Ratatrouille ! [FE]

Ondine avait mis des heures pour se décider sur le choix de la robe. Une heure quarante-cinq pour être précis. Elle observait l'amoncellement de vêtements à ses pieds d'un oeil septique, pesant le pour et le contre.

Si je mets la robe noire dos nu, ça va me faire passer pour une fille légère. Il ne faut surtout pas qu'on pense une telle chose de moi. Je dois redorer mon blason ! Bon d'un côté, si je mets la robe turquoise avec un col roulé, je vais ressembler à un pingouin frigide. Il faut que je trouve le juste milieu qui me mette en valeur sans en montrer trop...

Elle en était là de ses tergiversions lorsque son regard tomba sur sa robe rouge porte-bonheur : cintrée à la taille, elle affinait sa silhouette et la jupe asymétrique s'arrêtait au niveau des genoux. Le décolleté, sans être plongeant, mettait sa poitrine en valeur. C'était ce qu'il fallait, même si le tout était bien trop sexy pour l'occasion.

Elle l'enfila puis se dirigea vers son miroir pour passer un léger trait de rouge à lèvres carmin sur ses lèvres, avant de relever ses cheveux en un chignon lâche et de les coincer dans une barrette noire en forme de papillon. Ondine aimait paraître négligée même lorsqu'elle se préparait pendant des heures. Lançant un regard ravageur à son reflet, elle eut un petit sourire puis tout en entortillant une mèche blonde entre ses doigts, elle soupira tout en levant les yeux au ciel :

"Bon sang, ce n'est PAS un vrai rendez-vous, arrête de te mettre dans un état pareil !"

Comme pour appuyer ses dires, son reflet lui fit un élégant doigt d'honneur auquel la jeune femme se contenta de répondre par un haussement d'épaules. Après quoi, elle sortit de la chambre, passa en vitesse dans la cuisine pour laisser un message à ses pères ("Je rentre tard. Ne m'attendez pas.") et transplana jusqu'au restaurant.

Un serveur l'accueillit aussitôt avec un grand sourire. Ondine ne se serait jamais permis de transplaner dans un restaurant Moldu, mais comme celui-ci était sorcier, elle n'avait choqué personne.

"Vous avez réservé ?"

"Au nom de Weaving, je pense..." dit-elle d'un ton hasardeux.

Le serveur fit apparaître un registre dans sa main grâce à sa baguette et le feuilleta rapidement d'un air pincé avant d'épingler de nouveau son sourire.

"Bien entendu. Veuillez me suivre, Mademoiselle."

Ondine lui emboîta le pas, ses yeux frénétiques cherchant Maxwell, mais apparemment, il n'était pas encore arrivé. Le serveur la fit asseoir à une table de deux, fit apparaître un liquide violet dans le verre face à la jeune femme, et précisa juste avant de s'en aller vers une autre table :

"Cadeau de la maison."

Ondine le remercia d'un regard, même si elle n'avait pas très soif. Un terrible pressentiment l'étreignit soudain, égrenant les minutes en un décompte effroyable : et si Maxwell lui avait posé un lapin ? Et s'il ne venait pas ?

Elle attrapa les pans de la nappe et commença à les serrer très fort dans ses mains, essayant de se détendre du mieux qu'elle put. La gorge sèche, elle décida que boire n'était pas une si mauvaise idée finalement. Elle attrapa le verre et but le contenu d'un seul trait.

Suite à cela, plusieurs choses étranges se passèrent : Maxwell apparut dans la salle, vite escorté du serveur, et en tournant la tête sur le côté, Ondine remarqua un homme qu'elle connaissait bien. Sous le coup de la surprise, elle eut un petit hoquet, et chercha aussitôt à se cacher à n'importe quel prix. Il ne fallait pas qu'il la voit ici, pas en compagnie d'un homme deux fois (trois fois ?) plus âgé qu'elle ! Voyant Maxwell s'approcher, elle essaya de lui faire comprendre du regard qu'il devait faire demi tour. Mais cet imbécile continuait d'avancer !

Posant un rapide regard sur son verre vide, elle se demanda s'il n'avait pas des effets hallucinogènes. Puis, le pire se produisit : l'homme à sa gauche, Roy Akeller, se tourna vers elle, avec sûrement l'intention de lui demander de lui donner le sel, puis se figea, surpris de la trouver là.

"Hey ! Salut Papa !" dit la jeune femme avec un sourire forcé, pile au moment où Maxwell arrivait à sa table.

Elle espérait juste que son patron aurait entendu et comprendrait qu'il ne faudrait pas avoir de gestes ou de paroles trop... éloquentes.

"Je ne trouve pas ton humour très drôle, chérie."

Elle m'avait comparé à son père, et c'était une chose que je n'appréciais pas. Après ce qu'il s'était passé la veille, je doutais qu'elle pouvait vraiment faire cette comparaison. A moins qu'elle entretenait une relation plus qu'ambiguë avec son paternel. Et si tel était le cas, elle pouvait courir pour que ce qui s'était passé hier, se reproduise ce soir ou n'importe quel autre soir.

Niveau tenue, elle avait assurée. J'avais remarqué sa barrette en forme de papillon dans ses cheveux, dès que je m'étais apprêter à m'asseoir. Le serveur qui m'avait accompagné jusqu'à la table avec le maître d'hôtel, avait reculé ma chaise pour m'aider dans ma tâche. Je m'étais ensuite assis, et j'avais jeté un rapide coup d'œil vers son décolleté. Celui de la jeune femme évidemment, et non celui du serveur. Qui au passage, n'en avait pas. Pour ce qui était de Ondine, le siens était... léger, mais il mettait bien les choses en valeur. Elle portait du rouge à lèvre assortis à sa robe, et vue les coutures au niveau des brettelles, elle devait sans doute être accompagnée d'un magnifique décolleté à l'arrière de son dos. J'en aurai la confirmation dès qu'elle partirait aux toilettes.

"Apportez nous un Casanova di Neri 1993, et quelques amuses gueules."

J'avais passé commande pour le vin, sans laisser à la jeune femme le temps de prononcer son choix. Niveau vin, je m'y connaissais, et même si je préférais de loin tout ce qui était français, ce vin de Toscane restait l'un de mes préférés, et je savais que ce restaurant en avait.

"C'est l'un des meilleurs. Il vient de Toscane. Pour le repas, je comptais nous commander un assortiment de fruits de mers. C'est leur spécialité."

