui rendre la peau de mouton transgénique qu’il m’a si gentiment proposée, et décide par là même d’ôter la robe de Bonny pour la lui laisser. Pas qu’elle soit vilaine habillée de façon normale, mais disons que comme tout le monde a sa robe de sorcier, elle ne devrait pas faire exception.

_ Merci, dis-je timidement. Merci Bonny. Merci à vous aussi, monsieur Hagrid. Ça va mieux, j’ai plus froid.

Je vais pour suivre les autres élèves mais je me souviens soudain de cette sensation d’être frôlée quand j’étais dans l’eau… alors je me tourne à nouveau vers lui :

_ Euh, y’a quelque chose dans le lac ? Parce que j’ai bien cru que j’étais pas seule quand je suis… tombée.

En disant ça, je regarde le sol, histoire de prouver que je ne fais que des suppositions…

C'était la première fois que Bonny était confrontée à de la magie. Dans le train, les filles qui partageaient son wagon avaient bien tenté de lancer deux trois sorts mais jusqu'à présent la sorcellerie lui avait semblé une vaste farce dont elle s'était moquée intérieurement. La lettre était pourtant claire, elle entrait dans une école de magie, mais Bonny avait des côtés Saint Thomas: elle ne croyait qu'en ce qu'elle voyait (exepté ce que disait sa mère, car comme tout le monde le sait: les mères ont TOUJOURS raison - les pères sont juste un peu trop fanfarons). Ainsi, quand le professeur lança l'impervius et qu'elle put constater ses effets sur les vêtements que portait Leaellyn, Bonny eut un geste impulsif mais sommes toute très naturel (tout du moins là où elle vit)

"SORCIERERIEUH !" beugla-t-elle en reculant de deux mètres, brandissant dans sa petite mimine le crucifix qu'elle portait sagement autour du cou, caché sous son sweet-shirt.

Le regard du Christ avait un je-ne-sais-quoi de passablement blasé.

Puis son regard alla du professeur, au garde-chasse, puis aux élèves qui l'entouraient (dont ses nouveaux amis) et elle rangea le tout d'un air nonchalant, comme si tout cela n'était qu'un vague accès de folie passager, en lâchant un simple:

"Sceusiez moi, j'pô encore bien l'coup voyez."
- C'est bien la première fois qu'une élève... née moldue je suppose ? demanda Slughorn avec une vague grimace en guise de sourire. Qu'une sorcière tout du moins nous fasse une réaction... chrétienne si je ne m'abuse. Je ne suis plus très au fait avec toutes ces boniments mythologiques."

Le temps que Bonny ne traduise la majorité du vocabulaire de son futur professeur en potions, ce dernier les avait déjà entrainé vers les escaliers. La paysane garda donc pour elle ses "crénom mais i' sfout d'moué lôtre !" et entreprit de remettre sa robe en bougonnant à mi-voix tout en trainant ses guêtres derrière la file d'élève.

Hagrid en profita pour s'éclipser brièvement, après une dernière taloche sur l'épaule d'une Leaellyn qui eut sans doute l'impression de se prendre un mur sur le coin de la joue. Dans le florilège de personnalités poudlarienne on trouva alors en haut des escaliers la silhouette courbée de Rusard, le gardien, un rictus mauvais aux lèvres. Ses cheveux gras, son teint jaune mais aussi la présence d'une Miss Teigne aux crocs dévoilés, arrachèrent quelques mines inquiètes aux plus empressés qui s'arrêtèrent à trois marches du hall menant à la Grande Salle.

Bonny en était là, poussant gentiment du coude d'Eths et s'assurant auprès de Leaellyn que ses cheveux mouillés ne lui colaient pas trop dans le dos "C'comme ça qu'moué grand-môman l'ô choipé la mort tvoué, faudroué pô quôça t'arrive çoué non" quand le regard du gardien accrocha l'éclat métallique de sa poële puis le fleuret d'Eths juste à côté. Son sang ne paru faire qu'un tour, ou plutôt un allé direct à son visage, et il s'élança à travers la masse formée par les enfants, repoussant les gêneurs, pour finalement arracher des mains l'objet fétiche de l'un et l'arme de l'autre.

L'instant fut si bref, le temps d'un clignement de paupière, que Bonny ne retenir sa poêle et lui envoyer un coup bien placé dans les rotules en guise de représailles, comme au jour du Guy où ce dernier, aidé de sa bande, avait commencé à malmener sa soeur aînée. C'est vous dire le caractère de la mioche de 9 ans face à ces grands dadets.

