Unexpected breakfast guest ☆ ONDINE

Parfois, elle en arrivait à se demander ce qui la poussait à continuer ses soirées stupides entre filles, même après avoir intégré Poudlard. Les moldues n'avaient pas les même centres d'intérêts qu'elle, loin de là. Leurs goûts en musique craignait autant que la décoration de leurs chambres. Il faut dire qu'elle n'avait pas la chance de connaître l'existence de Sorcière Hebdo, que leurs posters ne bougeaient pas - celui de DiCaprio et son clin d'oeil magistral était un collector - et que leurs chats ne pouvaient pas changer de couleur en un coup de baguette. En clair, leurs vies étaient ratées, mais elles ne le savaient pas encore, pauvres petites. Rebecca, bien que n'ayant pas fréquenté l'école moldue, avait commencé à traîner avec quelque unes d'entre elles peu avant ses onze ans, dans le quartier. Bien entendu, disparaître du jour au lendemain, ce serait plus que suspect, et mine de rien elle les appréciait. Certes, elles n'avaient pas conscience de son statut, de sa soit disant importance en liant avec le métier de son père, mais ce n'était pas plus mal. En plus, elles la tenaient à jour quant à l'actualité et aux nouvelles technologies no-sorcières. Et elles lui faisaient connaître des canons du cinéma auxquels elle n'aurait jamais fait attention en d'autre circonstances. C'était un avantage indéniable. Sans doute pour cette raison surtout qu'elles continuaient de répondre à leurs appels et invitations lorsqu'elle en avait le temps.

Dire qu'elle avait dû mettre un terme à son après-midi en compagnie de Caleb, pour ça. Une soirée passée sur un lit entourée de boissons plus ou moins saines, de chips et de magasines, la chaîne hifi poussant le volume au maximum, alors que ses camarades discutaient du nouveau arrivant au lycée du coin. Rebecca ne faisait même pas l'effort de suivre les conversations comme il le fallait, tout cela ne la concernant par vraiment. Elle riait quand les autres riaient, partageait ses secrets capillaires, leur décrivait l'ambiance à l'école étrangères qu'elle avait intégré quelques années plus tôt... Il fallait bien trouver une excuse pour expliquer ses absences ! C'est certainement parce qu'elle s'ennuyait un petit peu qu'aux alentours de cinq heures du matin, les esprits toujours vifs et raisonnés, elle proposa de tenter une expérience sur le chien domestique du voisin. Un labrador de trois ans, au pelage sable, très joyeux et insomniaque, en train de guetter près de sa niche dans le jardin d'à côté. Elle ne l'avait jamais apprécié, il avait tenté de lui enlever son haut de maillot de bain l'été dernier lors d'une journée consacrée à la piscine et au bronzage. Quel obsédé, ce cabot.

Quelques temps plus tard...

Huit heures. Toilettes du cabinet vétérinaire. La jeune Weaving, toujours prête à affronter n'importe quelle situation, était en train de se remaquiller devant le miroir après avoir brosser ses cheveux avec soin. Il faut toujours tout prévoir dans son sac. Elle avait juste zappé la tenue de rechange, mais ça ne faisait rien, tee-shirt et short de pyjama s'accordaient à ses converses. Après un dernier coup de mascara, elle refit surface dans la salle d'attente, tandis que ses amies de la nuit et de la matinée, maintenant, étaient recroquevillées dans un coin. Soupirant, elle approcha le groupe, main sur les hanches. « C'est bon, il va survivre, faut juste attendre qu'il arrête d'aboyer des plumes ! » On ne prendra pas la peine de décrire chacune des substances offertes au pauvre chien, alors qu'elles lui avaient rendus visite, le soleil pas encore levé, sous l'initiative bien sûr, de la jolie Becca. Elle avait simplement proposé de lui faire boire les restes des bouteilles, de lui faire essayer la cigarette et, bon, d'accord, peut-être aussi avait-elle discrètement tenté de lui jeter un sort. C'est pas pour ça qu'elle avait prévu qu'il se mette à avaler les oreillers et couvertures qu'elles avaient emporté pour s'asseoir plus confortablement dans l'herbe. « Je rentre chez moi. S'il faut payer, vous savez où me joindre. Là je suis juste crevée, j'ai des cernes horribles et j'ai envie de prendre une douche. A la prochaine. » Elle n'allait pas non plus pleurer sur le corps de cet animal dont elle ne connaissait même pas le nom.