Les choses avaient été mises à plat. Elle ne passerait pas commande, c'est moi qui m'en chargerait. D'ailleurs, on ne nous avait pas amené de cartes à table, car le serveur, maître d'hôtel et les autres employés de la boîte, savaient très bien comment je fonctionnais. En fonction de qui je regardais dans la pièce, ils savaient ce que je voulais manger. Là, j'avais porté mon regarde sur Alfred, un des plus anciens serveurs du restaurant, qui aimait plus que tout les fruits de mers. Ca lui avait indiqué mon choix pour le repas de ce soir. Il n'y avait que le vin que je commandais de vive voix, car il changeait en fonction de mon humeur du moment.

"Vous pouvez fermer la bouche, et arrêter de me fixer comme ça ? C'est pas possible. Vous voulez un autographe ? Vous êtes sorcier ou moldu ?"

C'était quoi ce type à la table d'à côté qui me fixait ? Je n'aimais pas être dérangé à table, et apparemment, Ondine non plus, vue qu'elle était devenue rouge comme une tomate.

"Il ne faut pas le prendre comme ça ma belle. Ces gens n'ont aucun respect pour les personnes comme nous, mais ne t'en fais pas, je vais nous le faire éjecter rapidement. En attendant, boit un verre d'eau, ça te fera partir ce teint rougeâtre. D'un côté, hier soir il t'allait très bien. C'est fou ce que tu peux transpirer quand tu fais l'amour. Ah serveur ! Vous pourriez changer cet homme de table, il me fixe depuis avant. Tenez..."

J'avais glissé un billet dans la poche du serveur qui s'était avancé vers l'homme, enfin vers le père de Ondine...

"Je nous ai réservé une chambre à l'hôtel pour ce soir. Enfin je dis ça comme ça. C'est pas comme si j'étais persuadé que tu aurais envie d'y monter... Tu avais réservé toi aussi une chambre ?"

J'avais dit cela avec un grand sourire tout en portant un verre d'eau à mes lèvres.

"Qu'est ce qu'il y a ?"

Pourquoi elle me fixait comme ça ? Et comment ça se faisait qu'elle tombait de plus en plus de sa chaise... Et pourquoi cet homme était encore là à me fixer ????

LA CATA. C'ETAIT LA CATA.

En totale catatonie, Ondine fixait Maxwell d'un air absolument catastrophé.

Ce n'était pas possible, c'était un cauchemar ! Elle allait se réveiller. Il fallait qu'elle se réveille ! Et si possible, pas dans les bras de ce rustre incapable de distinguer une situation gênante ! D'un geste empressé, Ondine se pinça le bras si fort qu'elle laissa échapper un petit couinement. Ouvrant brusquement les yeux, et s'apercevant que ça n'avait pas fonctionné, elle attrapa sa fourchette posée près de son assiette, et, retenant sa respiration, elle se la planta dans la main. O_o La jeune femme avait souvent des réactions et des gestes exagérés, mais en cet instant où la pire abomination se déroulait devant ses yeux, elle tentait le tout pour le tout.

Se mordant les lèvres pour s'empêcher de crier de douleur, elle ferma les yeux à s'en fendre les paupières, priant pour qu'elle se réveille. Elle patienta quelques secondes et ouvrit les yeux, posant tout d'abord un regard sur le dessus de sa main qui portait quatre petites entailles profondes et ensanglantées, puis sur Maxwell qui la dévisageait sans comprendre, et préféra alors éviter méthodiquement son père.

Ok. Ce n'était pas un rêve. Morphée ne lui avait pas joué un tour, elle était bel et bien dans la réalité. Elle prit une profonde inspiration mais garda tout l'air en bouche lorsqu'elle se rendit compte qu'elle ne savait que dire. Comment expliquer à son père ce qu'elle faisait dans ce restaurant avec un homme plus âgé qu'elle, peut-être même plus âgé que lui ?! De plus, il n'était pas idiot, il avait sûrement déjà compris de quoi il retournait (pas comme cet imbécile avec lequel elle avait partagé une nuit, ce qu'elle regrettait amèrement, d'ailleurs).

Décidant de jouer le tout pour le tout, elle éluda la majorité de ses propos choquants qui auraient pu être mal interprétés (à raison), et, se penchant au-dessus de la table, elle lui lança d'un ton acide :

"Je déteste les fruits de mer. On dirait de petites friandises mais quand on les mange, ça ressemble à des trucs tout visqueux. ça n'a rien à voir avec des bonbons."

Elle le lorgna d'un regard triomphant, fière d'avoir dérangé ses plans, mais elle manqua de tomber de sa chaise lorsqu'il s'adressa à son père avec dédain. Il le prenait pour un fan ! Ondine en aurait ri si la situation n'avait pas été aussi grave. Ne pouvant articuler aucun mot intelligent, elle se contenta d'observer un point fixe devant elle, le rouge de le honte et de la colère lui montant aux joues. Mais l'énergumène ne s'arrêta pas là : il poursuivit ses propos indécents, la mettant au supplice. Elle eut juste le temps de retenir le serveur par la manche avant qu'il ne demande à son paternel de quitter les lieux.

Le teint toujours autant cramoisi, elle tenta de donner un semblant d'explication :

"Papa" dit-elle en insistant bien sur le mot, et en lançant un regard en coin à son patron afin qu'il comprenne bien, cette fois-ci. "Je te présente... John. C'est le père de mon petit ami. Il adore plaisanter ! Ahah !"

Elle éclata de rire mais celui-ci avait quelque chose de forcé, de pas très naturel. Elle se racla la gorge avant de faire plus de dégâts, et se penchant vers son père, elle lui murmura rapidement à l'oreille :

"Il a un humour un peu lourd. Un peu... obsédé. Heureusement que je ne sors pas avec lui, hein ??"

Nouveau rire jaune. Décidément, Ondine était mauvaise actrice. D'ailleurs, son père, qui la connaissait bien, ne se laissa pas berner aussi facilement. Croisant les mains, tout en observant Maxwell d'un regard suspicieux, il demanda à la jeune femme :

"Si c'est le père de ton petit ami, que fait-il dans un restaurant avec toi ?"

Très bonne question. Ondine aurait pu déclarer forfait si, en tant que journaliste professionnelle, elle n'avait pas quelques mensonges en réserve.

"Il est venu me dire que Neil ne viendrait pas ce soir." répliqua-t-elle en vitesse. "Enfin il ne l'a pas dit verbalement, mais sa simple présence suffit à le confirmer. Hum... Neil est très occupé à son travail, n'est-ce pas Monsieur ?"

