Un repas un peu trop épicé ! [Fe]

Oh non pitié pas çaaaa ! ♥

Trois mois. Trois mois que Ondine avait été viré de la Gazette du Sorcier. Le premier mois avait été le plus dur. Elle s'était enfermée dans sa chambre et avait tellement pleuré qu'elle avait failli se déshydrater ; heureusement que Edmund et Roy étaient là pour lui amener des bouteilles d'eau et de la nourriture. Elle avait vécu comme une prisonnière dans sa propre demeure, s'interdisant de sortir de sa chambre. Trop honteuse de son propre échec, trop en colère pour passer à autre chose.

Puis, un matin, elle avait décidé que c'était fini. Elle avait quitté sa robe de chambre et son pyjama, avait enfilé un pantalon et un tee-shirt, et avait répondu à la première annonce dans le journal local. Le destin voulut qu'elle devienne serveuse dans un restaurant Moldu. Ce n'était pas le job de ses rêves, mais cela lui permettait d'aller de l'avant. Quand elle travaillait, elle ne pensait plus à ce §#+@* de Maxwell. C'était une bonne chose. Tout du moins, elle tentait de s'en persuader.

Les journées se mirent à défiler, toutes identiques ou presque. Vêtue de son chemisier blanc avec un petit gilet noir sans manche et cintré, elle parcourait les différentes tables du restaurant, son plateau à la main. Elle ne vit pas venir le signe rageur du destin. Elle était en train de donner les commandes au cuisiner lorsque le chef de salle l'interpella :

"Ce soir, nous avons l'un de nos clients les plus influents. Il faut que tu amènes ça à sa table et par pitié, sois polie et aimable."

Il insista lourdement sur le dernier point, et Ondine lui répondit en roulant des yeux. Après tout, elle n'avait insulté qu'un seul client depuis qu'elle était là, et seulement parce qu'il avait louché sur son décolleté ! Le client était roi, mais quand même, il y avait des limites !

Son patron lui mit deux flûtes à champagne dans les mains et lui indiqua la table en ouvrant la porte à battant. Le coeur d'Ondine manqua un battement lorsqu'elle reconnut le fameux client, et baissant brusquement les yeux sur les verres à champagne, elle remarqua avec effroi que l'un des deux contenait une bague.

"Oh non." laissa-t-elle échapper.

Puis, se tournant vers le chef de salle qui était déjà entré dans la cuisine, elle murmura :

"Non, je ne veux pas le servir. Envoyez quelqu'un d'autre !"

Mais son patron ne l'entendit pas, ou fit la sourde oreille. Affichant une moue consternée, Ondine avança vers la table, et à sa grande stupéfaction, vit Maxwell se lever d'un bond. Qu'est-ce qui lui prenait ?

"Tiens Maxwell !" s'écria-t-elle, faussement joyeuse. "Quelle surprise !"

Le sourire Colgate plaqué sur le visage, elle posa brusquement les flûtes à champagne sur la table. Il y eut alors un petit raclement de gorge et Ondine se tourna vers la femme qui accompagnait Maxwell. Elle avait une tête vraiment trop grosse par rapport au reste de son corps.

"Excusez-moi mais... vous vous êtes trompée de verre." dit-elle dans un petit gloussement.

Ondine baissa les yeux sur les flûtes et après un petit éclat de rire forcé, inversa les flûtes pour que celle qui contenait la bague se retrouve face à Maxwell. Super, c'était Grosse Tête qui le demandait en mariage, et pas l'inverse. De toutes façons, elle n'en avait rien à faire. Elle n'avait pas de compte à rendre, et même si elle se sentait idiote de servir son ex-patron dans un restaurant débile, elle allait garder la tête haute jusqu'au bout. Elle n'avait pas à avoir honte, c'est lui qui aurait dû se traîner à ses pieds pour se faire pardonner !

Enfin... peut-être pas à ce point, mais tout de même !

Oh non pitié pas çaaaa !

"D'accord... Si c'est ce que tu veux, d'accord..."

Ondine mit quelques secondes à comprendre que c'était à elle qu'il parlait. Puis, quand elle saisit le sens de ses paroles, et ce qu'elles impliquaient, elle se figea, le dévisageant avec un mélange et stupéfaction et de peur. Il délirait ou quoi ? Comment pouvait-il imaginer que c'était elle qui... qu'elle aurait pu le... lui faire une demande de...

Elle ne parvenait même pas à terminer de formuler ses pensées. Elle était trop choquée par sa réaction.

POURQUOI AVAIT-IL DIT OUI ?????

Cette question la taraudait, la mettait au supplice. Qu'est-ce que cela signifiait ? Attendait-il vraiment n'importe quelle occasion pour lui prouver de façon maladroite qu'il était toujours obnubilé par elle ? Ce n'était guère flatteur car dans ce cas, pourquoi s'afficher avec une bêtasse et attendre de la croiser par hasard ? A moins qu'il savait où elle travaillait, et qu'il avait monté tout ce plan pour la mettre devant le fait accompli...?