Heureusement, un dimanche matin, à cette heure, les rues étaient désertes, de plus elle n'était pas très loin de la maison. Cela ne l'empêcha pas de marcher à une vitesse hallucinante, tout en faisant attention à ne pas foutre en l'air sa coiffure. Elle s'y était appliquée, après tout. Le soulagement fut totale quand, après plusieurs minutes de course, elle claqua la porte de la demeure derrière elle. ENFIN CHEZ SOI. ENFIN SEULE. ENFIN TRANQUILLE. Elle ignorait si son père avait passé la nuit ici... Il changeait d'endroits tellement souvent. Elle préférait ne pas trop l'interroger à ce sujet, en échange il lui offrait ce qu'elle voulait... pas tout le temps, mais presque. Rebecca avait bien vite comprit que le jardin était trop petit pour l'élevage de licorne qu'elle avait eu envie de mettre en place. Posant bruyamment son sac dans le couloir, elle se dirigea vers la cuisine, crevant de soif depuis un moment déjà. Elle connaissait le chemin par coeur, évitant les meubles sans avoir besoin de lever la tête, mais la porte, là, elle ne l'avait pas vu venir. Une surface froide, lisse, laissant une marque rouge passagère sur son front alors qu'elle laissait sortir un léger cri. Qui avait laissé la porte du frigo ouverte ? Étant donné que cette dernière n'avait pas bougé, alors même qu'elle l'avait percuté....

Au ralenti, elle contourna le frigo, un sourcil levé, s'attendant à tout et n'importe quoi. Okay, penchons plus pour le n'importe quoi. « Si vous cherchez le lait, je l'ai terminé hier, y'en a plus. » Elle passait souvent chez son père, le samedi matin, avant de rejoindre Caleb. Elle venait pour nourrir le chat. Le chat qui était mort. Mais il avait quand même besoin de boire et de manger, dans l'au-delà. Elle y était très attachée. Elle avait faillit voir un psy à cause de ce léger problème, ce déni du décès de son petit Jason, mais finalement comme il s'agissait de son seul véritable ami, on préférait la laisser à son rituel étrange. La femme en peignoir qui se trouvait en face d'elle était loin d'être la première à porter le fameux peignoir. Oui, ce genre de situations arrivait plus fréquemment qu'on pouvait le penser. Si au départ elle les confondait avec la femme de ménage, ou si elle avait crié au vol, une fois même au viol lorsque l'intrus s'était jetée sur elle pour l'empêcher de sortir un couteau, elle était aujourd'hui préparée et savait d'avance quelle technique adoptée. L'indifférence. Allant chercher un verre dans un placard, elle se retourna, croisant pour la première fois le visage - jeune, très jeune - de l'inconnue. Blonde, pas si mal... C'est bizarre, il préférait pas les brunes généralement ? Sa mère à elle était brune. En voyant son expression, Rebecca se contenta de sourire, puis ne remarquant aucun changement, elle baissa les yeux sur sa tenue. « Oh. J'ai toujours été fan de Dora l'exploratrice. J'étais même amoureuse de son cousin Diego. » Il fallait bien qu'elle explique ce que faisait Babouche, souriant, avec un sac-à-dos et une carte, sur son haut. Ceci fait, elle ouvrit un autre placard, sortant les biscottes. « Vous voulez de la confiture ? Il en reste à la fraise, je crois. »

ONDINE OUVRIT UN OEIL, PUIS L'AUTRE. Elle s'étira dans le grand lit avec un large sourire, puis tapota le matelas. Doucement. Puis rapidement. Et soudain, elle ouvrit les deux yeux en même temps. Elle se redressa, et jeta un regard au grand vide à côté d'elle. Maxwell était parti ! Maxwell l'avait plantée ! En plus, il l'avait plantée CHEZ LUI ! Vraiment, elle se demanda ce qui pouvait lui passer par la tête. Attrapant le drap, elle s'enroula rapidement dedans, glissa jusqu'au rebord du lit et se leva d'un bond, puis se dirigea à grandes enjambées vers la salle de bains. Ses boucles blondes sautillaient furieusement autour de sa tête, son regard meurtrier cherchait une cible à abattre, mais ne rencontrant que son propre reflet dans le miroir, elle décida de remettre la guerre à plus tard. Elle abandonna son drap dans un coin de la salle d'eau, entra dans la douche, et tourna le robinet. La soirée de la veille lui revint alors en mémoire, et elle se surprit à sourire même si les souvenirs étaient accompagnés d'un goût amer.

"Bon ok, je viens chez toi, mais n'espère pas que je vais y laisser des objets à moi. Genre une brosse à dents dans la salle de bains, ou ce genre de trucs. Je ne suis pas comme ça. J'aime que les choses restent dans leur endroit initial. C'est de la logique, c'est... Maxwell, tu m'écoutes ?"