Ondine posa alors un regard appuyé sur Maxwell, l'implorant mentalement d'approuver ses dires et de ne pas la faire passer pour une folle. S'il avait un semblant d'âme humaine, il pouvait aisément comprendre qu'elle ne souhaitait pas que son père sache qu'elle avait légèrement dépassé les frontières relationnelles entre employeur et employé. Il restait juste à savoir si l'homme qu'elle avait en face d'elle n'était pas un monstre d'égoïsme à l'ego démesuré.

Non mais elle était folle ??? Voilà la première chose qui m'était passé par la tête, quand je m'étais brusquement reculé avec ma chaise, en la voyant planter sa fourchette en plein cœur de sa main. Souffrait elle de schizophrénie ? Allait elle se transformer en un monstre avide de sang ? Pourquoi avait elle fait ça ? Et voilà qu'elle fermait les yeux une fois de plus. Elle se croyait où ? Dans un cauchemars ? Mais oui, ma belle ! Tu y étais dans ce cauchemars que tu as toi même créé en te plantant cette fourchette dans la main. Elle ne pouvait pas attendre comme tout le monde qu'on lui servait son repas ? Elle était tellement affamée qu'elle allait se charcuter ? Et ensuite quoi ? Elle s'attaquerait à ce type au regard insistant à côté d'elle ?

"Ils allait nous amener des amuses gueules. Tu n'étais pas obligé de faire ça."

Et en plus, le serveur venait tout juste d'arriver, avec le vin, et les amuses gueules.

"Tu vois. Ils allaient nous nourrir ! Apportez quelque chose pour cicatriser sa plaie."

J'avais donné l'ordre au serveur d'aller trouver un Médicomage ou quelqu'un capable d'arranger cela. Elle serait vraiment aller jusqu'à se manger le bras ?? Ou juste la main peut être ? Mais qu'était elle en train de faire ? Elle s'était penchée vers moi pour me dire ce qu'elle pensait des fruits de mers. C'était ça qui l'avait mis dans cet état ? Le fait que j'avais commandé du poisson ? On aurait pu prendre autre chose, c'était pas un problème. Et que faisait elle maintenant avec notre voisin de table ? Voilà encore un qui était sur le point de se faire appeler "papa". Elle devait vraiment avoir un soucis avec son père pour appeler tout le monde ainsi.

"Je ne m'appelle pas John, et je n'ai pas de fils."

Pour qui se prenait elle de me créer une autre vie que la mienne ? Elle me convenait très bien ma vie ! Et il était un peu tôt pour parler enfants. Oups... Attendez voir... C'était qui lui ? Son père ? C'était ça qu'elle essayait de me dire depuis le début ? Ah d'accord... Fallait être plus clair... Ah ces filles... Toujours en train de nous causer des problèmes...

"Euh... Enchanté monsieur. Je suis Maxwell Weaving, directeur de la Gazette du Sorcier. Vous connaissez sans doute, non ? Je vous ferai parvenir un numéro gratuitement, si vous prenez en charge les frais d'expédition. Ou alors vous pouvez trouver la Gazette à tous les coins de rues. Vous savez qu'on livre aussi par hibou postale. Il suffit de prendre l'abonnement sorcier prenium. Et je vous prie d'excuser l'absence de mon fils pour le dîner de votre fille avec... mon fils. Et son absence était justifiée, car justement il est avec... Sa mère... Il dort chez elle ce soir, c'est sa quinzaine. Voilà."

En disant cela, on pouvait se demander quel âge avait son fils, vue qu'il avait dû annuler un dîner pour aller dormir chez sa mère qui avait sa garde une quinzaine sur deux. Non, il fallait être plus convainquant.

"Permettez moi de vous inviter à dîner. Vous pouvez vous joindre à nous. Je vais vous faire installer un autre couvert. Garçon ! Un autre couvert pour monsieur Akeller !"

On s'était immédiatement exécuté, sans laisser le temps au père de la jeune femme de donner sa réponse.

"Amandine m'a très souvent parlé de vous. Enfin elle en a parlé à mon fils, qui m'en as parlé. On se parle beaucoup avec mon fils. J'entretiens une bonne relation avec lui. On... On sort, on va au restaurant, on fait du Quidditch, il vient à la Gazette aussi. Il est journaliste. Voilà, journaliste. Et il écrit des articles, comme font les journalistes. Et là il est pas là, car il dort chez un ami ce soir. Enfin vous savez ce que c'est. Quand ils sont jeunes, ils ne restent plus trop à la maison. Enfin il n'est pas si jeune que ça, il a 20...1...2 ? 24 ans environ. C'est sa mère qui a décidée, pour ça que je ne suis plus très sûr. Enfin elle a décidée de quand elle voulait tomber enceinte. Moi je préférais attendre un peu... Il s'appelle John. Voilà..."

Là c'était plus crédible je pense. Il ne pouvait que croire ce que j'avançais. Et en parlant d'avancer, voilà que le serveur venait vers nous avec un cocktail spécial couple. Oh non... Mon dieu... C'est vrai... J'avais commandé du vin, ce qui signifiait que je voulais notre cocktail spécial couple. Couleur rose, grand verre, petit parapluie et un cupidon avec... Roooh... Fichues méthodes de drague.

"Vous devez vous trompez. J'ai commandé du vin."

- Bien sûr monsieur.

Le serveur avait répondu cela avec un petit sourire signifiant que c'était justement ce qu'il devait apporter quand je commandais du vin.

"Maître d'hôtel ? Virez moi ce serveur, c'est un incapable. Il ne sait pas faire la différence entre du vin et un cocktail. Allez zou ! Rentrez chez vous, pleurer dans les genoux de votre mère. Vous êtes viré !"

Pourquoi le père de Ondine et la jeune femme me regardaient ainsi ? Ils avaient jamais assisté à un renvoi d'un serveur incompétent ? Le maître d'hôtel c'était contenté de me dire qu'il allait obéir de suite, et on pouvait voir le serveur s'éloignait en pleurant avant de rejoindre le vestiaire et de quitter le restaurant. Un de perdu, dix de retrouver, non ?

"C'est mon restaurant. Je l'ai acheté y'a deux ans. Et vous vous travaillez dans quoi ? Marine m'a jamais parlé de vous. Vous êtes marié ? C'est votre seule fille ? Moi j'en ai une aussi. C'est la seule d'ailleurs, et ça me suffit amplement. Ils sont turbulents quand ils sont jeunes. Enfin là, elle est avec mon ex femme."

