A Corps Parfaits [FE]

A Corps Parfaits ! ♥

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée.
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant...
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée.
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

Ondine était d'humeur poète lorsqu'elle se réveilla. Elle s'étira dans son lit puis fila sous la douche tout en fredonnant une vieille chanson française qui parlait de roses et de baisers sous la pluie. Cela ne lui ressemblait pas du tout, mais l'aventure de la veille l'avait fait grandement relativiser sur l'amour, l'univers et le reste. Hum, Maxwell... Son esprit fut accaparé toute la journée par cet homme. Lorsqu'elle se rendit à un hôtel pour interviewer un très grand gastronome sorcier, elle fut distraite par le corps nu de son patron qu'elle voyait s'imprimer sur les feuilles qu'elle tenait en mains. Elle utilisait un papier magique sur lequel s'écrivait toutes ses pensées, et ce n'était pas très évident de l'utiliser dans ces circonstances. Elle chiffonna plusieurs pages lorsque le cuisinier sorcier remarqua avec effarement les dessins, puis remit une mèche de cheveux derrière ses oreilles d'un geste maladroit.

La journée s'étirait avec une lenteur infinie. Quand le soir arriva, la blondinette revint chez elle au pas de course afin de se préparer pour la soirée. La fête n'avait rien de spécial, c'était même assez gonflant d'y aller, mais fort heureusement, elle serait accompagnée par quelqu'un qui l'empêcherait de se morfondre.

J'aurais dû aller faire du repérage dans la salle pour voir s'il n'y a pas quelques alcôves pour s'entretenir en privé. songea-t-elle tandis qu'elle enfilait une robe dont la jupe arrivait aux genoux, mais qui avait le mérite de mettre sa taille en valeur.

C'était triste, mais depuis le dernier "feu d'artifices" qui avait eu lieu avec son patron, à peine un jour plus tôt, toutes ses pensées étaient focalisées sur... ça. C'était terrible ! Il l'avait totalement pervertie ! Enfin... elle l'était déjà au départ, mais pas à ce point ! Si ? Revenons un jour en arrière pour mieux comprendre ce qui s'est passé.

*Rembobinage* //WHOOOOOSH ! // *Clic*

Ondine était seule dans le lit. Toute nue et toute seule. Assaillie par un affreux pressentiment, elle attrapa le drap blanc et s'en couvrit comme elle put. Aucun signe de Maxwell.

Oh non ! Il m'a abandonné, le sale...

Doucement, réfléchis avant de commencer à l'insulter. Tu te trouves dans la chambre jouxtant son bureau. S'il voulait te planter quelque part, il ne l'aurait certainement pas fait à cet endroit !

Ah ouais...

Elle sauta du lit et traversa la pièce en quelques enjambées, avant d'ouvrir la porte du bureau à la volée. Elle vit la porte d'en face se refermer, mais ne s'en préoccupa pas. Elle fit un rapide tour d'horizon et lorsque son regard tomba sur Maxwell et sur l'employé qui était juste à côté de lui, la jeune femme baissa les yeux sur sa tenue plus que légère et serra davantage le drap contre elle en espérant qu'il ne soit pas transparent.

Fort heureusement, son patron congédia le journaliste qui ne demandait qu'à être très loin. Super... leur liaison ne serait plus un secret pour personne. ça allait jaser à la Gazette.

Un silence assez gênant s'installa alors. Bon, le point positif, c'est que Maxwell ne l'avait pas plantée comme une vieille chaussette. Le point négatif, c'est qu'ils n'avaient absolument rien à se dire. Ondine fit un pas hésitant, une petite moue, et demanda finalement sans détour :

"ça vous tenterait de venir à une fête un peu nulle ?"

Elle ne compléta pas avec un truc du genre : "venir avec moi" car elle espérait qu'il avait suffisamment de jugeotte pour s'en rendre compte lui-même. Comme elle n'obtint aucune réponse, elle ajouta quelques informations :

"C'est pour les quarante d'Edmund... La fête, je veux dire. Et je vous propose d'y aller. Enfin, si vous me promettez que vous ne lui casserez plus la gueule ! ça ne le ferait pas comme cadeau d'anniversaire..."

Elle eut un petit rire nerveux, passant une main dans ses cheveux, puis posa un regard insistant sur lui, mais pas trop non plus. Fallait pas qu'il croit qu'elle était désespérée au point de s'accrocher à lui comme une sangsue. Elle se contenta de hocher la tête lorsqu'il répondit qu'il était partant, et partit s'habiller sans un mot. Sauf que dans son cerveau, elle dansait la samba.