Elle ne le sut jamais, car à cet instant précis, il se jeta sur elle et l'attrapa par la taille pour la soulever du sol et l'embrasser. Elle ne s'en plaignit pas, et après un petit transplanage rapide, tout s'était terminé par une folle nuit dans des draps parfumés à la lavande. ça ne faisait pas très viril ça d'ailleurs, mais sûrement que la femme de ménage de Maxwell ne lui avait pas demandé son avis sur le parfum de la lessive. Ce n'était pas grave. L'important, c'est qu'ils étaient ensemble, officiellement (enfin presque) et qu'ils avaient décidé d'être un couple. C'était un grand pas en avant, un énorme pour Ondine, et voilà comment ça s'était soldé.

Un échec. Un fiasco total. Maxwell était parti, il avait déserté les lieux. Peut-être avait-il même mis la maison en vente pour éviter de recroiser Ondine par mégarde ? Peut-être que quand elle se rendrait au boulot, elle apprendrait par Pepper qu'elle était remerciée ? Ainsi, il la rayerait totalement de sa vie en un clin d'oeil ?

Calme-toi ma vieille, tu deviens vraiment trop mélodramatique.

Il fallait rester positive et ne pas se monter la tête. Tout ne pouvait pas être si noir ! Certes, Maxwell n'était pas du genre à se lever tôt pour aller chercher des croissants, il ne laissait pas non plus de petit mot sur l'oreiller pour ne pas la faire paniquer, mais il n'était pas un monstre non plus ! Il devait sûrement s'être levé aux aurores pour aller à la Gazette. C'était le genre de mecs qui ne se sentait exister que par son boulot. Et puis, il était tellement sexy lorsqu'il était dans son bureau... Ondine chassa ces images de son cerveau et une fois douchée, enfila un peignoir qui se trouvait là. Il était un peu grand, il appartenait certainement à Maxwell. Elle allait prendre un bon petit déjeuner et ensuite hop! elle irait le rejoindre. Comme ça, elle saurait une fois pour toutes s'il l'évitait ou pas.

Tandis qu'elle inspectait les placards de la cuisine, elle se demanda s'il était correct de fouiller de la sorte dans les affaires d'autrui. Puis elle haussa les épaules : après tout, ce qui était à lui était à elle. Ils formaient un couple, par conséquent, ils devaient tout partager. Surtout ses affaires à lui.

Elle ouvrit le frigo et se mit en quête d'une bouteille de lait. Elle buvait toujours un verre de lait le matin, elle tenait à avoir des os bien solides. Lorsqu'elle était petite, ses pères, désireux de la voir en bonne santé, lui avaient inculquée différents principes plus ou moins erronés, et Ondine les avait toujours appliqués à la lettre, du moment que les aliments nécessaires à l'organisme avaient bon goût. Aujourd'hui encore, son obsession pour le calcium ne s'était pas amoindrie.

Elle sursauta en entendant le frigo crier. Avait-elle rêvé ? Etait-ce une nouvelle trouvaille des Moldus, de faire crier leurs appareils électroménagers ? Les pauvres Moldus, toujours en quête de sensationnel pour attirer les foules.

Cependant, elle fut étonnée de voir une jeune fille contourner le frigo, un sourcil levé d'un air désabusé. Bon ok, il n'y avait plus de lait, pas besoin de chercher. Ondine observa l'inconnue tandis qu'elle passait à côté d'elle. Etait-ce la femme de ménage ? Un peu jeune, quand même. Elle n'avait même pas vingt ans. Ondine pencha la tête sur le côté, songeant qu'il y avait quelque chose chez cette personne qui la dérangeait. Elle la détailla de haut en bas tandis qu'elle ouvrait un placard pour prendre un verre, et eut alors la certitude qu'il ne s'agissait pas de la femme de ménage, à moins qu'elle soit particulièrement mal élevée. Mais alors, qui était -elle ?

Lorsque la jeune fille se retourna, Ondine resta un instant focalisée sur le tee-shirt qu'elle portait. Il y avait un petit singe dessus. Bouche bée, elle remonta légèrement jusqu'à son visage, et eut l'impression que la foudre s'abattait sur elle lorsqu'elle la vit sourire. Ce sourire... c'était le sien. Celui de Maxwell. Plaqué sur la bouche d'une ado. Un frisson désagréable la parcourut, et elle se cramponna instinctivement à la porte toujours ouverte du frigo pour éviter de tomber à la renverse. La fraîcheur qui s'en échappait gela les gouttes d'angoisse qu'elle sentait perler à son front, et elle subit un coup supplémentaire en se rendant compte que les yeux noirs de la jeune fille étaient identiques à ceux de son... père.