J'avais porté le verre d'eau à ma bouche et j'en avais bu une gorgée d'un air triomphant. J'étais persuadé que j'avais réussi à convaincre le père d'Ondine qu'on sortait ensemble. Enfin qu'elle sortait avec ma fille... Mon fils.... Rooh c'était compliqué. Bref, je pense que je l'avais convaincu du mieux que je pouvais de ce qu'elle voulait que je le convainc.

Ondine se demanda pendant un bref instant si l'homme en face d'elle n'était pas complètement demeuré. Il ne comprenait rien à rien. Bon, il avait fait mander un serveur pour avoir du désinfectant afin qu'elle se soigne la main, ça c'était gentil, mais pourquoi, POURQUOI fallait-il qu'il s'embrouille à ce point ? N'était-il pas journaliste ? Hum, pardon : n'était-il pas directeur du plus grand journal des sorciers ? Ne savait-il pas mentir sur quelque chose qui n'avait aucune espèce d'importance pour lui ? En tous cas, pour Ondine, c'était comme si la fin du monde avait sonné. Un avion se crashant en plein sur le restaurant lui aurait fait le même effet. Maxwell Weaving était un abruti, et le pire dans tout cela, c'est qu'elle avait passé une nuit avec lui. Elle ressentit le besoin urgent de se confesser et de demander l'absolution de ses péchés. Allez savoir pourquoi, étant donné qu'elle n'était pas catholique.

Il s'enfonçait de plus en plus dans des explications tarabiscotées, mais le pire du pire, ce fut lorsqu'il annonça qu'il n'avait qu'un seul et unique enfant, à savoir une fille.

Ondine, qui essayait de se faire toute petite depuis le début du monologue de son patron, aurait voulu disparaître sous la table. Tout effacer. Arracher cette page de sa vie et continuer comme si de rien n'était. Elle n'osait pas croiser le regard de son père qui embrasait sa peau. Elle savait qu'il attendait une explication de sa part, mais la jeune femme était incapable de parler. Comment trouver une solution étant donné que l'autre bêta avait tout embrouillé ? Elle se contenta donc d'appliquer la serviette imbibée d'alcool qu'un serveur venait de lui apporter, tout ceci en couinant et en grimaçant. La prochaine fois, elle y réfléchirait à deux fois avant de se charcuter.

Entre-temps, Maxwell avait invité son père à se joindre à eux pour dîner. A ce moment-là, Ondine crut que son coeur allait lâcher, ou qu'elle allait faire une attaque cérébrale là, en plein restaurant. Mais non, hélas, son corps était en parfaite santé. Il y avait des jours où la chance ne souriait vraiment pas.

Puis, non content de bousiller leur soirée et sa vie, par la même occasion, son patron vira sans état d'âme un pauvre serveur qui lui avait apporté ce qu'il désirait. Elle ne put s'empêcher de ressentir un élan de colère pour cet homme qu'elle ne connaissait pas. Excédée par tout ce qui s'était passé ces dernières minutes sans qu'elle ne puisse rien contrôler, la jeune femme jeta violemment sa serviette sur la table, et après un regard incendiaire à l'intention de Maxwell, elle se leva pour aller prendre l'air. Elle avait à peine conscience qu'elle avait abandonné son père à son patron (et qui sait ce qu'il était capable de raconter d'autre !) mais elle n'en avait plus rien à faire.

Ironie du sort, au moment de sortir, elle tomba nez à nez avec Edmund, son autre père. Celui-ci lui offrit un visage ravi, l'observant avec un sourire malicieux.

"Ah, tu es en plein dîner romantique ?" demanda-t-il d'un ton jovial.

"Non, pas vraiment..." marmonna Ondine entre ses dents.

"Je dois rejoindre ton père ici. Il paraît qu'ils font de superbes plateaux de fruits de mer ! Il n'y a pas que les jeunes qui ont le droit de s'amuser !"

Ondine essaya de sourire mais ne parvint qu'à faire une grimace dépitée. Le sort s'acharnait contre elle. Elle n'avait d'autre choix que d'accompagner Edmund. Elle fit donc chemin inverse avec son père numéro deux à son bras, et l'amena jusqu'à la table occupée par Maxwell et Roy.

"Regardez qui voilà !" s'écria-t-elle d'un ton faussement joyeux.

Elle fit pratiquement asseoir Edmund de force à table, juste à côté de Roy qui lui saisit la main comme pour le préparer à ce que leur fille allait leur dire, mais celle-ci se contenta de faire les présentations.

"Monsieur Weaving..." dit-elle après une hésitation.

Comment devait-elle l'appeler ? Devait-elle continuer à faire croire qu'il était le père de son petit ami, ou le mensonge erroné allait-il passer pour du mauvais goût. Elle préféra rester vague.

"Monsieur Weaving, je vous présente mon autre père. Edmund MacCallister."

Elle croisa les doigts pour que Maxwell ne soit pas homophobe. ça serait le comble ! L'apothéose d'une soirée désastreuse ! Trop épuisée mentalement pour y réfléchir plus longtemps, elle fit le tour de la table et alla se laissa tomber sur sa chaise sans aucune grâce.

"Quant à moi, il me faut un verre de champagne !" dit-elle dans un soupir.

Elle fit signe à un serveur d'apporter une bouteille. Que devaient-ils fêter ? Son humiliation ?

Instinctivement, elle rentra la tête dans les épaules, comme pour se préparer aux prochaines explications foireuses.

"Ondine." dit soudain Roy d'un ton cassant.

Celle-ci sursauta sur sa chaise, croyant qu'elle allait devoir subir un sermon devant tout le monde (ultime humiliation), mais en relevant la tête, elle constata que le mot était adressé à Maxwell, parce qu'il s'était trompé de prénom lorsqu'il avait parlé d'elle. Ce n'était pas nouveau, il ne retenait rien qui ne concernait pas directement sa petite personne. La jeune femme avait tellement envie de lui tordre le cou qu'elle déchira la serviette qu'elle tenait en mains.

"Si vous voulez. Serveur ? Mettez un autre couvert et apportez nous un plateau de fruits de mers en plus."

Il m'avait demandé si on dîner, et j'avais répondu en commandant un autre plat. Ils étaient vraiment affamés dans cette famille. Entre Amandine qui se charcutait la main, et son père qui demandait "Ondine" (On dîne. )... Bref, et l'arrivée du second père n'avait pas arrangé les choses. Oh ben tiens ! Ah non... Roooh... Pas lui...

"Edmund... Qu'elle joie de te revoir..."