Et voilà où on en était. Voilà pourquoi Ondine avait mis une robe et s'était rendue à la salle des fêtes, dans un petit quartier de Londres très sympa. Lorsqu'elle pénétra dans la vaste salle, elle remarqua aussitôt la demi-obscurité ambiante dans laquelle tourbillonnait des tâches de lumière multicolores. Oh non, ses pères avaient eu l'idée géniale de faire une soirée disco. C'était encore plus naze que ce qui était prévu...

Elle parcourut la salle des yeux, cherchant Maxwell parmi les invités déjà présents. Ceux-ci étaient vêtus avec des pantalons pattes d'éléphants, des décolletés pour les hommes et de larges tee-shirts pour les femmes, le tour orné de perruques afros ou de chevelures couvertes de gel gluant. Ondine roula des yeux, et esquissa un sourire forcé lorsqu'elle aperçut Roy et Edmund, eux aussi vêtus comme des seventies. Tandis qu'elle leur parlait, elle tenta de faire abstraction sur la chemise décolletée de Edmund qui montrait tous les poils qu'il avait sur le torse :

"Bon anniversaire Edmund ! Même si ton accoutrement me donne envie de partir loin."

L'intéressé éclata de rire et lui fit une petite tape amicale dans le dos. Roy, quant à lui, se montra bouleversé :

"Oh, tu n'as pas mis les boucles d'oreille flashy que je t'ai offertes pour l'occasion !"

"Elles sont roses et sont en forme de coeur." répondit Ondine pour toute explication.

C'est alors qu'elle sentit une main dans son dos. Elle frémit, le premier réflexe étant de faire une prise de Tae Kwon Do au tripoteur pour lui faire comprendre qu'on ne la touchait pas comme ça, puis, sentant la main la caresser légèrement, elle esquissa un petit sourire rêveur et pivota de 90° vers la gauche, découvrant Maxwell dans son plus beau costume. Que devait-elle faire ? L'embrasser ? Lui prendre la main ? Oh non, ça ferait trop comme s'ils étaient un couple !

Ne préférant pas faire trop de démonstrations d'affection, elle se contenta de lui adresser un sourire resplendissant avant de se mordre les lèvres. Une vague de souvenirs la submergea, la faisant presque défaillir devant la fureur des émotions qui l'agitaient. ça avait été la plus belle nuit de sa vie... Bon attention, elle n'était pas en train de tomber amoureuse ou un truc du genre. ça non, elle restait maîtresse de sa vie ! C'est juste que Maxwell était un sacré bon c...

"Salut Ond' !"

Une voix qu'elle connaissait la sortit brusquement de sa rêverie. Déboussolée, elle mit un moment à coordonner sa vue, et lorsqu'elle vit que ses pères étaient devant eux, elle chercha une explication sur la présence de Maxwell, surtout qu'Edmund portait toujours une belle ecchymose sur la joue à cause de lui.

Mais elle n'eut pas le temps de réfléchir à cela car un autre homme entra dans son champ de vision, tout sourire. Si l'enfer était quelque part, il ne pouvait être qu'ici.

"Jeffrey ? Qu'est-ce que tu fais là ?"

ça, c'était une excellente question. Qu'est-ce que pouvait faire l'un de ses ex à la fête d'anniversaire d'Edmund ? Ses pères eurent le bon goût de s'éclipser, prétextant que d'autres invités arrivaient. Mon oeil. Ils avaient tout organisé, les scélérats. Ils ne voulaient pas que leur fille soit avec... un homme comme Maxwell. Il préférait quelqu'un comme Jeffrey, qui était stupidement amoureux d'elle malgré le fait qu'elle avait éconduit, qui n'avait pas encore la trentaine et qui sentait bon le jasmin et la bergamote... D'ailleurs, ce parfum était un peu louche pour un homme. N'était-il pas un gay refoulé ? Si c'était le cas, elle comprenait pourquoi ses pères avaient tant de sympathie pour lui !

Cherchant à tâtons la main de Maxwell, elle lança un regard faussement ravi à Jeffrey et à sa fossette au menton. Une vraie réplique de Ken, ce type, aussi blond et aussi con.

"J'ai été invité par tes..."

