Eau de Rose... Sans modération [Fe]

Des roses comme s'il en pleuvait !

En arrivant ce matin-là à la Gazette, Ondine s'attendait à tout, sauf à se faire accueillir par deux livreurs ! C'était assez agréable, surtout qu'elle s'imaginait qu'elle allait au contraire subir les foudres silencieuses de son patron. Leur pseudo rupture était encore toute récente, et elle s'imaginait que Maxwell ne faisait pas dans la finesse. Il allait certainement lui mener la vie dure. Le fait qu'il ne l'ait pas renvoyée était déjà une chance incroyable.

Elle prit le bouquet de fleurs avec un grand sourire et le posa sur une table non loin, tandis qu'elle se saisissait du formulaire à signer. Ce fut là qu'un des livreurs ne put s'empêcher de casser la magie du moment :

/// "Il faudrait me signer ce bon de livraison. Merci. C'est assez surprenant comme nom Ondine Akeller. On a souvent dû vous charier non ?"

Ondine perdit son beau sourire le temps de lui lancer un regard meurtrier, et lui jeta pratiquement le formulaire au visage. Après quoi, elle se tourna de nouveau vers le bouquet de roses blanches et le huma discrètement. Hélas, le livreur ne dut pas comprendre qu'il était temps de partir, car il enchaîna aussitôt :

/// "Voilà. Il y a la carte aussi. Je dois dire que quand on nous a passé commande, on a d'abord cru à un canulard, mais comme vous êtes là où on nous avait dit qu'on vous trouverait, c'est donc vrai. Vous n'êtes pas avec lui tout de même, si ?"

Surprise, Ondine prit la petite carte, et voyant la signature, en resta bouche bée. Wouaho, elle lui avait donc fait une aussi grande impression ? En tous cas, le bouquet était énorme, composé de vingt roses blanches avec une autre fleur bleutée en son centre, une fleur qu'elle ne connaissait pas. De petits cristaux semblaient être à jamais piégés en ses pétales, et la jeune femme resta un instant hypnotisé par sa beauté.

"C'est une Davroska !" s'écria un journaliste qui passait par là (et qui devait s'y connaître sacrément en plantes). "Elles ne poussent que dans le jardin de la Cité Rouge et il est interdit d'en cueillir tant elles sont rares et difficiles à faire pousser !"

L'énergumène louchait dangereusement vers la Davroska de Ondine, et la jeune femme éloigna le bouquet de lui pour plus de sûreté. Ainsi, elle avait fait une très, très grande impression au Ministre du Grand Nord pour qu'il lui envoie un tel présent. Elle se sentit subitement gonflée d'un orgueil démesuré, et redressa fièrement la tête tout en lisant la petite carte. La boite de chocolats semblait aussi très intéressante. Décidément, Vladimir la gâtait beaucoup trop. Est-ce que sa relation avec Aliénor battait de l'aile pour qu'il lui prête autant d'attention ? Ou était-il simplement très gentleman ? En tous cas, tous ces égards la mettaient en émoi, elle qui n'avait jamais vraiment reçu de cadeaux de la part de ses petits-amis.

Elle entendit Maxwell parler brièvement avec le livreur puis quelqu'un d'autre entra, mais elle n'y prêta pas la moindre attention, trop focalisée sur le petit carton de papier qu'elle observait béatement. Après quelques minutes, elle leva enfin les yeux et remarqua que Pepper avait elle aussi reçu un bouquet, mais nettement moins grand.

"C'est la fête des fleurs aujourd'hui ?" demanda-t-elle avec un sourire. "Qui pense à vous, Pepper ?"

Cependant, son sourire s'évanouit lorsqu'elle comprit que c'était Maxwell qui venait de les lui offrir.

"Ah. Bien, bien... Je vais vous laisser..." bafouilla-t-elle, devenant rouge comme une pivoine.

Elle prit son bouquet et sa boite de chocolats, mais au moment où elle leur tourna le dos, Pepper déclara non sans un certain amusement :

"Monsieur Weaving s'est trompé. Ce bouquet est pour vous. Le livreur a même laissé votre nom dessus."

Ondine s'immobilisa, et pivota sur ses talons, dévisageant Maxwell. Puis, elle fit les trois pas qui la séparaient de Pepper et prit le bouquet, vérifiant le nom dessus. Bizarre.

Ses yeux se posèrent sur Maxwell, puis sur le bouquet, puis de nouveau sur Maxwell, et elle fronça les sourcils.

Pepper en profita pour se lever et s'éclipser, ignorant le regard incendiaire de son patron. Lorsque la porte se ferma, Ondine ouvrit la bouche, resta quelques secondes immobile, puis demanda, un peu perturbée :

"Pourquoi ce bouquet ? Il veut dire quoi ?"

Non là, elle ne comprenait vraiment rien. N'avaient-ils pas rompu ? On n'offrait pas des fleurs quand on rompait ! Bon sang, pourquoi rien n'était jamais simple avec Maxwell ?

Sans trop savoir quoi faire d'autre, elle tendit la main vers lui et posa le bouquet contre son torse, dans l'espoir qu'il le reprendrait. Elle en avait déjà un, merci. Non, ce n'était pas pour ça qu'elle le lui rendait. C'était juste que ce bouquet la mettait mal à l'aise.