Il était stagiaire à la Gazette du Sorcier à l'époque. C'était une vraie plaie ce type. Il n'était pas capable de pondre un article correcte, et en plus on me l'avait affecté quand je n'étais que journaliste professionnel. C'était lui qui m'avait présenté ma seconde femme. Enfin... Quand il avait démissionné, c'était elle qui avait pris sa place. Donc en quelque sorte, il était à l'origine de mon second mariage. Elle était plutôt pas mal, mais totalement folle. Je l'ai quittée au bout de quelques années. Ou c'était elle qui était partie... Enfin ça remontait à loin, et ça n'avait plus aucune importance aujourd'hui.

"Ca fait plaisir de te revoir. Tu deviens quoi ? T'as enfin pu percer dans le journalisme ?"

Bon d'accord, je savais très bien que ça ne pouvait pas être possible, car quand il avait claqué la porte du journal, j'avais passé des coups de fils, si bien que dans chaque Gazette où il se présentait, on lui répondait que son ex employeur n'avait pas hésité à le démolir pour être sûr qu'il ne retrouverait plus jamais une place dans un journal... Il fallait me comprendre... Il avait abandonné en cours de route, ça faisait de lui quelqu'un de pas fiable. Il ne fallait pas qu'une autre Gazette se le coltine.

"Tu ne devrais pas boire autant de champagne chérie, ça ne te réussi pas."

Enfin je m'en doutais, car ça n'avait pas réussi à ma première femme. Ca la rendait très, même trop vite pompette, si bien qu'une fois elle s'était trompé de lit quand elle avait cru me rejoindre. C'était l'une des raisons de notre rupture. La seconde c'était que j'avais tenté de la tuer. Mais c'était une longue histoire.

"C'est pour moi l'assiette de fruits de mers."

Je m'étais adressé au serveur qui venait d'arriver avec les deux premières assiettes de fruits de mers. J'avais dit que c'était pour moi, mais de toute façon, on en avait tous pris. Enfin, je ne voulais pas être servis le dernier, je n'aimais pas ça. Le serveur s'était approché de moi, avait déposé l'assiette devant moi, et il avait apporté l'autre à Ondine, le temps que les deux autres assiettes arrivaient entre les mains d'un autre serveur. J'avais passé ma serviette sur mes genoux, et j'avais pris ma fourchette.

"Miam ! C'est leur spécialité, vous allez adorer !"

J'étais ravis. La soirée se passait à merveille, et on venait enfin d'être servis. Que rêver de mieux ?

"Tu es très en beauté ce soir..."

Je n'avais pas pu m'empêcher de complimenter la jeune femme qui m'accompagnait. Un petit compliment, ça les faisaient toujours rougir. C'était... Mignon. Et... Aiiie ! Je venais de me prendre un verre d'eau froide en plein visage. Une femme se tenait à côté de notre table. Aie...

"Charline ! Qu'elle bonne surprise."

- C'est Maryline ! Et on devait dîner ensemble ce soir. Dans ce restaurant ! C'est qui cette pouffe ???

Cette pouffe ? Où ça ? Ah... Ondine ?

"Amandine Akeller, elle travaille à la Gazette. T'as déjà dû la croiser. Tu veux t'installer avec nous ?

- [Cette réplique est censurée par le service de censurage du forum... ]

Ah ben heureusement qu'elle était partie après avoir dit ça, car je serai très certainement sortit de mes gants. Non mais quel culot quand même. Bon... Où est le vin ?

[b]"Je sers quelqu'un ?"

Et voilà... Comme si de rien était...

Avait-elle bien entendu ? Venait-il de tutoyer Edmund ? Comment la chose pouvait-elle être possible ? Pendant un terrible instant, Ondine songea à la possibilité que Maxwell ait vécu une brève liaison avec son deuxième père, mais elle chassa bien vite cette idée de sa jolie petite tête, car il était impossible que son patron soit bi. C'était impossible, n'est-ce pas ?

Elle fut rassurée d'apprendre qu'Edmund était en fait sous ses ordres lors de son stage de journalisme, puis d'un seul coup, alors que la portée des paroles pénétraient son cerveau, elle sursauta et dévisagea son deuxième père, en même temps que Roy. Il semblait que lui aussi n'était pas au courant que son petit ami avait essayé de percer dans ce domaine. Subitement, Ondine comprit l'obstination de son deuxième père à la convaincre de ne pas choisir cette branche qui était impitoyable et malsaine pour une jeune fille comme elle. Posant le regard sur Maxwell, elle songea qu'il n'avait pas tout à fait tort, finalement. Elle aurait mieux fait de l'écouter. D'un autre côté, elle sentait que le journalisme était sa voie. Elle en était persuadée. Ce ne serait pas un petit écart de conduite qui l'écarterait de sa destinée !

Hélas, une autre pensée plus qu'alarmante traversa son esprit. Elle eut un petit hoquet de surprise avant d'observer Maxwell avec plus d'attention, discernant chaque ride d'expression. Quel âge avait-il ? Certes, elle le savait vieux. Mais il venait de dire qu'il était le supérieur de Edmund lorsqu'il était jeune, et celui-ci avait plus de quarante ans ! Elle essaya de rester parfaitement calme, priant pour que Maxwell soit tout de même plus vieux que son géniteur, sinon ça serait devenu carrément bizarre. Fallait-il qu'elle consulte un psy pour régler son problème ?

Tandis qu'elle réfléchissait à tout cela, elle réduisit les restes de sa serviette en charpie. Pendant ce temps, Edmund répondait avec réticence à la question de Maxwell, par une autre question :

"Et toi ? Tu en es à ton combientième mariage ?"

Maxwell l'ignora totalement, prononçant une phrase qui fit sursauter Ondine :

"Tu ne devrais pas boire autant de champagne chérie, ça ne te réussi pas."

Chérie ? CHERIE ? Mais il était complètement stupide ou quoi ? Pourquoi ne pas brandir une banderole "on a couché ensemble" pendant qu'il y était ? Ondine savait pertinemment que son mensonge n'avait eu aucun effet sur son père, mais elle espérait qu'Edmund n'y verrait que du feu, afin de semer le doute ensuite dans l'esprit de Roy. Décidément, son patron était complètement idiot ! Rien que pour l'anerver (si tant est que quelque chose puisse l'énerver), Ondine attrapa la bouteille de champagne et en vida le contenu (il en restait peu puisqu'elle avait tapé dedans à plusieurs reprises) dans son verre, qu'elle porta ensuite à ses lèvres pour le vider cul-sec. Non mais, il voulait lui imposer sa façon de vivre, en plus ?

