A la Poursuite du Caméléon ! [FE]

Parée de ses plus beaux atours, Tonks était arrivée à la fête de l'aristocratie londonienne. Elle se situait tout en haut d'une tour design, célébrant le confort high tech Moldu. Un peu nerveuse, elle était montée dans l'ascenceur, au bras de Zach, et avait retenu un sourire en sentant la petite secousse caractéristique.

Le bal en question était costumé, ce qui compliquait les choses, naturellement. Leur cible était un sorcier pavé de mauvaises intentions et qui gênait le Ministère de la Magie. Il se faisait surnommer Le Caméléon, car même s'il n'était pas Métamorphomage, il savait disparaître avec tant d'aisance dans n'importe quelle situation qu'il était aussi facile à capturer que de la fumée.

Pour l'occasion, Zach et Tonks avaient dû s'inventer une couverture en béton, et ils étaient tombés d'accord sur le fait que se faire passer pour un couple, étant donné leur passé commun, était le plus simple. Bien entendu, cela avait fait remonter certaines tensions à la surface, et la jeune femme commençait même à regretter sa décision.

"Pour la dernière fois, je te répète que ça ne te regarde pas !" marmonna-t-elle entre ses dents, un sourire figé sur les lèvres pour tenter de sauver les apparences.

Zach était légèrement obsessionnel sur les bords. Lorsque les portes de l'ascenceur s'ouvrirent sur l'immense salle de bal, avec ses lustres de cristal, ses tables croulant de petits fours, et sa piste de danse au sol lustré, qui renvoyait les reflets des personnes comme un miroir, elle resta un instant muette de stupéfaction. Elle n'avait jamais vu quelque chose d'aussi enchanteur, cela réveillait certainement un rêve de petite fille. ça tombait bien, elle avait une robe de princesse ! Pour l'occasion, elle s'était déguisée en Marie Antoinette. Elle s'était amusée à allonger ses cheveux pour les relever en une haute coiffure agrémentée de peignes en argent (c'était du toc, mais c'était tout de même joli !), et avait revêtu une magnifique robe couleur crème aux broderies argentées (fournie par le Ministère. Il y mettait vraiment le paquet pour parfaire une mission !).

Trop heureuse de lâcher le bras de Zach, elle glissa jusqu'au premier buffet qu'elle trouva et sortit discrètement une petite fiole de son corsage pour en vider le contenu dans un saladier de punch. Il était convenu que les deux Aurors ajoutent du Veritaserum dans le plus de boissons possibles afin d'interroger les différentes personnes du bal dans l'espoir d'avoir quelques indices sur Le Caméléon... Tache extrêmement ardue et fastidieuse, mais après tout, ils avaient toute la soirée pour y parvenir.

Tonks rangea rapidement la petite fiole lorsqu'elle sentit quelqu'un s'approcher d'elle et se servir à boire, et ne put réprimer un sourire malicieux. Après quoi, elle s'éloigna du buffet pour retourner auprès de Zach, un verre à champagne à la main.

"Alors, toi qui as toujours eu horreur des bals, tu ne te sens pas trop mal à l'aise ?" demanda-t-elle d'un air narquois.

Elle ne pouvait s'empêcher d'être désagréable avec lui. Elle n'arrivait pas à savoir si c'était par jeu ou pas amertume. Après tout, il n'avait jamais voulu danser une seule fois avec elle quand ils étaient encore ensemble, sous prétexte qu'il n'était pas doué du tout. Elle aurait bien voulu lui apprendre, mais il s'était montré ferme et catégorique. La première cassure dans leur couple pas si solide que ça... Tonks battit des cils pour sortir de ses pensées et se contenta de jauger son "collègue" avant de porter le verre à ses lèvres.