"Epargne ta salive. J'ai très bien compris qui est derrière tout ça." dit-elle tout en lançant un regard noir à ses pères.

Soudain, une idée traversa son esprit. Des tas de femmes tournaient autour de Maxwell, au point que ça la rendait dingue. Et si elle lui renvoyait la pareille ? Si elle lui faisait croire qu'elle éprouvait un quelconque intérêt pour Jeffrey ? Juste pour le tester, hum ? Elle adorait jouer. Et puis comme elle n'avait pas trouvé la main de Maxwell dans la pénombre, c'était parfait.

"Alors, qu'est-ce que tu deviens ?"

"Oh, je suis devenu chef cuistot au Chaudron Baveur. C'est plutôt cool. Et toi, tu es venu avec ton oncle ?"

Ondine pouffa, jetant un coup d'oeil amusé à Maxwell. Elle préféra le laisser répondre lui-même, guettant sa moindre réaction. La soirée promettait d'être distrayante, en fin de compte.

A Corps Parfaits ! ♥

Quelque chose clochait. Maxwell n'était pas comme d'habitude. Il paraissait renfermé et maussade. A la réplique de Jeffrey, il ne répondit qu'une vague phrase qui ne lui ressemblait pas, avant de se diriger vers le bar. Ondine fronça les sourcils, et lançant un regard en coin à Jeffrey tout en levant l'index dans sa direction, elle déclara :

"J'ai l'impression que Tonton ne va pas bien. Je vais voir ce qu'il a. A plus !"

Eh hop, vite expédié ! Pour rendre Maxwell jaloux, c'était râpé. A moins qu'il réagisse de la sorte lorsqu'il voyait un autre coq dans la basse-cour ? C'était plus qu'improbable étant donné le caractère du spécimen. Non vraiment, il y avait quelque chose d'autre. Mais quoi ?

Lorsqu'elle s'arrêta face au comptoir, à côté de lui, il se contenta de lui offrir un verre de champagne à moitié vide et qui avait été bu par un homme éméché. La jeune femme apprécia modérément ce geste, mais n'eut pas le temps d'exprimer son mécontentement que son patron était déjà parti graviter autour d'Edmund et de Roy. Il avait la bougeotte, c'était dingue ! Il était presque trop rapide à suivre. Surtout qu'il semblait agir avec le plus grand désintérêt possible, arborant un air las particulièrement offensant. C'était sympa de montrer à tout le monde à quel point il les haïssait tous ! Non vraiment, elle n'aurait jamais du l'inviter ! Pourquoi faisait-elle tout en dépit du bon sens ? Il faut dire qu'il n'avait jamais fait de démonstrations de mauvaise humeur en sa présence. C'était la première fois... et ce serait la dernière. Non mais il croyait quoi ? Qu'elle allait le materner ? S'il voulait épancher son coeur trop lourd, il n'avait qu'à faire une thérapie chez un psy ! Ondine n'allait certainement pas s'encombrer d'un homme victime de sautes d'humeur et qui était incapable de s'amuser !

Pour vérifier s'il y avait quelque chose à sauver, Ondine s'éloigna du comptoir et se dirigea vers lui, et lui lança un regard noir lorsqu'il lui mit encore une fois un verre à moitié plein dans la main. En tous cas, la coupe était pleine, elle !

Et voilà qu'il s'en allait de nouveau vers le bar. Il ne pouvait pas rester en place deux secondes ? Ondine marcha dans ses pas, ses talons claquant furieusement sur le sol (mais avec la musique et le brouhaha des invités, on ne les entendit pas), et s'installa sur un haut tabouret, juste à côté de lui. Elle remarqua alors une chose étrange : sa chemise était mouillée, mais le plus grave, c'est qu'il était en train de la déboutonner, là, devant tout le monde ! Ni une ni deux, Ondine fit la seule chose à faire en pareille situation. Elle n'avait rien contre qu'il se déshabille, mais pas devant ses pères et les amis de ceux-ci !

Baissant les yeux sur le verre de champagne à moitié plein qu'elle tenait toujours en main, elle leva le bras prestement et lui balança à la figure. Et voilà, ça allait le réveiller un peu.

"Non mais ça va pas ?" s'écria-t-elle en posant si brusquement la flûte à champagne vide sur le comptoir qu'elle faillit se briser dans sa main. "Vous êtes exhibitionniste ou quoi ? On ne se déshabille pas en public ! Vous n'êtes pas dans un camp nudiste ici !"