"Le journalisme, c'est de famille on dirait !" dit-elle soudain d'un ton tout guilleret, espérant détendre l'atmosphère.

Edmund et Roy ne desserrèrent pas les dents. Ondine, elle, sentait une certaine légèreté s'emparer d'elle, alléger son esprit, libérer son coeur comme une bulle de savon... ou de champagne.

Elle laissa échapper un petit rire aigrelet lorsque le serveur apporta les plats, et trouva extrêmement drôle que Maxwell mange des fruits de mer. Allez savoir pourquoi.

"Les fruits de mer... C'est bizarre comme nom. Les fruits, c'est sucré normalement ! Et ça ressemble pas à ça... hip !"

Réplique particulièrement incisive et à-propos. Ondine voyait un peu flou, à présent. Son cerveau lui semblait légèrement embrumé, mais elle se sentait très très bien. La pêche ! En plus la pêche, c'est un fruit !

"Tu es très en beauté ce soir..."

"Pfff... toi aussi tu es belle !" dit-elle avant d'éclater de rire.

Ses deux pères se lancèrent un regard avant que Roy ne la prenne par le bras.

"On s'en va." décida-t-il. "Tu es ivre, je refuse que tu t'affiches comme ça."

Ondine se débattit quelque peu mais son père ne lâcha pas prise. Se penchant vers elle, il lui murmura à l'oreille :

"Demain tu me remercieras."

La jeune femme n'eut pas le temps de lire la déception dans son regard car à cet instant précis, quelqu'un lança un verre d'eau froide sur Maxwell. Ondine rit à gorge déployée, manquant de tomber en arrière. Trop étonné, son père lui lâcha le bras.

Il y eut un échange entre Maxwell et l'élégante créature mais la jeune femme n'en saisit aucun mot, trop hébétée par l'alcool. Elle parvint juste à articuler lorsqu'elle la vit partir d'une démarche fulminante :

"Machine ! Reviens ! Y a assez d'place à tableuh !"

Elle laissa échapper un autre rire puis se concentra de nouveau sur les trois hommes de sa vie... si l'on pouvait s'exprimer ainsi. Elle s'accouda à la table, coinçant sa tête dans sa main, le regard vitreux, puis se mit à jouer avec les boutons de manchette de Maxwell. O_o Soudain, une musique résonna dans ses oreilles, et elle tira aussitôt l'homme par la manche, lui offrant un regard de poisson rouge excité :

"On danse ? Dis on danse ?"

Ses deux pères, à ses côtés, ne savaient plus que faire pour l'empêcher de se rendre ridicule.

Danser ? Et pourquoi pas après tout. Je m'étais levé, en parfait gentleman. Ca ne se faisait pas de refuser une danse avec une aussi charmante demoiselle, surtout quand cette dernière vous le demander si gentiment. Qui plus est, je l'avais invité. Je me devais donc de répondre à ses attentes. Au moment où j'avais pris sa main, voilà que Roy m'avait pris par devant, et l'avait forcée à le suivre jusqu'à la sortie. Pendant ce temps, Edmund était resté avec moi.

- Tu te rends compte de ce que tu es en train de faire ?

"Qu'y a t'il de mal à danser ? What did you Expect ?"

C'est vrai ça ! Il s'attendait à quoi ? Que je lui refuse cette danse ? Moi ? Un parfait Gentleman ?

- Tu sais très bien ce que je veux dire. Depuis quand tu sors avec elle ? Et c'est quoi ton but ? Te marier avec ? La quitter avant ? Lui faire croire ce que tu as toujours fait croire aux femmes et ensuite basta ?

"Tu t'es mis à l'italien ?"

Il avait dit un mot en italien. Cet homme avait peut être un peu évolué depuis la dernière fois où je l'avais vue.

- Tu es un emmerdeur public numéro un ! Et je ne veux plus que tu t'approches d'elle ! Tu m'as compris ?

"Sinon quoi ? Tu vas m'en empêcher ? Tu vas t'interposer ? Lui dire que je ne suis pas quelqu'un de bien ? Pour ta gouverne on ne sors pas ensemble. Enfin, on devait dîner ce soir, mais c'est tout. J'avais pris une chambre d'hôtel pour ensuite. Généralement on ne s'envoie qu'en l'air !"

J'aurai bien aimé finir ma phrase, en dire un peu plus, mais j'avais sentit quelque chose de très dur venir se frotter contre ma mâchoire. Non c'est pas vrai ! Il n'avait pas osé ! Edmund était quelqu'un de pas très grand, pas très corpulent, et surtout, il n'était pas fort du tout. Son coup de point m'avait atteint, mais je n'étais pas tombé pour autant. J'avais passé ma main sur ma joue, et on pouvait y voir quelques gouttes de sang. Cet imbécile avait réussi à me faire mal. Non mais quel enfoiré ! Je ne m'étais pas laisser faire, et j'avais riposté aussi sec. Il s'était pris un bon coup de poing qui l'avait envoyé valser contre la table. Cette dernière c'était cassé sous le poids.

"Et j'en ai plein d'autres en réserve si tu me cherches encore ! Tu n'as vraiment pas changé !"

Pendant que je parlais, il tentait de reprendre ses esprits et de se relever. Un serveur avait accouru pour l'aider, tandis qu'un autre m'apportait une serviette pour ma joue et un peu de glace.

"Tu vois, ça au moins elle ne le tient pas de toi. D'ailleurs, elle n'est pas vraiment de toi, vue que tu n'es que son père par procuration. Ca fait quoi de faire semblant d'être le père de quelqu'un ? Tu n'as jamais pu diriger quoi que ce soit dans ta vie, et tu crois être capable de diriger une fille ? Si j'ai envie de m'envoyer en l'air avec elle c'est pas toi qui..."

Ce coup là avait fait un peu plus mal que le précédent. Et celui que je lui avais rendu, il avait réussi à le contrer. Et voilà qu'on en était réduit à ce cogner dessus. Les serveurs nous avaient séparés, même s'ils hésitaient à me retenir. Je n'étais pas n'importe qui. Mais comme il était bien fortement maintenu, je n'allais pas continuer à le frapper. On pourrait toujours reprendre dehors. Cela dit, il m'avait fait sacrément mal.

- Tu n'es qu'un enfoiré ! Ne t'approche plus d'elle sinon je ne te louperai pas la prochaine fois.

"Mais va te faire foutre ! Saperlipopette !"

