Pocahontas, es-tu là ? [Fe]

C’est comme si Grand-Mère Nature rencontrait Indiana Jones oÔ

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Les vacances... Les vacances... Les vacances... Si pour certaines personnes, ça rime avec soleil, bronzage, été, ou encore ski, montagne, camping, feu de camp ou toutes autres conneries du genre, pour Owen, les vacances étaient synonymes d'inexistantes. C'était du temps de perdu à ne rien faire, à s'ennuyer dans son coin, à se ratatiner comme de la gelée périmée. Il avait sans doute ce jugement parce qu'il n'avait pas été habitué à avoir des périodes précises pendant lesquelles il pouvait « faire une pause ». Depuis sa naissance, il n'avait connu aucun repos et ne s'en était jamais senti plus mal. Il bougeait constamment, ne pouvait avoir de temps libre entre ses études et son devoir d'héritier, ne ressentait même pas la fatigue. Il pensait donc naturellement inutile de prendre la peine d'arrêter son train quotidien pour se remettre en forme, vu qu'il semblait toujours rempli d'énergie. Il faut aussi préciser qu'il n'avait pas besoin de s'offrir une semaine de congé pour visiter des contrées étrangères, alors forcément il n'en ressentait pas le besoin. Il voyageait davantage en continuant de tenir en place la société familiale qu'en restant avachi dans son fauteuil, verre de whisky à la main, visionnant sur écran plasma le dernier match de quidditch en date, enregistré par un des blaireaux que son père avait engagé comme domestique.

Encore aujourd'hui, il était bien loin de son Angleterre natale. A chacune de ses virées vers les autres continents, il exigeait d'être seul. Inutile de s'encombrer avec toute la maisonnée, les serviteurs n'étaient que des pions supplémentaires pas forcément indispensables à sa survie. Il ne s'en servait qu'en cas de dernier recours. D'ailleurs, c'était bien une des seules caractéristiques qui le différenciait de son père. Même caractère, même traits physiques, mais du point de vue indépendance, le fils l'emportait haut la main. Il pouvait sans problème se débrouiller de son propre chef, dans tous les domaines probables, tandis que le senior avait bien du mal à trouver le chemin du salon sans qu'on ne lui indique la direction à prendre. Owen refusait catégoriquement de devenir un homme aussi peu vivant et comptant à ce point sur son entourage dans le futur. Il n'avait confiance en personne, alors imaginer être vieux et amorphe, dans un fauteuil roulant, et sans arrêt être méfiant de peur de finir empoissonner par son majordome, pousser dans les escaliers par son infirmière ou quoi que ce soit d'autre, très peu pour lui. Autant signer tout de suite son arrêt de mort.

Mais peu importe. Il ne pensait pas à cela pour l'instant, concentré sur sa tâche, sur la raison de sa présence dans ce lieu perdu. Le paysage qui l'entourait était bien différent des immeubles anciens et du rues grouillantes de la capitale londonienne. Plutôt que des tonnes de briques et de béton encastrés, il avait le droit à des milliers d'arbres, aussi élevés que possibles, humides et imposants. Les habitants quant à eux étaient toujours présents, bruyants mais invisibles, se faufilant parmi la végétation sans qu'il ne puisse les voir. A peine s'il distinguait ses propres pieds pour tout dire, alors les petites bêtes qui l'entouraient... La forêt amazonienne était bien plus vaste et difficile à traverser qu'on ne pourrait l'imaginer. Toutes ces plantes, auxquelles se frotter pouvaient parfois être fatal, devaient être minutieusement évitées à chaque pas. Pour l'occasion, il avait revêtit la parfaite tenue de l'aventurier du dimanche. Chemise aux manches remontées jusqu'aux coudes, pantalon en toile déjà à moitié déchiré, bottes dont la couleur d'origine était difficile à déterminer... Sans oublier les cheveux bruns courts en bataille, pour le look sexy, vous voyez. *BAM*