D'une main tremblante, elle ferma la porte du frigo et se dirigea un peu gauchement jusqu'au plan de travail pour s'asseoir sur un tabouret. Déglutissant avec peine, elle retrouva enfin l'usage de la parole. Mais elle n'arrivait plus à regarder la jeune fille. C'était vraiment trop perturbant.

"Non merci. Je ne suis pas trop confiture." dit-elle d'une voix blanche. "En plus, je viens de manger."

C'était faux, mais cette histoire venait de lui couper l'appétit. Elle avait eu l'impression d'avoir un énorme trou dans l'estomac et l'instant d'après, il avait été colmaté par du plomb. ça lui donnait même envie de vomir. Elle aurait voulu s'enfuir, partir très loin et ne jamais revenir comme Simba dans le Roi Lion. D'ailleurs, elle risqua un regard vers la porte d'entrée et chercha aussitôt une excuse pour s'échapper. Hélas, elle était en peignoire, il fallait donc d'abord qu'elle retourne dans la chambre s'habiller. Mais dans un premier temps, elle devait retrouver l'usage de ses jambes.

Un silence pesant s'était installé dans la cuisine. Ondine savait qu'elle devait dire quelque chose, mais ne trouvant rien de bien intelligent dans son cerveau envahi de brouillard, elle demanda sans réfléchir :

"ça fait longtemps que vous êtes la fille de votre père ?"

C'est vraiment terrible de prendre conscience de la bêtise dont on fait preuve après l'avoir dite. On ne peut revenir en arrière, et le carnage qui en résulte est humiliant au possible. Pour essayer de paraître moins tarte, elle esquissa un grand sourire avant de plonger le regard vers ses mains jointes sur la table.

D'accord, cette fois-ci, elle se trouvait face à une jeune femme mentalement dérangée, sujette à des crises d'angoisses et des tremblements incontrôlables. Était-elle malade ? Son père la prenait-il sous leur toit par charité en attendant qu'elle décède ? Mon dieu, elle ne voulait pas d'une mourante à ces côtés. Il n'avait pas le droit de lui faire endurer cela, ce serait totalement impardonnable. Ne portons pas de jugement trop vite. En dehors de son déséquilibre passager et de sa tête à faire peur à un zombie sorti tout droit du clip de Thriller, elle avait l'air... bien. Elle n'était pas chauve, ni couverte de plaques rouges, ni enceinte... Ce serait le comble ça. Oui, être enceinte, c'est une maladie, qui dure neuf mois et vous poursuit ensuite jusqu'à votre mort. Il ne faut pas tomber dans le piège. Elle n'aimait pas la confiture ? Elle avait un timbre de voix inquiétant, également. Mon dieu elle avait des nausées matinales encombrantes et ça la rendait patraque ? Elle angoissait à l'idée de devenir mère et c'était pour ça qu'elle n'osait plus la regarder, elle, l'adolescente encore toute jeune, future image de sa future propre fille ? Non, voyons, ton père est quelqu'un de bien Becca, il sait ce qu'il fait. S'arrêtant sur cette pensée positive, elle alla à son tour s'aventurer dans le frigo, en sortant du jus de pomme. Oui, elle changeait de temps à autre. Orange, fruits exotiques, parfois même les bières laissées à traîner... Quoi ? Elle devait bien, tous les garçons qu'elle connaissait en buvait et interdiction de paraître cruche devant eux.

Allant remplir son verre, attendant que la jeune femme débute la conversation, elle resta patiemment accoudée au plan de travail. Pas besoin de luter pour rester éveillée, même après cette douloureuse nuit blanche, elle était habituée et avait une résistance assez développée. Il en fallait beaucoup plus pour la mettre au tapis. Généralement, elle se contentait de rester là, à fixer l'invité avec son regard pénétrant, jusqu'à ce qu'elle craque et se mette à la questionner sur son identité, son âge, la raison de sa présence ici... Généralement, c'était très amusant. Pour elle. Pour la personne en face c'était plus gênant qu'autre chose. « Ça fait longtemps que vous êtes la fille de votre père ? » Elle avait à peine commencé à boire son jus de pomme qu'elle commença à s'étouffer, toussant violemment, laissant ainsi passer quelques secondes d'agonie avant de retrouver une respiration à peu près dégagée. Elle avait bien entendu ? C'était la première fois qu'on la reconnaissait au premier coup d'oeil. Oui, Maxwell évitait de parler d'elles à ses conquêtes dès le départ, surtout que c'est rarement sérieux. Elle en jouait, elle aimait bien. Mais là, être découverte en si peu de temps... C'était presque triste, elle ne pourrait pas s'amuser autant qu'elle le voulait. En tout cas, elle avait un sens de l'observation indéniable pour avoir tirer une conclusion aussi rapide. Faut dire que niveau physique, Rebecca se trouvait largement au-dessus du niveau de son paternel.