Hein ? Quoi ? Les serveurs et les gens assis autour me regardaient bizarrement. Il fallait que je trouve mieux.

"Bordel !"

Là ils avaient souris tout en regardant méchamment l'homme qui m'avait agressé. Il fallait que je sorte, sinon j'allais l'achever. J'avais pris la serviette et de la glace, puis j'étais partit en claquant la porte derrière moi. Au dehors, il y avait Ondine et Roy. Ce dernier m'avait regardé d'un air des plus surpris.

"Il n'est pas mort si ça peut vous rassurer. Ils sont en train de le calmer."

Roy s'était empressé d'entrer dans le restaurant pour récupérer Edmund, mais ce dernier était déjà traîné de force vers la sortie, par les serveurs.

"Ce type est un véritable enfoiré !"

Voilà la seule chose que j'avais trouvé à dire à Ondine tout en portant à mes lèvres mon verre de scotch. Je l'avais amené avec moi au dehors. Mais ça faisait mal de boire, tout ça à cause de ma joue qui saignait encore un peu.

Emportés par la foule qui nous traîne et nous entraîne, écrasés l'un contre l'autre, je lutte, et je me débats...

Voilà ce que Ondine aurait pu chanter en cette fin de soirée particulièrement orageuse, sauf que l'excès de boisson lui faisait imaginer une foule qui n'existait pas, et qu'elle était écrasée seulement contre son père qui lui tordait le poignet et la menait sans ménagement vers la sortie. La belle se débattait, mais plus en pensées qu'en actes, car ses gestes mollassons et mal calculés n'étaient guère intimidants. Son père accentua la pression sur son poignet (elle laissa échapper un cri) et plusieurs têtes se tournèrent sur leur passage lorsqu'ils franchirent les portes du restaurant. Une fois dans la rue, Ondine eut droit à un sermon en bon et dû forme. Ou plutôt, elle décida de prendre les devants pour éviter de se retrouver dans un silence embarassant :

"Voui voui... je sais ce que tu vas me dire..." balbutia-t-elle d'une voix pâteuse.

Son père l'avait lâchée, et elle en profita pour lever l'index dans sa direction, prenant une grosse voix faussement en colère :

"Que t'arrive-t-il, jeune fille ? Je ne te reconnais plus ! Je ne suis pas fâché, simplement déçu ! On ne va pas en rester là ! Edmund et moi nous allons en parler, et crois-moi, il y aura des retombées !"

Elle connaissait les sermons par coeur pour en avoir avalé des centaines lorsqu'elle était petite fille. Cela faisait des années qu'elle n'avait plus fait de grosses bêtises (ou tout du moins, ses pères ne l'avaient pas su), et il semblait que l'alcool lui déliait la langue car en temps normal, jamais elle ne se serait permise de parler de la sorte à Roy. Ou presque jamais.

Cependant, celui-ci se contenta de la fixer, les mains dans les poches, et l'air abattu. Si elle avait été un peu dégrisé, elle aurait remarqué une nouvelle ride barrer son front et son expression affligée du père qui pense avoir tout raté dans l'éducation de sa fille.

"Je ne vais pas te faire la leçon." dit-il enfin après un long silence. "Je suis trop vieux pour ça... et toi aussi. Logiquement, tu es suffisamment adulte pour savoir ce qui est bon pour toi." (soupir) Je ne te jugerai pas. Tu es libre de faire ce que tu veux et d'en assumer les conséquences... Mais si jamais tu as besoin d'aide, tu sais que je serai là. Edmund et moi serons toujours là pour toi."

Après ce petit monologue, Ondine se sentit légèrement dégrisée. Son père ne lui avait jamais parlé de la sorte, comme s'il la considérait comme... une adulte ? C'était bien le mot qu'il avait dit ? Mais alors, il allait arrêter d'être gonflant et de vouloir tout savoir de sa vie ? Elle faillit s'en réjouir jusqu'à ce qu'il ajoute :

"Ne crois pas que ta vie va être un champ de jonquilles avec un prince charmant au milieu. Vu comme c'est parti, je parie que dans moins d'un mois je t'entendrai dire : "tu avais raison" et c'est moi qui devrai recoller les morceaux. Pas lui."

Il fit un signe de tête désabusé en direction du restaurant et Ondine comprit qu'il parlait de Maxwell. Bien entendu, ce type-là n'était pas de ceux qui avaient des états d'âme. Mais elle ne faisait que s'amuser avec lui ! Il n'y avait rien de mal à ça ! Elle n'allait même pas souffrir puisque dans l'histoire, il n'y avait même pas de sentiment ! Inconsciente de ce que cette image pouvait provoquer dans l'esprit de son père, la jeune femme ouvrit la bouche pour lui expliquer mais à cet instant précis, la porte du restaurant s'ouvrit brusquement. Maxwell apparut, une serviette avec de la glace plaquée sur sa lèvre en sang. La jeune femme le dévisagea, perplexe, et vit son père se ruer dans le restaurant, sûrement pour voir l'étendue des dégâts chez Edmund.

Maxwell s'approcha alors, plus sexy que jamais dans son costume froissé et son bouche ensanglantée qui lui donnait un côté trop viril. Elle faillit se jeter à son cou mais, se ressaisissant au dernier moment, elle se dépêcha de lui coller un coup dans les côtés, son sourire disparaissant en même temps.

"Triple idiot ! Imbécile ! Qui t'a autorisé à frapper mon père ?! Non mais tu as quel âge ? C'est dans la cour de l'école que les garçons se battent, bon sang ! Et c'est pas parce que ça te rend encore plus sexy que c'est une excuse ! Je suis CONTRE la violence, surtout si ça implique de prendre mon père pour un punching ball !"

Elle continuait de le rouer de coups, qui n'atteignirent pratiquement jamais leur cible, car la belle voyait toujours un peu double. C'est pas grave, l'intention y était. Dans tout cela, elle ne s'était même pas aperçue qu'elle l'avait tutoyé, mais les bagarres, tout le monde le sait, ça rapproche les gens...

Je n'ai jamais rien compris aux femmes. C'était pas vraiment utile de comprendre les femmes, car même quand on arrivait à les cerner, elles finissaient par se perdre dans les méandres de la vie, et à faire des choses qui n'étaient pas inscrites dans la manuel des femmes de tout âge. Parfois, je me demandais où elles allaient chercher cela. Prenez mon ex femme. Pas la deuxième, mais la première. Je l'avais amené à un match de Quiddicth, car elle m'avait suppliée pendant des semaines de se faire une sortie. Et comme je devais justement faire un article sur... Attendez une minute. C'était pas ma première femme, mais la seconde je crois bien. Ou la troisième peut être. En réalité c'était Alysson, une fille que j'avais rencontré entre ma première et seconde femme. Mais c'était pas du sérieux, ça n'avait duré que deux ans entre nous. Tout ça pour en revenir au fait que quand elle m'avait demandée de passer plus de temps avec elle, je l'avais fait, et voilà le résultat. Je suis en instance de divorce pour la troisième... Ou quatrième fois.