C'est alors qu'une voix s'éleva, amplifiée par un sortilège magique. Ondine vit alors un homme sur une petite estrade, vêtu disco, qui tenait sa baguette magique contre sa gorge.

"BONSOIR MESSIEURS DAMES ! CE SOIR EST TRES SPECIAL, PUISQU'ON FETE L'ANNIVERSAIRE DU TYPE LE PLUS GAY DE LA PLANETE !"

"OUAAAAAIS !" brailla la foule.

Ondine parcourut la salle du regard et remarqua alors quelque chose qui ne lui sautait plus aux yeux depuis longtemps, car depuis sa petite enfance elle côtoyait tous ces gens sans s'en rendre compte : la salle était composée en grande partie d'hommes vêtus en tenue disco très féminisée. En gros, c'était un peu le remake de la Cage aux Folles. La jeune femme connaissait plus de la moitié de ces personnes puisqu'elle avait grandi à leurs côtés, mais ne put s'empêcher de sourire en voyant combien la communauté gay magique était étendue. Il s'agissait de sorciers, parfois de sorcières, qui étaient très amis avec Edmund et Roy et qui avaient souhaité fêter les quarante ans de leur pote en grande pompe. ça faisait plaisir à voir, même si la jeune femme avait l'impression de ne pas faire partie de cette grande famille. Normal d'un côté : elle était hétéro. Posant un bref regard sur le minable Maxwell, elle émit un petit sifflement exaspéré, ne pouvant s'empêcher de penser que les homos, eux, savaient s'amuser.

"ET POUR COMMENCER LA SOIREE COMME IL SE DOIT, ON OUVRE LE BAL AVEC... ABBA !"

La foule était en délire. Le petit homme grassouillet, un peu boudiné dans son costume blanc très disco, dirigea sa baguette vers le groupe de musiciens qui était apparu derrière lui sur l'estrade, avant de sauter dans la foule aux premières notes de la musique. Gimme! Gimme! envahit aussitôt la salle, faisant trembler les murs et les coeurs. Les hommes et les femmes se mirent à bouger sur le rythme de la musique. La grosse boule à paillettes disco au plafond lançaient des taches de lumière multicolores sur les murs et la foule.

Half past twelve
And I'm watching the late show
In my flat all along
How I hate to spend the evening on my own...

"Bon allez, secouez-vous un peu !" lança Ondine à Maxwell en lui faisant une tape dans le dos. "Qu'est-ce qui ne va pas ?"

Is there a man out there ?
Someone to hear my prayer...
Gimme gimme gimme
A man after midnight!
Won't somebody help me
Chase the shadows away ?

Ondine poussa un petit soupir, posa un coude sur le comptoir et cala sa tête dans sa main, observant la piste de danse avec envie. Elle aperçut Edmund et Roy en train de danser sur de grands carreaux lumineux, entourés de tous leurs amis qui avaient libéré la piste pour eux et qui les acclamaient. Si tante Sophie les voyait... Cette vipère n'avait jamais approuvé l'union des deux hommes, tout comme la majorité de la famille, ce qui expliquait leur absence. Après tout, ce n'était pas grave. Mieux valait être entouré d'amis plutôt que de s'imposer la présence de personnes assommantes...

Regardant Maxwell avec une petite moue à la fois exaspérée et quelque peu attendrie, Ondine sortit sa baguette et, à l'aide d'un sortilège informulé, sécha sa chemise et son visage.

"Désolée d'avoir réagi d'une façon aussi excessive. Je n'ai jamais su réconforter quelqu'un, c'est pour ça que je n'aurais pas pu travailler dans le social !"

Elle eut un petit rire tout en rangeant sa baguette, puis caressant la main de Maxwell du bout du doigt, elle reprit :

"Il y a un truc à savoir sur moi : je ne m'excuse jamais. C'est un moment historique que tu es en train de vivre, alors savoure-le. Tu ne veux pas aller danser ? ça ira peut-être mieux après, non ?"

Elle lui adressa un petit sourire et serra sa main dans la sienne pour le motiver à la suivre sur la piste de danse. Elle sauta ensuite du tabouret, bougeant déjà au rythme de la musique.

Gimme gimme gimme
A man after midnight!
Won't somebody help me
Chase the shadows away ?

A Corps Parfaits !