Posant son verre, replaçant une mèche de cheveux, elle feignit la réflexion alors que la question de base était tout ce qu'il y a de plus stupide. Au fond, c'était pas si idiot, parce que la réponse n'était pas si simple que cela... « Officiellement, ça fait seize ans, bientôt dix sept. Officieusement, seulement dix ans, ou quelque chose comme ça, le temps passe si vite ! » Elle laissa échapper un semblant de rire tout en continuant de fixer l'invitée de la matinée, sans se montrer désagréable pour le moins du monde. « C'est une longue histoire. » Elle n'allait pas non plus s'attarder à faire son autobiographie juste pour satisfaire son narcissisme naturel. Ce serait déplacé. « Je pourrais vous la raconter au déjeuner ! Quand il sera rentré ! » ... Oui bon, pas de sa faute si elle aimait narrer l'histoire de sa vie. Bien que là, ce soit à une blonde dont elle ne connaissait ni le nom, ni la fonction. Est-ce que c'était une prostituée ? Oh oui, tiens, si c'était une prostituée, elle voulait peut-être les voler en profiter de l'absence du maître des lieux ! Elle n'avait pas la tenue du genre. Non pas que Becca s'y connaissait dans le domaine, pas du tout. Une call-girl de luxe ? Est-ce qu'il dépensait vraiment son argent comme ça ?

Sourcil légèrement levé, en pleine réflexion, elle ne se rendait même pas compte qu'elle dévisageait la jeune femme un peu trop indiscrètement. D'un côté, elle faisait ce qu'elle voulait, elle était sur son territoire. Elle avait le pouvoir... ou elle aimait faire croire qu'elle l'avait. C'était assez plaisant de voir que malgré son jeune âge elle pouvait encore réussir à tétaniser les plus âgés ! Pas étonnant qu'après elle se trouve géniale et ne cesse de se complimenter. « Et vous, ça fait longtemps que vous couchez avec mon père ? » Son ton était détaché, comme si elle venait de lui demander son parfum de glace préféré. Le fait de prendre le tout de manière décontractée, ça ne pouvait faire que rendre la situation encore plus étrange aux yeux de quelqu'un n'étant pas habituée à ce type de réaction, venant d'une élève. Elle n'allait pas non plus passer par quatre chemins ! Ce n'était pas dans ses habitudes. Droit au but, toujours ! « Pas besoin d'être timide, vous pouvez même me tutoyer si ça vous chante ! » Et une autre gorgée de jus de pomme, sourire colgate de mise.

CETTE JEUNE FILLE AURAIT PU ETRE CHARMANTE SI ELLE N'AVAIT PAS EU TOUTES CES MIMIQUES MAXWELLIENNES. Sérieusement, ça mettait Ondine très mal à l'aise. Elle avait l'impression qu'il y avait une caméra Moldue cachée quelque part. Elle s'attendait à ce que Max surgisse d'un moment à l'autre en hurlant : "BIG JOKE ! Je t'ai eu, hein ?". Sauf que la plaisanterie avait assez duré, et qu'elle n'avait rien de drôle. Malgré tout, la jeune femme n'avait pas envie d'être désagréable avec l'adolescente qu'elle avait en face d'elle. La pauvre, elle n'y pouvait rien si elle avait un père égocentrique et facétieux ! En plus, elle avait failli la tuer avec sa phrase idiote. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle n'avait pas levé le petit doigt lorsqu'elle avait vu la jeune fille se noyer dans son verre. Espérait-elle qu'elle mourrait pour de bon et que le problème serait donc résolu ? Non, c'était méchant de penser une telle chose !

Tu brûleras en enfer. Ton karma est déjà complètement cramé de toutes façons.

Faisant un pied de nez mental à son karma en miettes, Ondine se replongea dans la conversation, et fronça les sourcils. Les propos que la jeune fille tenait étaient légèrement bizarroïdes. Elle avait donc dix-sept ans, ou presque, mais son père ne la connaissait que depuis une dizaine d'années ? C'était ce qu'elle avait voulu dire ? Ne préférant pas en savoir davantage, Ondine ne préféra pas ouvrir le grimoire des questions embarassantes et se contenta de l'écouter, les mains jointes sur la table. Tiens, elle ne tremblait plus, c'était bon signe, cela voulait dire que le choc était passé. Mais la colère envers Maxwell, elle, était toujours bien présente.