Le sang d'Ondine battait à ses tempes. Ses poings tremblaient. Elle voulait lui casser la gueule. C'était fou à quel point ses pulsions meurtrières ressortaient dès qu'il était dans les parages. Sans prévenir, elle attrapa une flûte à champagne et la lui jeta au visage. Il pouvait la remercier, elle ne lui avait pas envoyé une droite. Maxwell se leva d'un bond et commença à lui crier dessus. Vrai grave, ce type...

Ne lui laissant pas le plaisir de lui postillonner dessus, la jeune femme tourna les talons et alla se réfugier dans les cuisines. Autant qu'il s'explique avec sa copine la Grosse Tête. Ce n'était pas son problème. Ils n'étaient plus ensemble, bon sang !

Les minutes s'écoulèrent, puis les heures. Ondine n'avait pas bougé. Elle s'était cachée derrière un four et même si son patron l'avait frôlée à plusieurs reprises sans la trouver, et en bougonnant qu'elle n'était pas à son poste, elle resta recroquevillée sur elle-même, tétanisée par sa récente altercation. Pourquoi cela la touchait-elle autant ?

Tout ce qu'elle attendait, c'était le départ de Maxwell. Après, elle pourrait recommencer à travailler. Dans les environs de 22H, elle sortit enfin de sa cachette et se risqua dans la salle. Toutes les tables étaient vides, hormis une. C'était une malédiction. Maxwell était seul, assis, et finissait un dessert particulièrement alléchant.

Ondine voulut retourner en cuisine mais son regard croisa le sien. Trop tard, il l'avait vue. Folle de rage, elle marcha à grands pas jusqu'à lui et s'arrêta net, les mains sur les hanches.

"Qu'est-ce que vous faites encore là ?"

Question très pertinente...

Les yeux plissés, elle l'observa, puis s'assit face à lui. Tant pis si son patron la renvoyait, de toutes façons, elle était incapable de travailler convenablement en sachant que son ex et ex-patron était dans les parages. Il fallait d'abord qu'il s'explique.

"L'autre n'est plus là. Je la plaindrais si sa demande n'avait pas été aussi cliché. Sérieux, qui met encore une bague dans un verre ? Question hygiène, on a vu mieux, et puis les risques d'étouffements sont trop grands... Normalement, c'est après le mariage qu'on essaie de tuer le mari, non ?"

Elle eut un petit rictus et s'accouda à la table, non sans cesser de fixer son interlocuteur avec méfiance.

Okay, il trouve que j'ai l'air d'un clown ♥

Ondine le fixait, incapable de prononcer un mot. Décidément, Maxwell était l'homme de tous les exploits. Jamais encore on ne lui avait fait une déclaration aussi stupide ! Elle aurait bien voulu qu'il développe un peu, surtout que c'était très jouissif de le voir s'empêtrer dans ses explications, mais l'arrivée de sa patronne mit un terme à tout cela.

"Je suis désolée, Monsieur Weaving." répondit celle-ci à Maxwell. "Mais c'est mon employée et elle n'a pas débarrassé les tables."

Bien, merci. C'était délicat de faire remarquer qu'elle ne faisait pas son travail correctement. Ondine fit une petite moue puis tapa du poing sur la table. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle se sentait d'humeur euphorique ce soir-là. Sans réfléchir, elle se tourna vers sa patronne et déclara :

"Vous savez quoi, Imelda ? Je ne vous aime pas. Je n'ai pas votre voix, vos ordres et vos cheveux. Ce petit chignon-là... J'ai toujours eu envie de le couper. Franchement, pensez à aller au coiffeur. Je suis sûre que ça vous rajeunirait de vingt ans."

La patronne ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes et Ondine poursuivit, imperturbable :

"Non vraiment, je n'aime rien ici. Alors, pourquoi insister ?"

Elle compta jusqu'à trois dans sa tête et le verdict tomba de la bouche d'Imelda avec colère :

"Vous êtes virée, Akeller ! Bon débarras !"

Elle s'en alla à grands pas, son petit chignon rebondissant mollement sur l'arrière de son crâne. Ondine la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle passe la porte à double battant, et eut un petit rire.

"Et voilà comment on obtient des indemnités !" dit-elle à Maxwell en se tournant vers lui. "ça me sera utile pour voir venir... Bon alors, comme ça, j'ai l'air d'un clown ?"

Elle avait repris le fil de la conversation avec vivacité, même si elle savait très bien qu'il y avait peu d'espoir pour que Maxwell reparte dans son délire de déclaration bizarre. Posant les coudes sur la table, elle n'hésita qu'un instant pour poser la main sur la sienne et plonger son regard dans le sien, subitement très sérieuse.

"Moi aussi, je trouve que tu as l'air d'un clown."

Elle esquissa un petit sourire espiègle, qui sous-entendait qu'elle était d'accord, puis demanda avec légèreté :

"Bon alors, tu es d'accord pour qu'on reprenne notre cirque ?"

Jeu de mots bidon mais que voulez-vous, il était plus de vingt-deux heures et elle était épuisée. Attendez une seconde : venait-elle vraiment de dire qu'elle voulait reprendre leur relation ? C'était sorti tout seul. Peut-être un signe du destin, qui sait ?