Lorsque la danse prit fin et que Zach lâcha Tonks, la jeune femme en resta toute étourdie. Un petit sourire aux lèvres, elle passa une main sur son front et fit quelques pas incertains, l'esprit encore accaparé par le tango qu'ils venaient de faire. D'ailleurs, danser un tango n'était pas une mince affaire lorsqu'on portait une crinoline. Tonks avait plusieurs fois marché sur les pans de sa robe et portait à présent une main à sa poitrine, cherchant à tous prix une façon élégante d'ouvrir son corset. Cette tentative n'échappa pas à Zach dont elle remarqua le regard lubrique. La jeune femme lui lança un regard noir mais ne parvint pas à le garder très longtemps, encore sur son petit nuage. Elle se rendit compte alors que tous les regards étaient tournés vers eux, vu qu'ils avaient accaparé la piste de danse dans leur tango effréné. Et dire qu'ils étaient censés se fondre dans la masse... C'était raté. Zach avait toujours eu le don de se faire remarquer lorsque ce n'était surtout pas le moment. Roulant des yeux, elle prit tout de même le verre qu'il lui tendait avec reconnaissance, car elle avait la gorge en feu. Elle prit le temps de boire le champagne en entier avant de répondre :

"Tu as toujours eu horreur de ça. Tu allais même te cacher aux toilettes quand on allait au bal ensemble, à l'époque ! C'était humiliant !"

Elle eut un instant d'arrêt, car elle avait prononcé cette phrase sans réfléchir et sans aucun tact, comme si les mots étaient sortis tout seuls. Fronçant les sourcils, elle songea qu'il était temps de poser une question beaucoup plus importante :

"Et puis d'abord, comment se fait-il que tu danses si bien ? Pourquoi tu n'as jamais voulu danser avec moi si tu sais le faire ?"

A présent que l'adrénaline était retombée, Tonks sentait peu à peu une indignation s'emparer d'elle. Zach était bien trop mystérieux, et bien trop compliqué ! Pourquoi tergiversait-il sans cesse ? Se rendait-il compte que c'était en partie à cause de toutes ces cachotteries qu'elle l'avait quitté ? Ah, les hommes...

Ne perdant pas de vue l'objectif de la soirée, Tonks laissa Zach en plan sans attendre de réponse et se dirigea vers l'estrade au fond de la salle pour monter dessus et se planter face au micro. Là, elle se racla la gorge pour attirer l'attention des gens qui se retournèrent pour la dévisager. Affichant une mine faussement réjouie, elle demanda soudain, sa voix amplifiée par le micro :

"Est-ce qu'il y a un Caméléon dans la salle ?"

Se sentant parfaitement ridicule de poser une telle question, elle se mordit les lèvres mais la reposa tout de même une nouvelle fois, convaincue par l'idée que toute l'assemblée face à elle avait ingurgité suffisamment de Veritaserum pour dire la vérité. Il y eut alors un beuglement vers le milieu, un homme qui grogna suffisamment fort :

"C'est quoi ça ? Un spectacle comique ? Faut te recycler dans autre chose, ma jolie !"

Tonks essaya de rester tout sourire. Celui-là n'était pas le Caméléon. Elle apprit également qu'un autre homme, vers la gauche, ne l'était pas non plus lorsqu'il ajouta avec un rire goguenard :

"Ouais, fais-nous un strip-tease !"

Affligeant. La bêtise humaine dans toute sa splendeur.

Agacée, Tonks lança un regard à Zach, au fond de la salle, qui était adossé contre le mur, les bras ballants.

"Viens m'aider toi, au lieu de bailler aux corneilles !" s'écria-t-elle sans parvenir à masquer son irritation.

"Bien sûr que je me débrouille très bien sans toi !" s'écria Tonks avant de plaquer la main sur sa bouche car une nouvelle fois, les mots lui avaient échappé.

Que se passait-il ? Elle avait un mauvais pressentiment... qui se confirma lorsqu'un ahuri du premier rang lui demanda qui elle était et qu'elle lui donna son identité du tac au tac. Oh non, elle avait ingurgité du Veritaserum ! Elle n'avait pas réfléchi que le verre que lui avait donné Zach était contaminé ! C'était une catastrophe ! Si ça tombe, il l'avait fait exprès pour l'humilier en public ! C'était vraiment peu professionnel, mais il avait toujours eu un tempérament gamin... Tonks lui jeta un regard meurtrier et répondit mécaniquement à chaque question qu'on lui posait, le supplice se lisant sur son visage.

"Je travaille pour le Ministère de la Magie... Oui, je suis une sorcière !... Il n'y a aucun supplément à payer, Monsieur... Non, je ne suis pas libre... Oui, ce sont mes vrais seins, non mais enfin !"