Si tu crois que je vais rester jusqu'au déjeuner, tu te mets le doigt dans l'oeil. songea-t-elle tandis qu'elle souriait poliment à l'adolescente, les dents serrées.

Elle allait s'en aller au plus vite. Il fallait qu'elle aille frapper Maxwell. Qu'elle le castre une bonne fois pour toutes. Ah non, ça c'était un peu tard. Qu'importe, elle devait absolument lui hurler dessus, ça lui ferait le plus grand bien. Elle se mit à faire le calcul dans sa tête, car l'âge de la jeune fille la tourmentait grandement. Si elle avait seize ans pour quelques jours encore, cela signifiait que... Mon dieu ! Elle n'avait que sept ans de différence par rapport à elle ! Cela voulait dire que la fille de Max était entrée à Poudlard lors de sa dernière année à elle ! Elles s'étaient peut-être croisées dans les couloirs sans se voir, mais arborant toutes deux leurs robes de sorcières ! Quelle horreur ! C'était limite de la pédophilie !

Euh... hein ? Comment ça ? Je te suis plus, là. Ondine, c'est pas toi qui sors avec. Toi, tu es avec Maxwell.

Ondine soupira intérieurement. Ouf, c'était vrai. Elle n'avait donc rien à se reprocher. Elle ne faisait rien de mal. Elle sortait juste avec un homme en âge d'être son père et qui avait précisément une fille du même âge qu'elle, à quelques années près. Tout était parfaitement cool.

Elle faillit tomber de son tabouret lorsqu'elle entendit la question choc que l'ado posa sans prévenir. Ces enfants... Il aurait fallu leur arracher la langue à la naissance. Les yeux écarquillés, elle l'observa, la bouche entrouverte, et sentit alors le vide dans son cerveau.

Dis quelque chose, viiite ! Un truc intelligent, de préférence.

"On ne fait pas que coucher, on va au restaurant aussi. Une fois. Peut-être deux." déclara-t-elle en déglutissant avec peine. "Et puis c'est juste mon patron, c'est pas comme si je sortais... avec mon patron."

Elle répondit à son sourire par une espèce de grimace douloureuse et poursuivit :

"Oh euh... d'accord. On se tutoie. Tu peux aussi le faire pour moi. ça me ferait moins bizarre, parce que depuis avant j'ai l'impression d'être vieille. Je déteste qu'on me vouvoie."

C'est vrai quoi, elle était encore toute jeune ! Trop ? C'était sûrement ce que la jeune fille devait penser. Mais d'un côté, Ondine ne cherchait pas à devenir sa mère ou son chien ! Elle ne voulait surtout pas de responsabilités de ce genre. Rien que d'y penser, ça lui donnait des allergies. Toute sa vie durant, elle avait repoussé les hommes qui voulaient passer au niveau supérieur, avec le forfait mariage-bébés. Ce n'était pas maintenant qu'on allait la forcer à assumer ce genre de délire ! Elle avait le droit de choisir sa vie, et pour le moment, elle kiffait Maxwell. Même s'il venait de lui faire un sacré coup bas.

Prenant son courage à deux mains, elle se redressa, et tendant la main à la jeune fille, elle déclara avec un franc sourire :

"On va reprendre du début, car j'ai piqué une légère crise là mais maintenant que c'est passé, je peux gérer. Surtout que tu ne portes plus de couches et que tu ne pleures pas pour un rien. Donc c'est cool. Hum... Je m'appelle Ondine Akeller, et toi ?"

Et si jamais elle se mettait à rire à cause de son pseudonyme, elle l'écorchait vive. Fille de Max ou pas. Elle était bien trop tendue pour se contrôler.

Le restaurant. C'était nouveau, le restaurant. Le "patron" aussi. Depuis quand son père faisait-il donc dans la domination ? Est-ce qu'il l'avait trouvé dans un de ces clubs étranges où toutes sortes de pratiques étaient exposées ? Elle ne préférait même pas savoir. Le terme "patron", c'était si... inhabituel. Elle se faisait des films pas très recommandables là, mieux valait qu'elle arrête d'y penser. Oh mais... Maxwell était le dirigeant de la Gazette, non ? Il avait beaucoup d'employés. Rien de sexuel dans cette tournure de phrase alors. Il était peut-être réellement son patron. Est-ce que poser la question serait inapproprié ? Mieux valait attendre un peu. Faire ce type d'allusions tout en étant en train de manger une biscotte qu'elle venait de sortir du paquet, ça la mettrait mal à l'aise et malade, surtout. De plus, si la réponse que la blondinette lui offrait se révélait être la plus étrange des deux options, elle commencerait à faire des cauchemars. Hors de question que son paternel vienne la hanter pendant son sommeil avec une tenue en latex et des instruments de torture à la Père Fouettard. Elle préféra ne pas terminer son petit déjeuner et écarta lentement la boîte, déglutissant avec difficulté rien qu'à l'idée d'avoir l'idée d'y penser. Tellement... écœurant.