Et... En réalité, je ne sais plus très bien où je voulais en venir, mais Alysson en demandait trop. Beaucoup trop pour un homme occupé qui devait sortir une nouvelle gazette tous les jours. Ca n'a jamais été évident de travailler à la Gazette du Sorcier. Prenez Kevin. Il avait débuté chez nous y'a six ans de cela, et aujourd'hui il est encore préposé à la machine à café. Ca a toujours été un métier difficile celui de journaliste. Il faut être prêt à faire des sacrifices. Et Alysson a été un sacrifice. Je l'ai quittée pendant un voyage en Afrique du Sud pour un documentaire sur leur façon de vivre là bas. Je ne l'ai plus revue depuis. Enfin... J'espère qu'elle avait réussi à trouver assez d'argent pour revenir en Angleterre.

"Arrête ! Francine ! Ca suffit !"

Aussi petite qu'elle était, elle me faisait mal avec ses minuscules poings. Il fallait qu'elle cesse. Au coup qui avait suivi, j'avais agrippé ses deux poignets, et je l'avais entraîné vers moi. Une fois totalement contre, je l'avais embrassé fougueusement. Hum... Qu'est ce qu'elle pouvait embrasser bien. Et elle portait un bon parfum. Je ne m'était pas arrêté quand ces deux pères étaient sortis du restaurant, mais j'avais relâché un de ses poignets pour porter ma main à sa fesse gauche. Je l'avais bien serré, pas si fort non plus. C'était de bon souvenirs de la veille. Hum... Miam miam... Et voilà que j'avais fini par relâcher la pression, que je l'avais totalement lâchée, et que je m'étais reculé. Je ne saignais plus, c'était bon signe. Et j'affichais une mine réjouie.

"Bon, c'est pas que votre compagnie me dérange, surtout pas la tienne Edmund, mais je dois vous laisser. Je me lève tôt demain matin. C'est pas facile de gérer une Gazette."[b] Je m'étais tourné vers Ondine. [b]"Tu viens chérie ? Ou tu restes avec tes grands parents ?"

Bon d'accord, j'avais mérité ce coup de poing de Edmund, mais dans un sens, j'étais heureux que Roy l'en avait empêché. Ce type m'aimait bien, il n'y avait plus aucun doute possible. J'avais tendu ma main en direction de Ondine, en parfait gentleman.

"C'est toi qui décide Ondine !"

Attendez... C'était bien Ondine, non ? Ca y est, elle allait surement encore me crier dessus, vue que je m'étais trompé une nouvelle fois de prénom... Amandine ? Francine ? Marceline ? Je n'arrivais pas à m'en souvenir...

Francine ? FRANCINE ? Mais il allait se prendre un coup de pied ailleurs s'il continuait ! Révulsée de rage, Ondine leva la jambe pour lui donner un bon coup là où ça faisait vraiment mal, mais elle fut déstabilisée de sentir ses mains agripper ses poignets et les maintenir fermement hors de portée de son torse. Quel goujat ! Il ne la laissait même pas se défouler ! Arrrh les z'hommes !

Elle eut à peine le temps de se débattre qu'il l'attirait vers elle et l'embrassait avec une certaine... sauvagerie ? C'était le mot ? Qu'importe, elle n'avait pas envie de chercher plus avant, c'était tellement agréable... Ce le fut un peu moins quand elle sentit sa main sur l'une de ses fesses. Elle ouvrit un oeil et s'aperçut que ses pères venaient de sortir du restaurant. Le cerveau en alerte, elle repoussa Maxwell avec force, grâce à sa main libre, et en serait venue aux baffes s'il ne l'avait pas lâchée exactement à ce moment-là. A croire qu'il n'avait pas envie de s'afficher lui non plus devant ses parents. C'était bon signe. Il avait un peu de pudeur. Mmh... un tout petit peu.

Ondine sentit le goût métallique du sang lui empâter la bouche. Elle avait envie de cracher, car ce sang n'était pas le sien, mais toujours un peu étourdie par l'alcool et le baiser, elle se contenta de regarder Maxwell avec un sourire béat. Puis, il ouvrit la bouche, et le prince charmant se transforma aussitôt en horrible crapaud. Il avait le chic pour gâcher les bons moments. La jeune femme perdit aussitôt tout sourire, et croisant les bras avec un haussement de sourcils satisfait lorsqu'elle vit Edmund lever le poing dans sa direction. Ah, râté. Roy l'avait empêché d'accomplir son geste. Quelque peu déçue -car si Maxwell avait eu la gueule un peu plus cassée, il n'en aurait été que plus sexy- elle observa la main qu'il lui tendait en fronçant le nez, comme si elle se trouvait devant une substance mal odorante.

Malgré tout, elle ne put réprimer un frissonnement lorsqu'il l'appela par son prénom. Il s'en était souvenu ! Perplexe, elle le dévisagea, partagée entre la joie et la méfiance, puis contempla de nouveau la main tendue vers elle... Il était tel le serpent dans le jardin d'Eden. Il voulait lui faire croire que suivre son chemin était la meilleure chose à faire... Ne cachait-il pas une pomme empoisonnée sous sa manche ?

Pour la première fois de sa vie, Ondine prit une décision d'adulte. Le toisant de bas en haut d'un oeil peu flatteur, elle répondit :

"Non merci. J'ai beaucoup mieux à faire que d'aller dans une chambre avec vous. La télé Moldue passe une rediffusion de Pékin Express."

Fière de sa répartie, elle le planta là. Se drapant dans le reste de sa dignité, elle s'avança vers ses pères et coinça une main entre leurs bras.

"Rentrons à la maison." murmura-t-elle d'une voix faible, le visage caché par ses cheveux défaits.

Roy et Edmund l'approuvèrent sans un mot, se lançant un regard grave par-dessus la tête de leur fille.

Une fois chez elle, la jeune femme resta longtemps allongée dans son lit, ses yeux ouverts contemplant le plafond. Elle ne trouva pas le sommeil avant que le jour ne commence à poindre à l'horizon.