La dernière question était particulièrement indiscrète, mais elle ne pouvait rien faire d'autre que répondre. L'estrade avait un curieux air d'échafaud, avec tout le tribunal de l'inquisition à ses pieds. Et les gens continuaient de l'interroger sur tout et sur rien, même si la question la plus redondante était :

"Vous êtes une sorcière ?!"

Oui car ne n'oublions pas, Tonks était entourée par une majorité de Moldus très bourgeois et rationnels. Pas facile de leur faire avaler ce genre de choses.

"Oui" dit-elle pour la énième fois. "Mais ne vous en faites pas, vous ne vous souviendrez de rien dans quelques minutes !"

"Vous allez nous jeter un sort ? Vous êtes malade ! Roger, appelle l'hôpital psychiatrique le plus proche !"

Le dénommé Roger était en train de sortir son téléphone portable lorsqu'une autre question percuta les oreilles de Tonks, et la salle fut curieusement plongée dans le silence le plus total, comme si ça intéressait subitement tout le monde. Décidément, sa vie privée était devenue le sujet d'actu du moment !

"Pourquoi m'as tu quitté ?"

Oh non pitié, pas ça ! Tonks se mordit les lèvres jusqu'au sang pour s'empêcher de parler, mais il n'y avait rien à faire. Elle tenta de se boucher les oreilles mais trop tard, elle avait entendu la question. Fixant Zach avec colère, ses yeux lançant des éclairs inquiétants, elle lâcha soudain, les mots semblant peser une tonne chacun :

"Tu - étais - moins - intéressant."

"Moins intéressant que qui ?" voulut savoir un nigaud.

"Moins intéressant qu'un autre !" s'écria-t-elle avec rage avant de sauter de l'estrade dans un froissement d'étoffe pour courir jusqu'à Zach avec la ferme intention de le gifler. Mais avant même qu'elle ait pu lever la main vers lui, il ouvrit la bouche et posa une nouvelle question...

La main de Tonks resta figée en l'air, prête à frapper, alors que la question de Zach percutait ses oreilles, la forçant à répondre. Elle avait envie de le gifler, de lui arracher les yeux pour le forcer à les manger, en gros, de lui faire subir une souffrance terrible pour lui faire comprendre à quel point cette situation était humiliante. Il la forçait à déballer sa vie privée devant une centaine de personnes, et le pire dans tout ça, c'est qu'ils avaient l'air intéressé !

"Rrr..." grogna-t-elle, s'évertuant à retenir les mots qui s'échappaient. "Rrremus Lupppin."

Elle ferma les yeux à s'en fendre les paupières et laissa retomber sa main mollement le long de son corps. L'air lui manquait. Prononcer le nom de Remus ravivait en elle toute la douleur qu'elle avait tue ces derniers mois. Zach n'était qu'un sadique, un monstre d'égoïsme qui posait toutes sortes de questions indiscrètes sans même se soucier de l'impact qu'elles avaient sur elle. Lorsque Tonks souleva les paupières, ses yeux étaient rouges, et elle lança un regard brillant au jeune homme avant de détourner brusquement le regard. Il ne valait pas la peine qu'elle pleure.

"Il était meilleur en tout, ça te va ?" s'écria-t-elle, au bord de l'hystérie. "Mais tu sais quoi ? Avant ce soir, je regrettais ce qui s'est passé entre nous. Je l'ai toujours regretté... T'avoir quitté comme je l'ai fait, c'était vraiment nul et je n'en suis pas fière, mais ce que tu me fais là, c'est pire que de la torture ! En tous cas je te remercie, car je n'ai plus aucun remord à avoir désormais : tu es vraiment un enfoiré ! J'aurais dû te quitter bien plus tôt !!"

Profitant de son étonnement, elle lui colla un coup de poing dans le ventre et s'en fut par la porte qui était juste derrière lui. Elle se mit à courir, tenant des pans de sa jupe dans ses poings tremblants, les poumons en feu. Elle voulait mettre le plus de distance possible entre elle et cette maudite fête, et tant pis pour le Caméléon. Elle en était là de ses pensées lorsqu'elle sentit une corde s'enrouler autour de ses chevilles et la retenir en arrière. Surprise, elle lâcha un cri et tomba en avant, sa robe émettant un bruit sinistre de déchirure...