Elle n'avait même pas retenu le "sortir avec", dans tout ça. Il ne sortait avec personne. Excepté si le terme "sortir" désignait le trajet maison/boulot en voiture, ou alors les galas de charité où il apparaissait deux secondes avant d'aller squatter une des chambres de l'étage avec la serveuse. Du moins c'est ainsi qu'elle l'imaginait passer le temps, voyez à quel point il était haut gradé dans son estime. C'est dire qu'il incitait le respect, ce bonhomme. Poussant un soupir tout en reportant son attention sur l'invitée et son discours au sujet de son âge, elle s'assit sur un tabouret en faisant semblant de s'intéresser à ce qu'elle disait. L'impression d'être vieille... Parce que, se retrouver dans le même lit qu'un vrai vieux, ça la rendait jeune ? C'est vrai, sa peau à elle était pas toute ridée. Néanmoins, elle espérait qu'il ne faisait pas tout le temps dans le "jeune"... découvrir une facette pédophile à son géniteur l'inquiéterait dangereusement. Mon dieu, quand est-ce qu'elle allait arrêter d'être parano à ce point ? Ça devenait inquiétant ce manque de confiance qu'elle portait à ce pauvre Tonton/Papa Max.

Elle se demandait quand même combien de temps cette femme comptait squatter les lieux. Juste histoire de savoir si elle pouvait encore danser sur la table du salon avec sa brosse à cheveux avec le fils du voisin, ou si elle devait à présent se méfier de qui elle amenait à la maison. Elle aimait bien se donner en spectacle et proposer à un peu n'importe qui de venir ici, sachant que la demeure était vide la plupart du temps. C'était sans doute une manière comme une autre de défier l'autorité et de montrer qu'elle ne comptait pas se laisser faire enfermer dans sa chambre même sous la menace... Bien qu'elle n'avait pas vraiment de limites imposées à la base. Elle est rebelle, c'est dans ses gènes ! Elle y peut rien si elle fait souvent n'importe quoi... pour attirer l'attention, forcément, c'était facile à deviner que c'était dans ce seul but qu'elle se montrait hyperactive à outrance.

« On va reprendre du début, car j'ai piqué une légère crise là mais maintenant que c'est passé, je peux gérer. Surtout que tu ne portes plus de couches et que tu ne pleures pas pour un rien. Donc c'est cool. » Elle faisait souvent cet effet là, mais habituellement elle arrivait à faire fuir l'intrus avant la phase des présentations. La phase adolescente était parfois bien plus effrayante que l'après-naissance aux yeux de certaines... « Hum... Je m'appelle Ondine Akeller, et toi ? » Ondine Akeller. Disons que si elle n'avait pas fait le rapprochement avec le jeu de mots, c'était à cause de sa blondeur intérieure, ou plutôt parce qu'elle avait déjà entendu ce nom quelque part, alors elle ne le voyait pas autrement. Calib Akeller. Lorsqu'elle avait appeler au bureau de son père pour pouvoir lui toucher deux mots au sujet de ses prochains projets d'adoption, la secrétaire avait décrété qu'il était occupé avec un certain Calib Akeller. Oh mon dieu. Oh seigneur. Étaient-ils déjà si proches au point qu'il faisait déjà connaissance avec le reste de sa famille ? Du type... Son père, son frère, son cousin, son hibou ? Depuis quand les hiboux portent-ils des noms de famille ? Calib comme prénom, c'est tellement moche en plus ! A moins que ce ne soit son mari ? ELLE ÉTAIT MARIÉE ? Ils faisaient un plan à trois ? Elle trompait son époux ? Elle était dérangée ou quoi ? Becca allait devoir monter à la vitesse supérieure. Cette femme était dangereuse.