Armé d'un couteau affuté, il coupait chaque branche qui lui bloquait le chemin, tentant de faire ses pas les plus discrets possibles. La sueur coulant sur son front en raison de l'effort qu'il fournissait depuis de nombreuses heures, il porta la main à sa gourde, attachée à sa ceinture, et but une longue gorgée d'eau avant de reprendre sa route. Malgré son apparence épuisée et prêt à tomber à tout moment, sa respiration était calme et posée et ne montrait aucun signe de faiblesse. Impossible de savoir si c'était l'environnement qui le rendait si sauvage ou si c'était tout simplement son état naturel. Comme un animal affamé, ses yeux brûlants ne loupaient aucun centimètres carrés situés dans son champ de vision. Il chassait. A la recherche de nouveaux trophées, de nouvelles beautés à afficher à son tableau, il ne lâchait rien. Il se fichait de passer des mois à l'affût, il continuerait tant qu'il ne serait pas satisfaits. Des tonnes de créatures plus fascinantes les unes que les autres l'attendaient au détour d'une plante. Il n'attendait que ça, qu'elles s'offrent à lui, qu'ils puissent se vanter de leur capture, les vendre aux plus offrants, faire sa fortune et enfin servir à autre chose qu'à peupler cette stupide planète. Sa vision du monde était bien particulière, en effet.

Son ouïe affutée capta rapidement des bruits autre que ceux des mouvements réguliers de la faune. Se redressant, ses muscles tendus, prêts à n'importe quelle attaque étrangère, il se stoppa net dans sa progression. Il ne pivota que légèrement, de quelques degrés à peine, rangeant son couteau dans la housse adaptée. Des pas bien trop assurés qui devaient sans doute être taillés spécialement pour de tels endroits. Un sourire commença lentement à orner son visage et il secoua la tête, passant une main dans ses cheveux et poussant un léger soupir. Un habitué du coin ? Tout ce qu'il lui fallait. Un associé indirect qui ne se rendrait même pas compte qu'il est utilisé à des fins illégales.

Il faut croire que les grandes forêts ont le don d'attirer les prodiges,
comme les cimes élevées ont celui d'attirer la foudre.
(Félix Bellamy)

Kess volait.
Haut, bien plus haut que n'importe quel oiseau.
Au-delà des nuages, hors de portée du reste du monde.
En totale liberté, elle se laissait porter par les aléas du temps et de l'espace.

C'était rarement elle qui choisissait sa destination. Elle préférait laisser le Tout décider. Il était sage, omniscient. Elle avait confiance en Lui. C'était bien le seul, d'ailleurs.

Dans les airs, elle n'avait pas plus de consistance qu'une plume. Elle avait laissé son corps derrière elle, le dos bien callé contre un tronc d'arbre millénaire, au coeur de la forêt amazonienne. Il lui arrivait souvent de boire un élixir qui lui permettait de faire un voyage astral, de sortir de son enveloppe charnelle pour explorer le vaste monde à sa guise. Quelques années plus tôt, un chaman d'une tribu qui était chère à son coeur lui avait appris à préparer cette potion qui permettait de sortir l'âme du corps sans mourir. L'humain entrait alors dans un état de transe ou de méditation, et pouvait se rendre où bon lui semblait, sans pouvoir interéagir physiquement avec les autres.

Kess adorait s'adonner à cette activité très enrichissante spirituellement. Elle pouvait alors voyager aux quatre coins du monde, explorer des grottes souterraines sans craindre de mourir étouffée, observer les fonds marins sans se noyer, être aux premières loges lorsqu'un volcan entrait en éruption, sans peur aucune de se faire brûler.

Parfois, la jeune femme poussait le vice plus loin, s'amusant à observer les êtres humains à leur insu. Elle flottait donc dans un hôpital, indétectable, planait au-dessus d'un centre ville en pleine heure de pointe, ou volait jusqu'à quelques maisons pour regarder une famille échanger des cadeaux sous un arbre mort. Certaines coutumes la révoltaient, et à mesure qu'elle observait le monde, elle en saisissait de moins en moins le sens.