Mais le Guy était loin avec ses mouchetteries de gosse, et l'adulte qui lui faisait gaffe avait les veines du cou saillantes, signe universel d'une beuglante en approche.

"Des ARMES ! Des élèves avec des ARMES, à POUDLARD ! Nous nous méfions des mangemorts mais pas assez de leur APPRENTIS ! Vous voulez saboter Poudlard n'est ce pas ?! Vous voulez commencer la guerre ? LES ARMES SONT INTERDITES DANS L'ENCEINTE DE POUDLARD PARAGRAPHE 5 ALINEA F !!!!!!"

La mauvaise haleine arracha un hoquet d'horreur à Bonny mais cette dernière fut prompte à réagir.

"Mohé va pô s'calmer l'rougeaud ???!!! Rends moué ça toué qu'tu t'amuses à la valdinguer hon l'air lô ! C'pô une arme ! C'ma pouèle d'ma môman tu vô filer doux et m'donner çô d'ma main vrai ou ch'te chicane sec ! Bouff'mort touémême !"

Une diatribe entrecoupée des hurlements du concierge, quelque chose à propos de son temps à Poudlard, de'élèves machiavéliques, de tortures, de menottes et de directrice qui allait vite régler la question. En quelques secondes Slughorn fut à nouveau auprès d'eux et saisit vivement l'épaule de Bonny qui brandissait le poing, les yeux rivés sur sa poêle.

"Allons allons du calme." lança-t-il calmement mais fermement "Je n'avais pas remarqué ces objets jusqu'à présent mais monsieur Rusard a parfaitement raison: elles n'ont aucune utilité au sein de notre école. Aussi j'autorise qu'elles soient confisquées et..."
- QUOUE ????
- Et vous enjoint, coupa-t-il sèchement, les sourcils froncés à l'égard de la rouquine qui avait crié, "à rejoindre au plus vite la Grande Salle. Voilà de trop longues minutes que vos confrères sorciers vous attendent. Pressons, pressons !

Avec un dernier sourire esquissant ses dents jaunies et délabrées, Rusard s'en retourna, les mains serrées sur les manches de la poèle et du fleuret qui disparurent au tournant d'un couloir, sous les yeux de Bonny, désemparée.

".... J'pô pas crouère.... j'pô pas...." murmura la petite fille tandis que Slughorn la poussait à suivre les autres élèves qui obéirent sans discuter. "Pas utile mô pouèle ? Et les cours de cuisine lô elle servira pas ma pouèle ? Zont bien écrit un chaudron crénom."

Elle avala sa salive, la gorge nouée, et essuya d'une main rapide les larmes qui menaçaient de couler. Loin en face d'eux, la Grande Salle leur ouvrit les portes, dans un silence quasi pesant.

[XDDDDD j’adore définitivement tes posts ! Imaginer ton personnage parler comme ça aux nôtres, ça me fait toujours marrer Heureusement que lorsque je lis ces lignes, je suis toute seule ! On me prendrait vite pour une folle XD !

Allez, trêve de blabla ! Ca fait longtemps que vous avez posté, jeunes gens ! C’est à mon tour ! Désolée de l’attente, j’avais pas vu qu’on avait répondu ! J’ai plus internet en même temps T_T]


Malgré l’air enchanté que mon visage a endossé à l’idée que j’étais finalement sèche, la pauvre Bonnie ne rate pas l’occasion de se donner en spectacle et hurle à la sorcière en brandissant une chose dont je n’oserais même pas parler tellement c’est ridicule ! Eh bien, avec Eths qui n’a pas besoin de parler pour attirer l’attention – et pas des plus agréables sans doute – et moi qui ai réussi à me faire une réputation de maladroite pataude et gauche – je sais, je dis la même chose plusieurs fois, mais c’est pour bien appuyer le fait – je crois que nous formons un trio « de folie »…
Avant que je puisse faire quoi que ce soit pour le retenir, un soupir qui semble hésiter entre l’état blasé et l’état honteux parvient à franchir le bord de mes lèvres, entendu par moi uniquement…