Tonks n'eut pas vraiment le temps de réagir, elle se contenta donc de subir tout ce qui se passait autour d'elle. Premièrement, elle tombait. Deuxièmement, un matelas surgit de nulle part pour l'empêcher de se casser quelque chose. Elle s'écrasa mollement dessus, et sentit alors des lianes l'enserrer fermement. Profitant d'avoir encore les mains libres, la jeune femme dégaina sa baguette, mais d'un rapide mouvement du poignet, Zach l'envoya voler à plusieurs mètres. Tonks entendit le bout de bois émettre un bruit mat contre le carrelage avant que les lianes ne parcourent ses bras pour se resserrer autour de ses mains. Le traître, le scélérat ! Il l'avait emballée comme un vulgaire rôti, prêt à mettre au four !

Mais quelque chose l'empêcha de hurler au scandale. Sous ses yeux, Zachary venait de prendre la forme de Vladimir Manokova. Ahurie, le cri se perdit au fond de sa gorge et elle déglutit avec peine, fixant le spécimen de ses grands yeux écarquillés. Elle avait à faire à un Métamorphomage, il n'y avait aucun doute. Mais comment faisait-il pour imiter même la voix des personnes dont il prenait l'apparence ? Il retrouva enfin les traits de Zach, et Tonks eut envie de se donner une gifle lorsqu'elle entendit quelque chose comme un sanglot qui s'échappa de sa bouche. Toujours allongée sur le matelas, les jupes relevées de façon disgracieuse, elle dévisageait l'homme en face d'elle. A mesure qu'elle l'observait, une question s'immisçait dans son esprit, la stressant au plus au point : se pouvait-il que cet homme soit le...?

Elle retrouva ses esprits un court instant, se relevant tant bien que mal puisque ses mains étaient à présent attachées dans son dos. Toisant l'inconnu de toute sa hauteur, elle poussa néanmoins un cri indigné lorsqu'il fit descendre ses jupes d'un geste de baguette. Elégant, vraiment ! S'attendait-il à ce qu'elle le remercie pour cette délicate attention ? Elle ne s'abaisserait certainement pas à cela !

"Je crois que vous me cherchiez, n'est ce pas ? Permettez moi de me présenter. Je suis le Caméléon. Mais vous pouvez m'appeler chéri, ou beau gosse. C'est à vous de voir, et ça dépendra surtout de la forme sous laquelle vous me verrez. Là par exemple, je vous défend de m'insulter. Ca serait comme insulter ce pauvre Zachary. Et je l'aimais bien."

C'était bel et bien le Caméléon. Elle s'était faite avoir comme une courgette ! Dépitée, Tonks évalua sa situation : elle n'était guère brillante. Elle était attachée, retenue en otage par l'ennemi qu'elle était censée capturer. En gros, elle avait tout faux. Et le seul moyen de s'en sortir était hors de sa portée. Elle jeta un coup d'oeil agacé vers sa baguette magique, à six mètres d'elle, et reposa les yeux sur l'homme, lui infligeant un regard meurtrier. Hélas, même si les effets du Veritaserum commençaient à se dissiper, ils étaient suffisamment actifs pour l'obliger à répondre à son nouveau flot de questions indiscrètes :

"Non, je ne t'ai pas trompé avec lui. Je ne suis pas une prostituée ! Non mais vraiment ! Et Remus n'est pas vieux, il est juste... un peu plus âgé..."

Finalement, heureusement que les effets du Veritaserum se dissipaient, car la situation devenait embarrassante. Levant les yeux au ciel, perdant son calme, Tonks explosa soudain, sautillant pour essayer de se défaire de ses liens :

"Oh, bon sang ! Tu n'es même pas Zachary ! Tu n'as pas le droit de me mettre au pied du mur comme ça ! C'est quoi le plan ensuite ? Tu vas me séquestrer, hum ? Tu vas demander une rançon à mes parents ? Non je demande juste ! Tu as l'air tellement détraqué que je ne sais pas à quoi m'attendre ! Déjà, se faire appeler le "Caméléon", c'est d'un nul ! Tu veux que je te dise ? Je te trouvais ringard bien avant de te rencontrer !"