Se levant en ignorant la main tendue, elle s'approcha d'Ondine et, rayonnante, préféra lui faire la bise. Se montrer affreusement proche jusqu'à lui foutre la trouille et la faire sortir d'ici en courant, voilà le plan. « Enchantée ! Je suis Rebecca. Tu peux m'appeler Becca. Après tout on risque de se voir souvent maintenant ! » Retrouvant sa place, juste en face, elle se mit à jouer avec une de ses mèches brunes, gardant un œil sur sa victime. « J'espère que vous resterez plus longtemps que les autres. Tu es plus jolie, déjà, la dernière avait deux nombrils. Je le sais parce que le jardinier me l'a dit, par contre comment lui l'a su j'en ai aucune idée... C'est un voyeur, mais mon père l'aime bien. T'en as qu'un toi, hein ? Je parle de nombril. Pas de père ou de jardinier. » ... Okay, ça, c'était fait.

Elle venait de l'embrasser. ELLE VENAIT DE L'EMBRASSER ! Tous les Weaving avaient-ils un problème relationnel ou quoi ? De toutes façons, il était clair que cette jeune fille avait de graves défaillances affectives. Bon sang, on n'embrassait pas les gens comme ça ! Sans prévenir ! Ondine n'aimait pas qu'on l'embrasse. Ses pères avaient toujours eu du mal à la coincer pour lui faire un câlin. En fait, il n'y avait que les étreintes de Maxwell qui ne la dérangeaient pas. Pas vraiment. C'était compliqué. Elle n'aimait juste pas qu'on la colle trop. Et voilà que cette demoiselle lui collait un smack sur la joue ! Paf, sans prévenir ! Sur le coup, Ondine resta stupéfaite, figée. Elle resta en mode pause pendant un moment qui lui parut une éternité, puis elle parvint enfin à parler.

"J'ai un nombril, comme tout le monde. Enfin comme une grande majorité de personnes. Et j'ai deux pères au lieu d'un. ça, c'est plutôt rare, et ça peut rendre dingue par moments. Tu imagines avoir deux Maxwell ? Enfin deux pères ? C'est dur à suivre parfois, surtout quand je suis entrée à l'école primaire, en fait. Tous mes camarades me demandaient sans arrêt ce qu'ils avaient fait de ma mère, et quand je leur disais que je n'en avais pas, ils se mettaient à rire. ça a été plus dur quand j'ai grandi et que j'ai compris comment fonctionnait la reproduction. C'est à cet instant que j'ai saisi l'utilité d'avoir une mère. Pour le côté pratique, tout du moins. Après, Edmund est une très bonne maman, il a même un tablier rose. Je ne pense pas que ça m'a traumatisé d'avoir été élevée par deux gays fans de disco. ça traumatise surtout les gens qui ne nous connaissent pas, finalement."

Elle se tut enfin, prenant conscience trop tard qu'elle venait de déballer une partie très personnelle de sa vie. Son enfance difficile à cause des sales gamins qui ne comprenaient pas que deux papas valaient mieux que leurs propres parents hétéros qui s'engueulaient sans cesse, ses années de solitude avant son entrée à Poudlard, sa petite douleur tout de même de n'avoir jamais connu sa mère biologique. A ce jour, elle ne savait toujours pas où elle se trouvait, si elle était encore vivante, ou même si elle pensait à sa fille qu'elle avait abandonné à la naissance. Roy, son père, en parlait peu. Elle savait que ça le faisait souffrir d'y penser.

Ondine laissa échapper un petit soupir, et glissa une main dans ses cheveux emmêlés avant de relever les yeux vers Rebecca et d'esquisser un pâle sourire. C'était bizarre, mais elle se sentait en confiance avec elle, comme si elle était face à Maxwell mais en fille, ce qui expliquait le fait qu'elle pouvait lui raconter des choses aussi personnelles sans se sentir honteuse. Bon après, sûrement que ses histoires énervaient l'adolescente qui avait mieux à faire, mais elle reconnaissait un peu à contre-coeur que ça lui avait fait du bien de parler de ça. Enfin d'avoir effleuré le sujet, tout du moins.

Elle se demanda subitement si Maxwell se débrouillait bien avec Rebecca, s'il était un bon père. Il était assez unique en son genre, alors il était impossible de savoir. De toutes façons, la réponse à cette question ne l'intéressait pas plus que ça, elle avait mieux à faire comme... aller prendre cette satanée douche !

"Je suppose que ta mère fait partie des nombreuses ex-femmes de Maxwell ?"

Mais pourquoi continuait-elle de lui parler ? Et surtout, d'un sujet aussi délicat ? Elle n'allait pas bien ou quoi ? D'un côté, c'était donnant donnant : elle avait dit un truc personnel sur elle, alors elle revendiquait le droit de savoir un truc privé sur Rebecca. Ondine avait toujours eu deux ans d'âge mental.