Elle se sentait vraiment très éloignée de l'espèce humaine, qui perdait son temps à brûler des forêts et à vivre dans l'ère polluée de l'industrie. Les Hommes semblaient tous courir après quelque chose, pressés de l'attraper, alors qu'ils ne savaient pas pour quoi ils luttaient.

Les arbres sont les poumons de la Terre.

ça, c'était une réalité tangible, inchangée, en place depuis la nuit des temps. Dans ce cas, pourquoi les êtres humains s'acharnaient-ils à vouloir autre chose ? La vie aura-t-elle encore un sens lorsque toute la nature sera ravagée ? L'Homme sera-t-il enfin satisfait ? Rien n'était moins sûr, et Kess commençait à perdre espoir. Elle avait donc besoin de s'évader, de laisser son esprit vagabonder où bon lui semblait pour s'assurer qu'il existait encore des havres de paix sur terre.

Elle était en pleine exploration d'un lagon, en Australie, lorsqu'elle entendit des pas étrangers dans la forêt. Il est une chose curieuse lorsque l'on fait un voyage astral : notre esprit étant relié au corps, on perçoit tout ce qui se passe là où on l'a laissé. Des sifflements terribles heurtaient ses oreilles, annonciateurs de mort.

Elle ouvrit brusquement les yeux.

Les sens en alerte, elle sortit de sa position accroupie pour mettre un genou à terre, le dos toujours penché mais la tête levée, observant les alentours, parfaitement immobile. Les sifflements venaient de l'Est. A présent qu'elle était de nouveau dans son corps, elle les percevait moins clairement, mais ils étaient toujours là. Sans le moindre bruit, elle tendit le bras pour attraper son carquois qu'elle plaça en bandoulière sur son épaule, puis saisit son arc posé sur le sol. Elle se releva souplement, avec l'aisance d'un félin et se dirigea sans attendre vers la source du bruit. Un corps étranger et non amical se trouvait là, car personne hormis un ignoble capitaliste ne prenait le droit de couper des lianes et des branches sur son passage. Il fallait être un homme moderne pour oser faire cela...

Kess, elle, se déplaçait entre les branchages en les effleurant à peine, avec grâce. Arrivée à quelques mètres de l'homme, elle se stoppa net, se cachant derrière un arbre plus large qu'elle (ce qui était aisé, étant donné qu'elle était très mince). De là, elle l'observa avec attention, son regard s'assombrissant lorsqu'elle distingua un couteau dans sa main. Des lianes, des arbustes et des branches gisaient ça et là autour de lui, et plus loin encore, dessinant un chemin morbide.

Puis, elle le vit ranger son arme dans une trousse qu'il avait sur lui. Il portait des vêtements occidentaux, aussi différents que possible des siens. La jeune femme ne mit pas longtemps à bander son arc en silence, pointant la flèche en plein sur son coeur. Il fallait lui offrir une mort à l'égal de celle qu'il venait d'infliger aux arbres environnants.

Au moment de lâcher la corde de son arc, Kess fut troublée par une étrange vision. Elle ne sut pas ce qu'elle représentait, mais elle en fut curieusement effrayée. Voilà ce qui arrivait lorsqu'elle n'attendait pas quelques instants après un voyage astral. Son corps n'était pas en phase avec son esprit.

La flèche vola en direction de l'homme mais au lieu de se planter dans son coeur, elle lui effleura l'épaule et se piqua dans le sol humide.

"Oh non, quel imbécile !" s'écria-t-elle, sortant de sa cachette, déjà armée d'une nouvelle flèche à son arc. "Et vous ! Vous ne pouviez pas vous contenter de mourir ? Ne pensez pas que j'essayais simplement de vous effrayer. Oh ça non ! Je vais vous tuer, et tout de suite !"

Elle attendit d'être à seulement un mètre de lui pour le tenir en joue avec son arc, histoire de ne pas le louper, cette fois.