Okay. Maxwell avait de gros problèmes relationnels. C'était la troisième fois qu'elle le voyait cogner sur quelqu'un. La première fois, c'était sur Edmund, ce qui n'était pas pardonnable. On ne frappe pas le père de sa... petite amie ? Pouvait-elle être qualifiée comme cela ? Bref, ce n'était pas le sujet. La seconde fois, elle avait assisté à un match de boxe dans lequel il s'était confronté à un petit gringalet qui avait pourtant un sacré crochet du droit. Et la troisième fois, elle était en train de la vivre en live. Le pauvre gars, loin d'être moche, avait le visage rougi de sang et tentait de calmer l'hémorragie en plaquant une main sur son nez. Tss... tout ça pour une danse. Maxwell devait vraiment consulter, ça devenait urgent ! Bon ok, le gars n'aurait pas dû le prendre pour son père, mais d'un côté, Edmund était plus jeune que lui. Il y avait de quoi se poser des questions... Heureusement, Ondine ne s'en posait pas. Pour l'instant, tout ce qui la préoccupait, c'était le gars qui dégoulinait de sang. Elle fit un geste pour l'aider, prise de pitié, mais un serveur s'interposa, ainsi que trois autres personnes. Elle entendit même un travesti dire à l'homme, tout en lui caressant les cheveux :

"Oh mon pauvre petit chou ! Comme tu dois souffrir !"

Le gars semblait un peu paniqué devant cette démonstration d'affection, car apparemment, il était 100% hétéro. Il lança un regard implorant à Ondine qui préféra détourner les yeux. Elle n'était pas infirmière et elle ne pouvait pas gérer tout le monde ! Il fallait qu'elle s'explique avec Maxwell, qu'elle comprenne pourquoi il réagissait si violemment. C'était curieux, car il ne donnait pas l'impression d'être une brute épaisse. Une pensée l'alarma soudain, et elle dévisagea son patron avec frayeur : quel était le motif de ses divorces ? Etait-il violent avec ses femmes, ce qui expliquait qu'elles finissaient toutes par partir ?

Non, calme-toi Ondine, ça ne peut pas être ça. Tu as vu Gladys, elle ne donnait pas l'impression d'être une femme battue. Loin de là ! Oui, mais les ecchymoses, ça part vite !

Portant une main à sa bouche, elle resta hébétée, en proie au doute. Elle aperçut Edmund et Roy qui arrivaient vers eux, main dans la main et tout en sueur. La danse disco était très bonne pour perdre du poids. Elle observa la scène qui se déroulait sous ses yeux comme une spectatrice, incapable de s'en mêler, l'esprit accaparé par tout autre chose. Puis, elle entendit des cris. Elle se reconnecta à la réalité et vit qu'Edmund était sur le point d'exploser. Rouge de colère, il hurlait sur Maxwell. Il avait raison, totalement raison de s'en prendre à lui : il avait gâché son anniversaire en donnant un coup de poing à un pauvre gars de passage. Même si plus de la moitié de la foule ne s'en était pas aperçue, c'était suffisant pour détruire le moral d'Edmund. Surtout que ce n'était pas facile pour lui : il devait assumer ses quarante ans et un abruti qu'il n'avait même pas invité. Ondine sentit le remord l'envahir, et elle tritura un fil qui dépassait de sa robe pour ne pas croiser le regard de ses pères. C'était complètement idiot tout ça. La soirée était gâchée par sa faute.

"Bon, comme je ne suis pas le bienvenue, et comme ton père ne connait pas les bonnes manières, je crois que je vais y aller. De toute façon sa fête est nulle."

Et voilà, Monsieur réagissait comme un enfant de cinq ans. Exaspérée et profondément irritée, la jeune femme reprit possession de ses moyens. Pour le moment, le mieux était d'éloigner Maxwell de la vue d'Edmund, car il était bien décidé à lui refaire le portrait... même si Roy le retenait en passant ses bras autour de lui. Attrapant son patron par le bras, elle l'entraîna sans ménagement dans une petite pièce jouxtant la salle des fêtes, prit soin de fermer la porte, puis se tourna vers lui, les bras croisés. Elle ne distinguait que sa silhouette qui se découpait devant la fenêtre aux vitres poussiéreuses. La pièce était plongée dans la pénombre, mais Ondine eut tout le loisir de l'observer dans les moins détails pendant le monologue abracadabrant de Maxwell. Elle n'en comprit pas un traître mot, c'était comme s'il était possédé ! Malgré tout, elle avait assez de bon sens pour se rendre compte qu'il était très tendu, voire stressé. Redoutait-il sa fureur ? Il savait très bien qu'elle n'allait pas être ravie qu'il ait bousillé la soirée d'anniversaire de son père, mais la craignait-il vraiment ? Elle en aurait été flattée si elle n'avait pas trouvé ça aussi bizarre. Son patron était étrange, il ne réagissait jamais comme un être humain normal !