Cependant, lorsque je pose ma question au grand homme, bien sur, il n’entend rien à cause de ma voix faiblarde habituelle, et en guise d’au revoir, me refile une baffe du siècle, alors qu’il n’a pas vraiment voulu me faire mal… je me frotte la joue, le regarde s’éloigner avec une moue significative sur le visage. Mais il faut déjà passer à autre chose, je m’attarderai à cette baffe involontaire plus tard ; il y a plus important tout de suite.
Entraînée par la foule étudiante qui s’amasse aux pieds de cet escalier, je sens une nouvelle gêne, plus proche de mon cou cette fois, que celle des contacts trop rapprochés avec tous ces enfants venus ici pour la même raison que moi. Quelque chose sur mes cheveux. On est en train de me tirer les cheveux : pire, de me les caresser ! Je déteste qu’on me caresse les cheveux ! Alors que je vais pour fusiller le ou la coupable du regard, je me rends compte qu’il s’agit de Bonny, et m’adoucis immédiatement : il ne faudrait pas qu’on s’engueule dès le début ! Alors je lui souris plutôt que lui tirer une face d’enterrement. Elle me sort quelque chose que je ne comprends pas plus que les rares phrases longues et compliquées qu’elle a pu me dire jusqu’à présent, et en voyant son regard gentil et doux, je me dis que ça ne peut pas être quelque chose de mauvais ; alors, geste stupide, mais je ne sais pas faire grand-chose dans ces moments, je lève le pouce, et fais un grand sourire !

Cependant, cet instant n’est pas long, et les ennuis ne tardent pas à tomber de plus belle, avec l’arrivée de… ce type si effrayant ! Jamais j’avais vu un gars aussi… j’en ai les poils qui se dressent sur les bras !
Sans parler de son effroyable touffe de poils entre les mains. On appelle ça un chat ? CA ? Ce truc aux crocs aussi aiguisés et à la tête aussi vilaine ? Chez moi ça s’appelle un monstre ! Que dis-je, un cauchemar ouais !

_ Des ARMES ! Des élèves avec des ARMES, à POUDLARD !

Oh, rien que sa voix stridente suffit à me donner la nausée, et je n’ai pas l’haleine de dragon qui doit découler de sa gorge !

_ Nous nous méfions des mangemorts mais pas assez de leur APPRENTIS ! Vous voulez saboter Poudlard n'est ce pas ?! Vous voulez commencer la guerre ?

Si seulement je comprenais cette inconnue appelée « mange-mort » incluse dans l’équation mentale que je me fais de sa phrase… Si les mange-morts (et je ne pense pas que manger la mort soit quelque chose de normal et de logique, même pour des sorciers, puisque l’odeur seule de la mort sert à faire rendre un repas…) sont des trouble-fêtes, pourquoi trois morveux – puisqu’apparemment, il nous assimile à des mange-morts – voudraient saboter une école prestigieuse ?

_ LES ARMES SONT INTERDITES DANS L'ENCEINTE DE POUDLARD PARAGRAPHE 5 ALINEA F !!!!!!

Ah, suffisait de le dire… mais à ces mots, ma jeune camarade n’est pas du même avis que moi ; logique, me diraient certains intellos du coin, puisqu’elle est armée, et moi non. Elle oublie totalement l’aspect inhumain de cet être en face de nous – en a-t-elle seulement eu conscience – et se met à gesticuler tout en hurlant des trucs vraiment… je veux dire, même du japonais, ça serait passé plus facilement à mes oreilles. Ça c’est autre chose, c’est du martien ! Et mêlé à cela, les hurlements plus forts du vieux…
Je crois comprendre qu’elle veut absolument récupérer son objet qui semble avoir énormément de valeur à ses yeux. Alors je vais pour prendre son parti et m’attaquer à mon tour à ce… cauchemar, mais quelqu’un me devance. C’est un prof. Celui-là même qui m’a séchée ! Et cette fois, il sèche mon amie… dans un autre sens du terme ! Les armes sont interdites donc pas d’armes… et donc pas de poêle. J’ignore quelle a été la réaction du garçon, à nos côtés. Elle tente de répliquer, mais le prof est formel. Il réquisitionne jusqu’à nouvel ordre les deux ustensiles, et nous somme de rejoindre les autres élèves dans la grande salle.
J’ai à peine le temps de tourner la tête pour le voir, ce cauchemar ambulant, disparaître avec cette moue qui lui sert de sourire, et les armes de mes deux amis dans les mains. Toi, tu perds rien pour attendre ! On va s’venger, je t’en fais le serment !
Je serre les dents et me force, nous force, Bonny, Eths et moi à entrer au même titre que les autre dans cet endroit où tous apparemment nous attendent…



[Au fait, on fait le prochain post dans la grande salle ou pas du coup ? Et c'est qui qui le commence ?]