Et comment savait-il que les lys étaient ses fleurs préférées, d'abord ???

Des roses comme s'il en pleuvait !

Ondine leva un sourcil tandis que son patron s'expliquait, ou plutôt, s'enlisait dans des explications sans aucun sens. Pourquoi niait-il le fait qu'il lui avait offert ses fleurs préférées ? Bon ok, c'était assez bizarre, surtout qu'ils n'étaient -n'avaient jamais été- ensembles, mais de là à faire tout un numéro pour se "blanchir"...

Et que sous-entendait-il par "le futur Empereur et ses maîtresses" ? Son cerveau ne mit pas longtemps à comprendre, même si elle était blonde, et elle ouvrit la bouche, le souffle coupé. Elle aurait aimé répliquer quelque chose de bien senti, mais elle était trop outrée et blessée dans son amour-propre pour trouver quoi que ce soit. A la place, elle leva le pied dans l'intention de lui assener un bon coup là où ça fait mal, mais s'immobilisa en chemin, la jambe en l'air, avant de se ressaisir et d'abandonner l'idée. Il risquait de la poursuivre pour coups et blessures après ça. Et elle voulait perdre cette fichue réputation de fille violente...

Puis soudain, une connexion neuronale se fit dans son cerveau, et tout s'illumina d'un seul coup. Elle ouvrit des yeux ronds comme des billes, et posant un regard entendu sur Maxwell, elle déclara d'un ton espiègle, limite moqueur :

"Vous êtes jaloux. C'est pour ça que vous réagissez comme ça. Si vous ne vous vous sentiez pas en compétition avec un autre, vous vous en ficheriez de m'offrir un bouquet plus petit... Mais avec les hommes, tout est toujours une histoire de taille, c'est vrai."

Elle tapota son menton du bout du doigt, pensive, et reprit sur le même ton :

"Qu'est-ce que ça peut vous faire ce qui s'est passé avec le Ministre du Grand Nord ? Après tout, vous avez l'interview au final. C'est tout ce qui compte. La Gazette passe avant tout, j'ai bien retenu la leçon."

Et elle le vouvoyait de nouveau, ce qui était assez bizarre, mais pas tant que ça, tout compte fait. Ils n'entretenaient plus que des relations purement professionnelles, elle lui devait donc le respect. Enfin, presque. Ce qu'elle venait de dire entrait plus dans le domaine du privé, mais c'était une parenthèse qu'elle avait fermée aussi vite qu'elle l'avait ouverte.

... n'est-ce pas ?

Des roses comme s'il en pleuvait ! ♥

Maxwell s'emmêlait les pinceaux, Maxwell se perdait en chemin, Maxwell... faisait des menaces ? Il ne trouvait vraiment rien de mieux pour s'enfoncer davantage ? Mais alors qu'Ondine l'écoutait distraitement, un petit sourire naissant à la commissure de ses lèvres, elle se surprit à songer que cette réaction avait quelque chose d'attendrissant. Visiblement, il cherchait toutes les excuses possibles pour expliquer l'existence du bouquet, et maintenant il essayait de trouver un moyen pour l'empêcher de revoir le Ministre.

Ondine aurait pu lui préciser que ses relations avec celui-ci étaient purement professionnelles, mais elle aimait bien trop le voir enrager. Se pouvait-il que son patron éprouve quelque chose de concret pour elle ? Non ! Non, non, impossible, ils étaient bien trop égocentriques pour se soucier de quelqu'un d'autre. Surtout Maxwell. Oui voilà, il avait un égo encore plus démesuré que le sien, donc impossible qu'il ressente ne serait-ce qu'un dixième que ce qu'elle... Oups ? Non, non, elle non plus ne ressentait rien de particulier. Et puis quoi encore ? Ce n'était pas parce qu'elle avait très mal dormi depuis qu'ils avaient rompu que cela signifiait forcément quelque chose ! De toutes façons, comme il l'avait si bien dit, ils n'avaient jamais été un couple.

C'était mieux ainsi. Ils allaient poursuivre leur chemin chacun de leur côté. Ondine avec ses deux bouquets, et Maxwell avec... Elle se fichait de ce qu'il allait faire, na ! Pourquoi s'acharnait-elle à vouloir savoir ?

Préférant rester mystérieuse, elle quitta Maxwell sans se départir de son sourire amusé, et déclara simplement, sur le ton de la banalité :

"Passez une bonne journée, Monsieur."

Après quoi, elle prit la boite de chocolat qu'elle plaça dans son sac bandoulière, et attrapa les deux bouquets (celui de Vladimir lui cachait totalement la vue) et manqua de se prendre le mur au moment de sortir, ce qui enleva un peu de sa superbe. Elle se tourna juste quelques secondes, le temps de faire une photo mentale de Maxwell en train d'enrager dans toute son impuissance, et passa la porte qui menait à son tout petit bureau qui se résumait à une table entre deux box.

Elle posa les deux bouquets sur la table, mettant plus en évidence celui de Vladimir, mais plaça celui de Maxwell pile dans son champ de vision. De ce fait, ce serait la première chose qu'elle verrait lorsqu'elle lèverait les yeux de l'article qu'elle serait en train de rédiger.

Mais cela, bien sûr, personne ne s'en apercevrait.