Lorsqu'il eut fini de parler, elle se hissa sur l'un des cartons qui encombraient la petite pièce, et l'observa, les jambes battant dans le vide.

"Je me demande un truc : est-ce que c'est votre chute de vélo qui vous a secoué le cerveau ? Ou est-ce que votre stupidité est d'origine ?"

Elle aimait bien faire un peu d'ironie dans les moments de crise. Esquissant un sourire évasif, elle reprit d'un ton plus sérieux :

"Vraiment, je vous plains. Vous ne savez pas vous amuser. Ou alors, vous avez toujours été dans des fêtes barbantes et du coup, vous croyez qu'une soirée doit forcément être triste à mourir pour être une fête. Bon, je n'irais pas à dire que cet anniversaire est la fête du siècle, mais tout le monde s'amusait avant que... avant que vous mettiez la tête de ce pauvre type en 3D. Je suis d'accord que le côté disco est dur à assumer, moi-même j'ai du mal, mais lâchez-vous pour une fois ! Franchement, je ne vous voyais pas si coincé... Pas mon genre de sortir avec un type qui a un balai mal placé..."

Elle se tut soudain, le fixant avec de gros yeux. Que venait-elle de dire ? Non, pas à propos du balai, mais de leur relation ? Ils sortaient ensemble ? Vraiment ? La vérité venait-elle de franchir ses lèvres, ou avait-elle trop abusé du punch pour exprimer une idée cohérente ? Elle préféra mettre les choses au clair au plus vite avant qu'il ne se fasse de fausses illusions.

"Enfin par 'sortir', je voulais dire 'coucher'. Je veux pas d'un truc de couple. C'est pas mon genre non plus. Non moi j'aime bien passer du bon temps avec un mec cool qui sait s'amuser."

Ou comment bien s'embrouiller. La jeune femme se tordit les mains, fixant délibérément un point au-dessus de la tête de Maxwell, puis reprit d'un ton étonnamment pondéré :

"Tu peux partir, on n'est pas collé par un sortilège de Glu Perpétuelle."

C'est vrai quoi ! Qu'est-ce qui le retenait ? Il pouvait très bien aller au resto de son choix s'il s'ennuyait tellement ! De toutes façons, il faisait tellement la gueule que ce n'était pas agréable ni valorisant de l'avoir à ses côtés. Ondine ne voulait pas d'un pleurnichard. Lorsqu'elle l'avait invité à la fête, elle s'était imaginée arpenter la soirée à son bras, puis danser toute la nuit en riant aux éclats... ce à quoi il l'avait habituée, en fait. Du coup, elle aurait pu prouver à ses pères qu'elle s'amusait avec lui, qu'il était presque un type bien... Mais là, ce n'était même plus la peine d'espérer avec ce qui venait de se passer.

La musique qu'on entendait à travers la fine cloison avait changé : à présent, la foule se déchaînait sur un tube des Bee Gees. Ondine battit instinctivement des pieds sur le rythme de la musique, impatiente d'aller danser. De toutes façons, elle ne pouvait partir de la fête d'Edmund, cela lui aurait fait trop de peine (surtout si elle s'absentait pour Maxwell !), alors autant s'éclater ! Elle n'aurait pas trop de mal à dégoter un hétéro capable de danser la fièvre du samedi soir, et au pire, elle se rabattrait sur un gay sympathique sans qu'il soit question de coucher ! C'était reposant de n'être entourée que par des gays. Au moins, elle était sûre que quand elle leur parlait, ils ne mataient pas sa poitrine en secret en se demandant combien de temps ça leur prendrait pour la convaincre de s'enfermer dans les toilettes avec eux.

Une voiture passa non loin, inondant la pièce pendant quelques secondes avec la lumière de ses phares. Ondine en profita pour plonger son regard dans celui de Maxwell, et lui demander sans réfléchir :

"Si tu trouves cette fête tellement gonflante, pourquoi tu restes ?"

Question très pertinente, mais à laquelle elle n'était pas certaine de vouloir une réponse... D'ailleurs avec tout ça, elle ne se rendait pas compte qu'elle le vouvoyait et le tutoyait tour à tour. Un jour, il faudrait qu'elle se décide ! Il faudrait qu'elle prenne des décisions sur beaucoup de choses. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y avait du boulot !

(Dés) A Corps Parfaits ! ♥

Ondine aurait eu de bonnes raisons de lui péter sa petite tronche de rédacteur en chef. Déjà d'un : il se vantait d'être celui qui se débrouillait le mieux. Dans quel domaine ? Pas celui auquel elle pensait, quand même ? Pas qu'il ne soit pas doué, mais c'est juste que ça faisait tellement vantard ! Elle allait lui sortir que c'était ceux qui se vantaient le plus qui étaient les plus nuls, mais il enchaîna si vite sur autre chose qu'elle n'eut pas l'occasion d'en placer une. Il lui parlait de Brenda. Ok, bon, elle n'était pas une menace, elle avait la cinquantaine bien tapée et ne devait pas connaître l'existence des crèmes épilatoires - elle avait un beau duvet sous le nez. Apparemment, il lui avait rendu son job. Elle se demanda furtivement ce qu'il adviendrait de Pepper, et pria pour qu'il l'ait renvoyée à la place de Brenda. Mais bon, il ne fallait pas trop rêver.

Puis, il se remit à parler pour ne rien dire. Elle était vraiment froissée qu'il se conduise ainsi. Par moments, elle avait la sensation qu'il se fichait d'elle, et à d'autres instants, elle trouvait qu'il avait quelque chose d'attendrissant... C'était assez perturbant.

"On sort ensemble."

ça, c'était encore à définir, surtout qu'il insistait sur le fait de partir au plus vite de cette fête. Ondine lança un regard à la porte fermée à travers de laquelle la soirée battait son plein, et se demanda pendant un bref instant si son absence se ferait remarquer. C'était tentant de suivre Maxwell. Il connaissait sûrement un restaurant chic dans lequel elle pourrait s'imaginer être une vraie princesse... Le temps d'une nuit... Puis elle secoua la tête, observant son patron avec indignation. Il était la tentation incarnée ! S'il avait ressemblé à un fruit, il aurait été une pomme ! S'il avait été un animal, il aurait été un serpent ! Mais qu'est-ce qu'il pouvait être craquant... ou croquant, comme une pomme justement.

Pourtant, il perdit subitement tout charme lorsqu'il tint ces propos particulièrement offensants pour pas mal de monde :

"Je suis souvent invité dans des galas ou autre. Et j'aime pas y aller seul. Généralement je fais appel à une call girl. Rien de... Enfin pas toujours. Elle m'accompagne généralement, et elle rentre avec la limousine ensuite. Mais ça fait comme si... Enfin les gens pensent souvent que je finis la soirée avec elle. Et... Tu pourrais penser pareil. Sauf si tu les remplacais... Enfin si tu venais à ces galas. Pas à ces fêtes minables, comme ce soir, non. A de vrais galas. Avec des gens."

Ondine s'éveilla de ses songes avec autant de délicatesse que si elle venait de faire une chute de dix étages avec une douche froide à l'arrivée. Excédée, elle lâcha une petite exclamation étouffée, incapable de prononcer un mot. Il la comparait à une Call Girl ou quoi ? Et que voulait-il dire par "avec des gens" ? Considérait-il les gays comme inférieurs ? Oh mon dieu ! Etait-il homophobe ? Est-ce que l'aversion qu'il éprouvait pour Edmund venait de sa haine pour les homos ? Mais c'était HORRIBLE ! Dans ces conditions, jamais, au grand jamais elle ne pourrait continuer avec lui, même juste pour s'envoyer en l'air. C'était contre ses propres opinions, contre sa propre famille ! Elle aurait voulu lui cracher tout cela au visage, mais elle n'en eut pas le temps.

Elle sentit le choc plus vite qu'elle ne vit le mur exploser derrière Maxwell. La violence du choc la propulsa contre le mur, la faisant tomber derrière l'amoncellement de cartons. Elle mit quelques secondes à réagir, hébétée. Etait-ce un tremblement de terre ? Elle rampa légèrement mais s'immobilisa lorsqu'elle aperçut des paires de jambes et des pans de capes noires glisser sur le sol poussiéreux. Elle entendit des chuchotements puis la porte à côté d'elle vola en éclats à son tour. Ondine se protégea instinctivement la tête des débris de bois qui ricochèrent un peu partout, et vit alors plusieurs flashs de lumière à travers ses doigts. Plusieurs personnes se mirent à hurler alors que la musique s'était arrêtée, remplacée par les cris et le bruit des sortilèges.

La jeune femme s'extirpa des débris et des cartons plus ou moins lourds qui lui étaient tombés dessus, et se mit sur ses pieds, baguette en main. Son sang se glaça dans ses veines lorsqu'elle vit le trou béant que les ennemis avaient fait dans le mur devant elle. Des briques et des pierres explosées jonchaient le sol. Retenant sa respiration, Ondine n'hésita qu'un instant avant de s'approcher, ses talons hauts se coinçant dans les débris. Elle trébucha plusieurs fois, se rattrapa à un carton, déglutit avec peine lorsqu'elle vit le corps de Maxwell étendu sur le sol, face contre terre, avec ses membres qui formaient un angle inquiétant, comme une marionnette désarticulée. Il était enseveli sous des dizaines de briques, et dans la faible clarté, Ondine s'aperçut qu'il avait une entaille sanguinolente sur le crâne. Oh non... ça sentait pas bon...

Elle n'allait pas dire que c'était bien fait, car même s'il était homophobe, il ne méritait pas ça.

"Wingardium Leviosa !" murmura-t-elle.

Les pierres et les briques qui le recouvraient s'élevèrent d'un même élan et allèrent se poser plus loin. Jetant un regard par la porte menant à la fête, elle vit les sorciers présents dans la salle combattre ce qui semblait être des rafleurs avec un Mangemort encapuchonné. Elle fit un pas pour prendre part au combat, déchirée entre cette possibilité et celle, plus pressante, qui consistait à emmener Maxwell à Sainte Mangouste. Mais si jamais Edmund ou Roy étaient en danger...? Tiraillée entre deux choix tout aussi importants, elle resta immobile. C'était particulièrement inutile et stupide, mais elle n'y pouvait rien. Elle était une femme de terrain seulement lorsqu'il fallait avoir l'interview d'un sorcier important.

Quelques secondes passèrent, puis elle se rendit compte que les sorciers de la fête prenaient clairement le dessus sur leurs ennemis. Leur attaque était vraiment nulle et mal organisée. Les rafleurs, trois grands types mal fagotés, furent rapidement maîtrisés, ainsi que le Mangemort. Cela venait sûrement du fait que plusieurs invités étaient Aurors, et devant le danger, avaient prévenu leurs collègues qui étaient venus par dizaines. Drôlement efficaces en tous cas !

Ondine croisa le regard de son père, non loin d'elle, qui tenait Edmund dans ses bras (celui-ci tremblait comme une feuille), et lui fit comprendre par la pensée qu'elle devait s'absenter de toute urgence. Tant pis s'il n'avait pas saisi la gravité de la situation, elle ne pouvait pas attendre. Chaque minute comptait.

Courant jusqu'à Maxwell, elle le prit par la main et transplana aussitôt, alors que son père venait d'entrer dans la pièce dévastée.

Elle réapparut dans le hall de Sainte Mangouste, tenant Maxwell toujours inconscient dans ses bras, en manquant de tomber à son tour.

"Quelqu'un, vite !" s'écria-t-elle.

Des Médicomages, alertés par les cris, arrivèrent aussitôt avec un brancard. Ils placèrent rapidement Maxwell dessus, et Ondine se mit à marcher rapidement auprès de lui, tandis que les Médicomages faisaient avancer rapidement le brancard tout en établissant vite un diagnostic.

"ça va aller, hein ? ça va aller..." répéta Ondine tout en caressant les cheveux ensanglantés de l'homme.

Elle savait qu'il ne pouvait l'entendre, mais elle n'y pouvait rien si elle perdait légèrement les pédales, surtout qu'avec la lumière des néons, la plaie sur son crâne était particulièrement angoissante. Une fois arrivés devant une porte qu'elle ne pouvait franchir, elle laissa les Médicomages l'emmener de l'autre côté, et l'un d'entre eux, armés d'un calepin, lui demanda comment il s'appelait et ce qu'elle représentait pour lui.

L'air hagard, les yeux toujours fixés sur les portes battantes derrière lesquelles il s'éloignait, elle déclara d'une voix glacée :

"Il s'appelle Maxwell Weaving. Je suis... je suis sa petite amie."